Isolé, distancé et acculé, Donald Trump semble avoir fait une croix sur la présidence des Etats-Unis. En chute libre dans l’opinion depuis que les accusations de harcèlement et d’agression sexuelle se multiplient à son encontre, il a quasiment officialisé sa défaite tout au long du week-end en hurlant, trois semaines avant le scrutin, à «l’élection truquée». Une petite musique que le candidat républicain faisait déjà courir cet été. Mais désormais, sa débâcle – que les sondages annoncent cuisante, Hillary Clinton affichant un avantage de 5,5 points dans les sondages à l’échelle fédérale et une avance confortable dans tous les swing states, à l’exception de l’Iowa et de l’Ohio – est devenue l’obsession explicite du milliardaire, qui «passe son temps à se trouver des excuses», comme l’a taclé Barack Obama vendredi. Et le Président de filer la métaphore sportive : «On n’a pas à se plaindre auprès de l’arbitre avant que l’issue du match ne soit décidée. On doit juste jouer le jeu, non ?»

Le caractère mauvais joueur de Trump pourrait amuser les démocrates si ce dernier n’usait pas d’une rhétorique complotiste, à la limite des appels à l’insurrection. L’enjeu n’est plus de savoir si Trump concédera plus ou moins gracieusement sa défaite, mais s’il ira jusqu’à appeler au soulèvement, après avoir déclaré qu’il emprisonnerait sa rivale s’il était élu, et sous-entendu qu’elle devait être stoppée par les armes dans le cas contraire. Déjà, en 2012, Trump avait réagi à la réélection d’Obama en appelant sur Twitter à la «révolution», et à «marcher sur Washington».Durant les meetings de ce week-end, Trump a répété que la démocratie américaine n’était qu’une «illusion», une «machine corrompue» par les médias, les banques et l’establishment des deux grands partis.

«Malhonnêtes»

Dimanche, son colistier Mike Pence a tenté de calmer le jeu en assurant que le ticket républicain accepterait bien l’issue du vote le 8 novembre. Mais, plutôt que de reprendre les déclarations de Pence, Trump maintenait dans la foulée ses accusations sur Twitter : «L’élection est totalement truquée par les médias malhonnêtes et biaisés qui soutiennent Hillary la corrompue – mais aussi dans de nombreux bureaux de vote. TRISTE.»

Si Trump a fait de la défiance envers les médias un des piliers de sa campagne populiste, ces derniers le lui ont bien rendu en prenant quasi unanimement position contre lui, du Washington Post au traditionnellement neutre USA Today, qui est sorti de sa réserve en déclarant le milliardaire «inapte» à la fonction suprême, et jusqu’à l’influent bimensuel conservateur The National Review, qui s’est fendu d’un numéro «Against Trump». Mais la remise en cause de la bonne tenue du vote est récente. Et plus inquiétante.

Tim Kaine, le colistier de Hillary Clinton, a appelé le Parti républicain au respect du scrutin, dénonçant une «tactique d’intimidation». A l’image de ces supporteurs de Donald Trump en Virginie, postés douze heures, jeudi, devant le local de campagne de la représentante démocrate de leur Etat, armes en évidence et Constitution à la main. Au début du mois, le candidat républicain avait déjà appelé ses partisans à «surveiller certaines zones».

Poison

Rudolph Giuliani, ardent soutien de Trump, a ajouté une goutte de poison racialiste aux suspicions paranoïaques du milliardaire en évoquant le prétendu «contrôle» des démocrates sur les «quartiers défavorisés» des grandes villes, telles que Philadelphie ou Chicago. Deux métropoles avec une forte population afro-américaine, où, selon l’ex-maire de New York, «les morts ont tendance à voter démocrate», sans toutefois pouvoir citer un exemple avéré de fraude récente. Cherchant à préserver ce qui reste de l’image du Grand Old Party, Paul Ryan, le président républicain de la Chambre des représentants, a de son côté fait savoir qu’il avait une entière confiance dans la façon dont les autorités locales conduiraient le scrutin. Une position «naïve», selon Trump :«Bien sûr qu’il y a de la fraude à grande échelle avant et pendant le jour du vote. Pourquoi les leaders républicains nient ce qui se passe vraiment ?», a-t-il tweeté lundi.

Sur le terrain, l’ambiance s’annonce électrique de part et d’autre. Dimanche soir, un engin incendiaire a détruit un local du Parti républicain en Caroline du Nord – un acte «terrifiant et inacceptable»pour la candidate démocrate, mais un exemple pour Trump de ce dont«les animaux représentant Hillary Clinton» sont capables. La veille, David Clarke, shérif du comté de Milwaukee et soutien de Trump, annonçait la couleur sur Twitter : «Toutes nos institutions […] sont corrompues et on se contente de geindre. C’est l’heure des fourches et des torches.»

Guillaume Gendron