Il a su se relever après ses insultes contre les migrants mexicains, les handicapés ou les musulmans. Mais cette fois, Donald Trump a peut-être creusé un gouffre trop profonde pour en sortir. Certes, les propos au cœur de ce nouveau scandale ne datent pas d’hier. Il ne les a pas prononcés en tant que candidat républicain à la présidentielle américaine. Cela ne change absolument rien à leur grossièreté et au mélange de dégoût et d’anxiété qu’ils inspirent, venant d’un homme qui ambitionne de succéder à Barack Obama à la Maison Blanche.

La vidéo, publiée vendredi soir par le Washington Post, est dévastatrice. On y voit le bus de l’émission people «Access Hollywood» avancer à vitesse réduite. A l’intérieur du véhicule, invisibles mais audibles grâce aux micros sans-fil qu’ils portent, Donald Trump et Billy Bush, l’animateur de l’émission, discutent. Le magnat de l’immobilier fait l’essentiel de la conversation. Il se vante de manière vulgaire de ses techniques de drague, plus proches d’ailleurs de l’agression sexuelle que du jeu de la séduction. Au début de l’enregistrement, Donald Trump raconte une tentative infructueuse de séduire une femme, dont le nom n’est pas mentionné. «J’ai tenté une approche, elle était à Palm Beach et j’ai échoué. Je dois l’avouer. J’ai essayé de la baiser, elle était mariée et j’ai vraiment mis le paquet», dit le milliardaire. A l’époque, lui-même était marié depuis quelques mois avec sa troisième femme (et actuelle épouse), Melania.

La conversation continue, puis les deux hommes semblent apercevoir une actrice, Arianne Zucker, qui attend l’arrivée du bus. «Il faut que je prenne des Tic-Tac au cas où je l’embrasse, lâche Donald Trump. Je suis automatiquement attiré par les belles, je les embrasse tout de suite. C’est comme un aimant. Je les embrasse, je n’attends même pas». Vient alors le moment le plus obscène de la vidéo : «Quand on est une star, elles nous laissent faire. On peut faire tout ce qu’on veut. Les attraper par la chatte. On peut faire tout ce qu’on veut.» Lorsque Donald Trump évoque le fait d’«attraper» les femmes par le sexe, on entend Billy Bush – neveu et cousin des deux présidents Bush – pouffer de rire.

Regrets rarissimes

Le candidat républicain n’a pas cherché à nier l’évidence. Conscient sans doute de l’impact dévastateur de ces propos, il a rapidement publié un communiqué, dans lequel il exprime de rarissimes regrets. Tout en cherchant à détourner l’attention vers sa rivale démocrate. «C’était des plaisanteries de vestiaire, une conversation privée il y a des années. Bill Clinton m’a dit des choses bien pires sur des terrains de golf, sans comparaison. Je m’excuse auprès de tous ceux qui ont été blessés», a déclaré Donald Trump. Quelques heures plus tard, un peu après minuit, il a publié une vidéo : «Tous ceux qui me connaissent savent que ces mots ne reflètent pas qui je suis. Je l’ai dit. J’avais tort et je m’excuse.»

Manifestement convaincu que la meilleure défense reste l’attaque, le milliardaire ajoute que cette affaire «n’est rien de plus qu’une distraction des défis importants auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui». Dans un effort désespéré de détourner l’attention vers le camp Clinton, il conclut en s’en prenant à nouveau à l’ancien président. «J’ai dit des choses stupides mais il y a une grande différence entre les mots et les actions d’autres personnes. Bill Clinton a abusé des femmes et Hillary Clinton a harcelé, déshonoré et intimidé ses victimes. Nous en reparlerons dans les prochains jours. Rendez-vous au débat de dimanche».

«Nausée»

Même pour un candidat qui a bâti sa campagne en dénonçant le «politiquement correct», un tel niveau d’obscénité pourrait se révéler fatal, dans un pays qui tolère très mal les insultes. A la télévision ou dans la presse, les «dirty words» comme «fuck», «shit» ou «pussy» sont systématiquement censurés, remplacés par des bips ou des tirets. Signe du choc suscité par cet enregistrement de Donald Trump, de nombreux médias américains, dont le New York Times, Politico, CNN et NBC News, ont décidé de mettre de côté exceptionnellement leur charte éditoriale afin de reproduire en intégralité les mots prononcés par le milliardaire.