En 2005, le milliardaire disait pouvoir faire « ce qu’il veut » avec les femmes. Y compris « les attraper par la chatte ». La révélation de cette conversation vulgaire et misogyne indigne l’Amérique, même si Trump s’est excusé.
Il a su se relever après ses insultes contre les migrants mexicains, les handicapés ou les musulmans. Mais cette fois, Donald Trump a peut-être creusé un gouffre trop profonde pour en sortir. Certes, les propos au cœur de ce nouveau scandale ne datent pas d’hier. Il ne les a pas prononcés en tant que candidat républicain à la présidentielle américaine. Cela ne change absolument rien à leur grossièreté et au mélange de dégoût et d’anxiété qu’ils inspirent, venant d’un homme qui ambitionne de succéder à Barack Obama à la Maison Blanche.
La vidéo, publiée vendredi soir par le Washington Post, est dévastatrice. On y voit le bus de l’émission people «Access Hollywood» avancer à vitesse réduite. A l’intérieur du véhicule, invisibles mais audibles grâce aux micros sans-fil qu’ils portent, Donald Trump et Billy Bush, l’animateur de l’émission, discutent. Le magnat de l’immobilier fait l’essentiel de la conversation. Il se vante de manière vulgaire de ses techniques de drague, plus proches d’ailleurs de l’agression sexuelle que du jeu de la séduction. Au début de l’enregistrement, Donald Trump raconte une tentative infructueuse de séduire une femme, dont le nom n’est pas mentionné. «J’ai tenté une approche, elle était à Palm Beach et j’ai échoué. Je dois l’avouer. J’ai essayé de la baiser, elle était mariée et j’ai vraiment mis le paquet», dit le milliardaire. A l’époque, lui-même était marié depuis quelques mois avec sa troisième femme (et actuelle épouse), Melania.
La conversation continue, puis les deux hommes semblent apercevoir une actrice, Arianne Zucker, qui attend l’arrivée du bus. «Il faut que je prenne des Tic-Tac au cas où je l’embrasse, lâche Donald Trump. Je suis automatiquement attiré par les belles, je les embrasse tout de suite. C’est comme un aimant. Je les embrasse, je n’attends même pas». Vient alors le moment le plus obscène de la vidéo : «Quand on est une star, elles nous laissent faire. On peut faire tout ce qu’on veut. Les attraper par la chatte. On peut faire tout ce qu’on veut.» Lorsque Donald Trump évoque le fait d’«attraper» les femmes par le sexe, on entend Billy Bush – neveu et cousin des deux présidents Bush – pouffer de rire.
Regrets rarissimes
Le candidat républicain n’a pas cherché à nier l’évidence. Conscient sans doute de l’impact dévastateur de ces propos, il a rapidement publié un communiqué, dans lequel il exprime de rarissimes regrets. Tout en cherchant à détourner l’attention vers sa rivale démocrate. «C’était des plaisanteries de vestiaire, une conversation privée il y a des années. Bill Clinton m’a dit des choses bien pires sur des terrains de golf, sans comparaison. Je m’excuse auprès de tous ceux qui ont été blessés», a déclaré Donald Trump. Quelques heures plus tard, un peu après minuit, il a publié une vidéo : «Tous ceux qui me connaissent savent que ces mots ne reflètent pas qui je suis. Je l’ai dit. J’avais tort et je m’excuse.»
Manifestement convaincu que la meilleure défense reste l’attaque, le milliardaire ajoute que cette affaire «n’est rien de plus qu’une distraction des défis importants auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui». Dans un effort désespéré de détourner l’attention vers le camp Clinton, il conclut en s’en prenant à nouveau à l’ancien président. «J’ai dit des choses stupides mais il y a une grande différence entre les mots et les actions d’autres personnes. Bill Clinton a abusé des femmes et Hillary Clinton a harcelé, déshonoré et intimidé ses victimes. Nous en reparlerons dans les prochains jours. Rendez-vous au débat de dimanche».
«Nausée»
Même pour un candidat qui a bâti sa campagne en dénonçant le «politiquement correct», un tel niveau d’obscénité pourrait se révéler fatal, dans un pays qui tolère très mal les insultes. A la télévision ou dans la presse, les «dirty words» comme «fuck», «shit» ou «pussy» sont systématiquement censurés, remplacés par des bips ou des tirets. Signe du choc suscité par cet enregistrement de Donald Trump, de nombreux médias américains, dont le New York Times, Politico, CNN et NBC News, ont décidé de mettre de côté exceptionnellement leur charte éditoriale afin de reproduire en intégralité les mots prononcés par le milliardaire.
This is horrific. We cannot allow this man to become president. https://t.co/RwhW7yeFI2
— Hillary Clinton (@HillaryClinton) October 7, 2016
«C’est horrible. Nous ne pouvons pas permettre à cet homme de devenir président», a réagi Hillary Clinton sur Twitter. «Cela me donne la nausée», a déclaré son colistier, le sénateur de Virginie Tim Kaine. Dans le camp démocrate, beaucoup ont souligné la violence des propos de Donald Trump. «Ce que Trump décrit dans cette vidéo correspond à une agression sexuelle. Son comportement est répugnant et inacceptable», a martelé la vice-présidente du Planned Parenthood Action Fund, une ONG de soutien au Planning familial. «Game over», a commenté un ancien porte-parole de Barack Obama.
«Aucune manière de défendre l’indéfendable»
Outre les condamnations, les appels lancés aux républicains afin qu’ils lâchent Donald Trump se sont multipliés. «Que faudra-t-il pour que les Républicains abandonnent Donald Trump?», s’est interrogé le sénateur démocrate du Nevada, Harry Reid, estimant qu’il était «temps pour tous les élus républicains de ce pays de retirer leur soutien» au nominé de leur parti. «Il n’y a aucune manière de défendre l’indéfendable. Au nom de la décence, les républicains devraient admettre que ce déviant, ce sociopathe, ne peut pas être président», a ajouté dans un communiqué cinglant le chef de la majorité démocrate au Sénat.
Sans aller jusque-là – pour le moment -, de nombreux républicains ont toutefois vivement dénoncé les dérapages de Donald Trump. A commencer par le chef du Grand Old Party, Reince Preibus: «Aucune femme ne devrait jamais être décrite dans ces termes ou évoquée de cette manière. Jamais», a-t-il réagi dans un communiqué lapidaire. Signe d’une réelle fracture au sein du parti conservateur, le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, qui devait faire ce samedi sa première apparition de campagne avec Donald Trump dans son état du Wisconsin, a fait savoir au milliardaire qu’il n’était plus le bienvenu. «Je suis écoeuré par ce que j’ai entendu aujourd’hui. Les femmes doivent être soutenues et vénérées, pas objectifiées, a-t-il souligné dans un communiqué. J’espère que M. Trump traitera cette situation avec le sérieux qu’elle mérite et travaillera pour démontrer au pays qu’il a davantage de respect pour les femmes que ce que ce clip suggère. En attendant, il ne participera pas à l’événement de ce samedi dans le Wisconsin».
Remplaçant
Au milieu de l’avalanche de condamnations dans le camp républicain, quelques voix se sont élevées dès vendredi soir pour demander à Donald Trump de se retirer de la course. «Dans une campagne qui n’a été rien d’autre qu’une course vers le bas, à un moment aussi critique pour notre nation, il est temps pour le Gouverneur Pence (le colistier de Donald Trump, ndlr) de reprendre la bannière du parti», a réagi l’ancien gouverneur de l’Utah, Jon Huntsman. Le sénateur de l’Illinois, Mark Kirk, a appelé Trump à jeter l’éponge et le parti républicain à nommer en urgence un remplaçant. Quant au représentant de l’Utah, Jason Chaffetz, il est devenu le premier républicain siégeant au Congrès à retirer son soutien à Donald Trump.
A un mois de l’élection du 8 novembre, et à 48 heures du deuxième débat présidentiel contre Hillary Clinton, dimanche dans le Missouri, la révélation de cette vidéo pouvait difficilement plus mal tomber pour Donald Trump. De nouveau distancé dans les sondages, tant au niveau national que dans les «swing states» les plus cruciaux, le milliardaire républicain a cruellement besoin de remonter sa cote de popularité auprès des indépendants et des femmes. Selon une récente enquête NBC / Wall Street Journal, seules 24% des femmes avaient mi-septembre une opinion favorable de Donald Trump. On le voit mal désormais remonter une pente de plus en plus glissante. Cette fois, le magnat de l’immobilier a peut-être définitivement laissé passer sa chance.
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