Le 13 Septembre 1958, Um Nyobè, surnommé le Mpodol(Porte-Parole), était assassiné à Libog Li Ngoi par l’armée française. Ce jour est légitimement devenu pour les upécistes, et sympathisants, une date historique, hautement symbolique et mémorielle, dans la lutte pour l’indépendance du Kamerun.
A cet effet, ce 13 Septembre 2015, la rédaction de diaf-tv s’est rendue à Deido (quartier de la ville Douala) où elle a tendu son micro et posé sa caméra pour écouter le Président Ndéma Samè Alexis, de la fraction upéciste dite des fidèles, avec qui l’actualité du Cameroun, les élections à venir, le bilan de l’UPC ont été abordés. En attendant la version vidéo de cet échange, nous vous proposons ci-dessous sa version écrite.
1ere partie (Vie au sein de l’UPC)
–Alexis Ndema Samè,
comment vous présenter, Président d’une fraction
de l’Upc dite des fidèles, compte tenu des querelles internes et
l’existence de plusieurs fractions ou tout simplement Président de l’Upc ?
Après près de 25 ans de clarification permanente, suite à la création de l’UPC de 1991 sous l’instigation du pouvoir et sous la direction de Dika Akwa puis de Kodock Bayiha, il me semble légitime de me présenter comme le président de l’UPC de 1948, que l’opinion dénomme aujourd’hui l’UPC des fidèles.
Vous conviendrez aussi avec moi, qu’à l’occasion de l’évocation de l’odieux assassinat de Ruben UM NYOBE, les polémiques perceptibles dans la formulation de votre question soient reléguées au second plan, afin de se concentrer sur l’essentiel.
Nous sommes aujourd’hui dimanche 13 Septembre 2015, une date pleine de symboles. Quel commentaire vous inspire ce jour ?
L’assassinat de RUN dans la forêt de Libél li Ngoi, non loin de son Boumyebel natal, le 13 septembre 1958, fait du « 13 septembre » chaque année, un jour de deuil, un jour de colère et paradoxalement, un jour de gloire en même temps.
• Le deuil renvoi à la détresse infinie que l’immense majorité des kamerunais ont vécue, à l’annonce de la mort de son porte-parole, le « mpodol ». Et ce sentiment a été transmis de génération en génération, malgré la répression barbare qui a suivi. Aujourd’hui encore, les cœurs continuent de saigner, croyez-moi.
• C’est un jour de colère parce que par cet acte odieux, le peuple kamerunais a été offensé et humilié au plus profond de lui-même. Au nom de quoi, a-t-on, ce samedi 13 septembre 1958, abattu RUN comme un chien, exposé son corps comme un trophée de guerre et posé une colonne de béton sur ce corps meurtri à l’intérieur d’une tombe sommaire ? Au seul motif qu’il demande une justice pourtant élémentaire, du droit du peuple kamerunais à disposer de lui-même ? Sous d’autres cieux, en Algérie comme en Afrique du Sud, l’oppresseur malgré tout, n’a pas franchi ce cap. N’est ce pas enrageant ?
• Mais oui paradoxalement, c’est aussi le jour de gloire pour Ruben. Parce qu’il a refusé au prix de sa vie, d’accepter de conduire la solution néocoloniale dans notre pays, il s’est ouvert la porte de l’éternité. Il voulait éviter à notre peuple et aux peuples africains en général, le sort macabre que nous vivons aujourd’hui, qui ne se conjugue qu’avec des calamités : misère, corruption, dépotoir, dépendance,…
Parce qu’il a vu juste et qu’il s’est déployé sans compter, y laissant sa vie, RUN a gagné le droit d’être honoré sans bornes. Et il l’est dans le cœur de tout
kamerunais qui se respecte.
En définitive, pour nous upécistes, cette évocation est un devoir de mémoire, doublé d’un réarmement moral pour continuer la lutte jusqu’à la victoire.
D’après vous, que reste-t-il aujourd’hui de la pensée de Ruben Um Nyobé ?
Permettez-moi d’entrée de jeu, de lier la pensée de UM et la pratique politique qu’il a animée au sein de son parti, et parler davantage de son projet pour le Kamerun, un projet inachevé dont la pertinence reste intacte.
Et pour cela je m’appuie sur trois éléments significatif : la souveraineté, la responsabilité et l’organisation.
• RUN est allé trois fois au siège des Nations Unies pour défendre la cause de la réunification et de l’indépendance du Kamerun (en 1952, 53 et 54). Il a expliqué du haut de cette tribune mondiale, et de manière claire et convaincante que les kamerunais ont le droit comme tous les peuples du monde, de décider de la manière dont leur pays doit être géré ; qu’ils veulent, ensemble, effectivement jouir de ce droit et que ce droit ne se marchande pas.
C’est grâce à lutte de RUN et ses compagnons que les colonialistes et l’ensemble de la Communauté Internationale des années 50, ont fini par valider la proclamation de l’indépendance du Kamerun le 1er janvier 1960 et la réunification le 1er octobre 1961.
Mais voilà : le contenu a été au préalable soigneusement vidé dès le lendemain du 13 septembre fatidique. Aujourd’hui encore nous payons le prix cher de cette forfaiture : main mise des groupes étrangers sur l’embryon d’industries existantes, y compris les secteurs stratégiques comme l’eau, l’énergie, l’exploitation minières, le pétrole, etc… ; la gestion des ports, les chemins de fer ; le transport aérien ; les terres disponibles sont progressivement cédées aux mêmes groupes avec des complicités dans l’appareil d’Etat ; et pour finir la confiscation des réserves financières à travers la CFA. Conclusion, les kamerunais travaillent pour grossir des comptes, sans impact réel sur leur qualité de vie. Il n’y a aucun service public garanti. Les intérêts de groupes priment sur l’intérêt national. Tout à l’opposé du projet de UM et ses compagnons.
* Un autre apport qui est significatif de la pensée de UM, c’est la responsabilité. A la suite des évènements sanglants de Mai 1955, le Haut-Commissaire en poste au Kamerun, Roland Pré, a pris des mesures hardies qui étaient tout simplement pompées dans le programme du mouvement nationaliste. Ainsi par exemple, la ville de Douala s’est vue dotée pour la 1ère fois d’un conseil municipal totalement élu, avec un maire bien d’ici!
Même l’Eglise catholique dont la hiérarchie s’est montrée ouvertement hostile vis-à-vis de l’UPC en a profité. Thomas Mongo a été sacré évêque de Douala, concrétisant la revendication de l’UPC qui demandait l’accès des nationaux à la gestion des affaires de la cité et du pays. Tout cela est un acquis de la lutte de RUN et ses compagnons, contribuant à armer moralement notre peuple dans l’objectif d’assumer lui-même son destin.
• Un 3è apport dans l’œuvre du Mpodol : l’organisation ! Un peuple, un groupe inorganisé est à la merci de ses bourreaux. RUN et ses compagnon ont bâti une organisation, l’UPC qui a conduit la lutte en puisant les ressources dans l’ensemble de notre pays, dans toutes les ethnies, dans toutes les régions, parmi les femmes, les jeunes, les ouvriers, les paysans…C’est dans ce ferment que s’est construit véritablement le sentiment national que nous peinons à capitaliser, certainement du fait de la défaite militaire du camp des nationalistes véritables. Mais c’est le seul chemin vers la construction pérenne d’un pays multiethnique comme le nôtre.
Il a imprimé l’application et le respect de la culture de la démocratie dans son parti l’UPC, confirmant le vieil adage qui dit qu’une seule main n’attache pas un paquet.
Il a prescrit l’unité du groupe dans le respect des objectifs et des principes librement consentis au sein du groupe. Cette obsession sur l’unité s’étend au-delà du Kamerun, convaincu que les peuples africains dominés par le colonialisme devraient s’unir pour espérer faire prévaloir leur droit à disposer d’eux-mêmes.
Il a enfin professé l’émergence d’une culture basée sur une morale sociale positive, résumée dans la devise de l’UPC : fermeté, vigilance, fraternité et honnêteté !
Voilà quelques traits d’un vaste édifice qu’il s’est attelé à construire avec ses compagnons, chacun jusqu’à la fin de sa vie : Moumié, Ouandié, tous assassinés. d’autres ont suivi avec la même fin tragique: puis après, Osende, Ndoh à petits feux, et les si nombreux combattants plus ou moins connus.
Aucun des aspects soulignés ci-dessus n’est périmé et l’œuvre de UM reste quant au fond toujours d’actualité.
Et pour ce qui est de l’organisation de Um Nyobé, l’UPC, qu’est-ce qu’il en reste, après près de 70 ans de lutte politique ? 70 ans, ce n’est pas trop long ? Qu’est ce qui peut justifier l’incapacité de l’UPC à accéder à la magistrature suprême ? Vous y arriverez un jour ?
Il reste ce qu’il a laissé, et qui subit l’épreuve du temps et des difficultés liées aux défaites politiques et militaires accumulées. L’on pourrait poser les mêmes questions d’une façon différente. Par exemple celle-ci : comment se fait-il que l’UPC existe encore,( la preuve en est que vous nous interrogez non pas en tant qu’historien mais en tant qu’acteur politique de ce parti ; oui comment donc se fait-il que malgré toute la hargne revancharde des gouvernements successifs en France, malgré le harcèlement continu des pouvoirs de Yaoundé, malgré les assassinats, les massacres, l’exil, les déportations, les emprisonnements, les tortures, pendant 70 ans, cette soi-disant « vermine upéciste » ne cède-t-elle pas ?
A votre question, nous répondons par l’affirmative ; nous y arriverons parce que c’est une lutte juste et ce pourquoi l’UPC a été créée n’étant pas encore réalisé, son rôle reste actuel. Chaque génération s’adaptera à la situation, jusqu’à ce que notre peuple recouvre sa souveraineté dans une Afrique libre et unie. Et c’est un objectif bien plus important que la conquête d’un soi-disant « magister suprême » dans la cacophonie et le mensonge.
Est-ce que la dispersion des forces n’y est pour rien ? Qu’est ce qui justifie les nombreux soubresauts que l’on observe au sein de votre famille politique, en tous cas, au sein de ceux qui se réclament de Um Nyobé et de l’UPC justement ?
Bien sûr que la dispersion des forces est un handicap. Mais en examinant un peu ce phénomène, on devrait relativiser l’opprobre jeté à l’UPC combattante sur ce problème. La 1ère dispersion a été effectuée peu avant et surtout après les évènements de Mai 55. Kumba et d’autres villes du Sud-Ouest ont constitué dans un premier temps le refuge privilégié. Puis ce fut des expulsions à des destinations diverses : Soudan, Egypte, Ghana, Algérie, etc… Et ce n’était pas du fait des upécistes qui s’en veulent les uns et les autres. La répression a pris le relais et les difficultés d’une lutte longue, clandestine et globale en Afrique a fait le reste, disons jusqu’en 1990. Aujourd’hui, personne ne demande des comptes aux responsables de cette sinistre époque qui ont tout fait pour démanteler l’UPC et couper la têtes des principaux responsables. Il y en a même qui s’en vantent au nez et à la barbe du peuple dominé. Peut-être que le temps des comptes n’est pas encore arrivé, mais tout de même !
A défaut donc de s’attaquer aux coupables de cette dispersion, l’on se précipite allègrement sur les victimes et leurs camarades décidés à poursuivre le combat de UM et ses fidèles compagnons. Encouragés dans cette cabale par l’imposture créée en 1991 à l’initiative du pouvoir, de nouveau inquiet, alors qu’il a déjà fêté la fin programmée de l’UPC. Malgré tous nos efforts pour absorber cette nouvelle difficulté imposée par l’adversaire de toujours, eh bien, c’est l’intégrité même de l’UPC qui est en jeu. Ou bien vous vous dissolvez dans la nouvelle UPC créée par votre adversaire ou bien vous n’existez pas. Si vous refusez, alors vous êtes divisés de fait ; et vous êtes voués à la vindicte populaire, au chantage et au harcèlement de l’Administration complice. Et de tout cela, pratiquement personne ne dit rien. Tous les démocrates perdent la voix !
Alors où est aujourd’hui la famille politique de UM ? Ce n’est certainement pas avec les copains des assassins de UM. Notre famille s’est élargie heureusement de nombreux kamerunais qui ne militent pas dans l’UPC mais qui n’acceptent plus la descente aux enfers de notre pays et qui cherchent eux-aussi des solutions viables pour la souveraineté de notre peuple et son bien-être. La dispersion de ces forces de progrès est réelle et exige de nous l’UPC des fidèles, écoute, compréhension et humilité afin que nous cheminions ensemble pour redonner confiance au peuple kamerunais.
Lors des dernières consultations électorales en 2013, l’UPC a obtenu 3 sièges de députés et des conseillers dans 7 communes. A quand le retour de l’UPC au sein du gouvernement?
Je crois que cette question ne s’adresse pas à l’UPC des Fidèles. Il y des voix plus autorisées pour y répondre. L’on peut juste poser la question de savoir quel est le bilan des expériences gouvernementales de l’UPC de 1991. Que cela a-t-il bien apporté au peuple kamerunais ? De quelles peines s’est-il vu soulagé ?
Lors de la célébration cette année des 25 ans du Social democratic front (SDF), des leaders de l’UPC représentée à l’Assemblée nationale se sont présentés comme les pionniers de la démocratie au Cameroun. Alors Quelle réflexion cela vous suggère au vu du rôle joué par votre parti avant l’indépendance du Cameroun ?
Dans votre question j’ai retenu « pionniers de la démocratie ». Si les mots ont encore leurs sens, un parti politique crée en 1990 ou en 1991, ne peut pas se prévaloir d’être pionnier de la démocratie au Kamerun. Ceci n’enlève en rien la contribution du SDF dans l’avènement des lois de décembre 1990 rétablissant les libertés publiques, à commencer par le multipartisme. La mobilisation et le courage manifesté à Bamenda en ce mois de Mai 1990, témoignent de ce dont le peuple kamerunais est capable quand il se met en mouvement.
Ceci dit, l’UPC a été de tous les combats pour la démocratie, et le progrès dans notre pays et en Afrique, avant 1960, comme après. Elle n’a pas hésité à prendre ses responsabilités, seule, entre 1974 et 1989 pour réclamer l’application de l’article 3 de la Constitution en vigueur au Kamerun, qui consacrait le multipartisme, sous la dictature sanglante du parti unique d’Ahidjo. Ce fut le point d’ancrage de la stratégie du Manifeste National pour l’Instauration de la Démocratie (MANIDEM), initiée par la direction de l’UPC, alors animée par Woungly Massaga et Ndoh Michel. Pendant les années 90, dites de braises, les troupes upécistes étaient toujours présentes au front. Aujourd’hui encore, il est significatif que l’UPC des Fidèles soit encore là, pour dénoncer les abus de l’autorité administrative dans l’application des lois sur les libertés publiques et exiger un cadre consensuel pour l’organisation d’élections libres et transparentes dans notre pays.
Quels sont vos rapports avec les ténors des autres fractions de votre parti ?
Empreints de cordialité. L’UPC des Fidèles n’est en rien mêlé dans les batailles internes à l’UPC de 1991. Nos rencontres, et il y en a, notamment avec ONANA Victor, détermineront le cadre de travail commun, dans lequel chaque parti tirera son épingle du jeu, en fonction des intérêts qu’il défend. Et il en est de même avec d’autres partis politiques dans le pays.
2018, c’est dans quelques années, et L’UPC des Fidèles dont vous êtes le Président, peine à obtenir sa légalité au Cameroun. Peut-on conclure que 2018 est à oublier encore une fois pour votre parti?
L’heure est à la recherche de solutions véritables pour notre pays et d’intérêts pour les populations. On ne saurait livrer l’avenir d’un pays comme le nôtre, plein de ressources de toutes sortes, à une seule perspective, celle d’accompagner la reconduction pure et simple à la tête d’un Etat hyper présidentiel, un vieil homme de 85 ans, entouré d’une gérontocratie repue.
Rien ne distraira l’UPC des fidèles dans sa démarche au profit de l’intérêt national. La revendication pour des élections justes et transparentes reste notre voie d’accès au pouvoir seul ou avec d’autres forces, de préférences progressistes. Nous avons initiée cette revendication avec d’autres forces, en dénonçant l’implication totale et partiale du Minat. Cela a abouti à la mise en place d’Onel1, puis Onel2 et ensuite Elecam aujourd’hui, qui malheureusement porte encore la marque de la tare initiale, qui est la partialité au profit des candidats du parti au pouvoir. Ce qui pratiquement, condamne le pays à ne pouvoir envisager dans les conditions actuelles, une alternative par la voie électorale. Nous poursuivons ce combat, en l’intégrant dans une revendication plus large qui est l’appel à une transition, pour sortir le pays du système actuel et engager une transformation qualitative globale de notre société en pleine crise. Sur ce chemin, 2018 dans les conditions actuelles, n’est qu’une possibilité, mais pas la seule !
2ème partie (Actualité)
Le Cameroun est depuis quelques mois la cible des attentats terroristes, Fotokol, Maroua, Kerawa, …ces attentats ont fait de nombreuses victimes, comment appréciez-vous la gestion de cette crise sécuritaire par le gouvernement en place ?
En ce qui concerne la solution militaire il est de notoriété publique, que les forces de défense et de sécurité du pays disposent de réelles compétences et que du travail sérieux est abattu pour faire reculer la secte Boko Haram, d’où le changement de mode opératoire opéré par celle-ci. Mais il est également connu que l’Armée dans son ensemble, évolue dans un environnement vicié, fait de difficultés de coordination, d’affairisme, de népotisme qui gangrène tout le service public. L’armée n’y échappe pas. C’est pourquoi l’UPC tient toujours à rappeler qu’il faut attaquer le mal par sa racine. Les causes essentielles de cette percée dans l’Extrême-Nord du pays, nécessitent des approches complémentaires à la solution armée et humanitaire, qui est elle-même à améliorer. Nous pensons par exemple au développement inégal des régions et la misère qui sévit, rendant les populations vulnérables. Nous pensons aux frustrations politiques, électorales accumulées, dues notamment aux tricheries électorales à répétition, entretenues par le parti au pouvoir. Nous pensons aux tergiversations qui ont compliqué la coordination des forces entre les différents pays voisins, tous pourtant attaqués ; sans compter les allégeances des uns et des autres par à telle puissance étrangère plutôt qu’à une autre. Autant de contraintes qui exigent des changements de fond dans les politiques intérieures de nos Etats, et une révision courageuse de la fameuse intangibilité des frontières héritées de la colonisation.
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Quelle évaluation faites-vous des mesures de sécurité prises dans nos
grandes villes afin d’éviter des attentats ?
Quelques désagréments aux populations, mais il faut bien faire quelques chose.
Cependant, il conviendrait tout de même d’être attentif aux abus incontournables dans l’ambiance de corruption généralisée que connaît la pays. Des brimades persistent au cours des contrôles et des rafles de quartiers, de longues files d’attente pour l’établissement des CNI, etc…
Veiller également à ce que les mesures spéciales ne deviennent la règle trop longtemps. L’on se rappelle que les commandements opérationnels ont eu du mal à partir, et que les lois « sur la subversion » ont résisté pendant 18 ans !
Maintenant, il ya tout de même une nouveauté à relever. L’appel à la collaboration de la population face aux nouvelles méthodes de Boko Haram, rappelle que lorsque ça va vraiment mal dans le pays, le peuple est le dernier rempart pour la sécurité de tous. Ceci devrait faire réfléchir sur la place de l’armée dans la nation et ses liens avec la population.
Lors d’une récente sortie médiatique du Général Semengue
(Emission Tribune de l’histoire sur Canal2), il a semblé réfuter l’existence
d’un génocide en pays Bamiléké et Bassa lors des luttes d’indépendance, quelques semaines seulement après l’aveu du Président français en visite officielle à Yaoundé. Quelle lecture faite vous de ces interventions ?
Nous avons eu à exprimer l’indignation des upécistes suite à la tentative du général et le journaliste BINZI Anani, de banaliser les massacres perpétrées sur les populations par les troupes coloniales puis néocoloniales pendant de longues années. Avec le corollaire de banaliser par la même occasion, l’objet de ce conflit. Je préfère m’en tenir aux propos antérieurs du même général qui semblaient exprimer de l’admiration pour ces combattants démunis, mais courageux et militants. Il s’était dit favorable à l’ouverture d’un débat national sur la question. Cette une proposition séduisante ; elle est même incontournable pour ramener la réconciliation de notre peuple avec son Histoire. Le revirement du général est pour le moins curieux, au moment où le président de la république française amorce un pas, certes timide mais réel, dont la bonne exploitation devrait permettre d’avancer vers l’examen objectif du conflit historique entre nos deux pays, en vue de le solder, pourquoi pas ?
2 ans après les élections législatives et municipales, toujours pas de nouveau gouvernement. A quoi imputez-vous cela ?
Approfondissement de la crise que connaît le pays et en particulier au sein de l’équipe dirigeante. Même la loi de finances 2015 est soumise à des plans d’urgence à répétition. Vivement la Transition…
Le 13 septembre, c’est aussi la période de la rentrée. Plus de 60% de la population a moins de 25 ans au Cameroun. Et au niveau international, on entend beaucoup parler de la crise des réfugiés en Europe. Les Africains meurent par centaines sur les bateaux en Méditerranée et il y a beaucoup de nos jeunes compatriotes parmi eux.
Si l’UPC est au pouvoir demain, qu’est-ce que vous avez prévu de faire pour cette jeunesse, pour qu’elle ait enfin un avenir assuré ici au Cameroun?
Le Comité Directeur de l’UPC, c’est-à-dire la direction nationale de notre parti, au cours de sa session trimestrielle tenue en juillet 2015, a commis une déclaration sur cette question en attirant l’attention de l’opinion sur les causes profondes du départ à l’aventure périlleuse de nos jeunes compatriotes désespérés, à cause de la situation intolérable et sans perspective dans le pays.
Ce résultat dramatique n’est pas étonnant ; Il ne pouvait en être autrement. C’est l’une des caractéristiques criardes d’un choix opéré par les dirigeants africains en adoptant la solution néocoloniale qui fait de nos pays des espèces de comptoirs au profit essentiellement des besoins d’autres économies que les nôtres. Comment expliquer qu’alors même que tout, pratiquement tout soit à construire chez nous, la tranche de la population qui dispose le plus de l’énergie nécessaire, soit tout simplement ignorée ? Même si les chiffres sont controversés, ceci concerne 750%, 80%, voire 75% de la population active. Les statistiques officielles elles-mêmes varient, en fonction du département ministériel. En tout état de cause, il suffit de faire un tour dans nos grandes villes pour s’apercevoir du nombre impressionnant de jeunes gens qui vivent d’expédients. Et dans nos familles, ils sont nombreux qui vivotent, leur parchemin universitaire en main. Ceux des aventuriers qui reviennent au pays pour une raison ou une autre, ne rêvent que d’un prochain départ, se croyant mieux armé.
Face à cette situation qui ne date pas d’aujourd’hui, le programme de l’UPC dont la dernière mise à jour date du congrès d’août 2008, a identifié l’inexistence d’une politique de l’emploi et la quasi nullité de la formation professionnelle, comme l’un des 13 grands problèmes et défis majeurs qui minent notre pays. Et que ces problèmes demandent des solutions le plus rapidement possibles avant qu’il ne soit trop tard. Les évènements nous montrent bien que nous sommes sur le tard et que la crise s’est aggravée.
Les propositions de l’UPC sont contenues dans le même texte, intitulé « Le Kamerun doit changer dans une Afrique en marche et un Monde qui bouge », disponible en français en anglais, par exemple en ligne sur le site www.lesamisdelupc.com. Elles sont de trois ordres.
• Au niveau général (parce que le jeune fait partie d’un tout national)
Il faut sortir de l’engrenage de la dépendance et suivre une voie véritablement de souveraineté. Cela passe notamment par les mesures suivantes :
(a) la révision des accords qui lient notre pays à divers conventions (militaires, diplomatiques, financiers, …) ; le principe étant que tout accord qui n’apporte rien de bon au Kamerun soit revu, de préférence par la négociation bien entendu et que tout nouvel accord soit expliqué au peuple et fasse l’objet d’un débat public avant sa signature éventuelle.
(b) la réhabilitation de notre Histoire comme armement moral de la nation et sujet de réconciliation.
(c) accepter le fait avéré que nous assumons « la construction d’un Etat multinational qui respecte les droits de ses nationalités et ethnies, qui dialogue avec elles, en assurant une politique de développement équitable pour toutes et une solidarité de toutes, face aux richesses et aux misères ».
(d) combattre effectivement et sans répit le tribalisme et la corruption…
Cela redonnera confiance en la population et notamment aux jeunes ; ils comprendront que tout le pays est engagé dans une voie de construction collective.
• Au niveau de l’Education Nationale et la formation initiale des jeunes :
(a) Tenir de véritables « Etats généraux de l’Education » avec tous les partenaires concernés
(b) Créer un Fonds National pour l’Education et la Recherche, financé par toutes les entreprises du pays (1% CA), et géré par un organe approprié avec des missions précises ; incluant par exemple la construction planifiée, pluriannuelle des infrastructures scolaires et universitaires, le soutien aux familles démunies…
(c) Désigner un responsable de très haut niveau dans le gouvernement, par exemple Vice-Premier Ministre chargé de l’Education et de la Recherche scientifique et Technique, qui coordonne toute l’activité gouvernementale dans ce domaine avec sous sa responsabilité plusieurs ministères spécifiques
(d) D’autres mesures suivent dans le texte…
Une façon de faire savoir que l’investissement sur l’Education est garant du succès de la construction collective annoncée.
• Au niveau de l’emploi et la formation professionnelle.
(a) L’UPC propose de repenser profondément le Fonds National de L’Emploi (F.N.E) pour :
• Proposer aux jeunes qui sortent du système éducatif sans aptitudes à travailler, des formations professionnelles adéquates en fonction des possibilités effectives de notre potentiel économique.
• Organiser pour les jeunes, leur participation à des travaux reconnus d’utilité publique, au niveau national, régional ou local. Ces travaux seront rémunérés par ceux qui les auront organisés (gouvernement, région, municipalité)
(b) L’UPC fera en sorte, que tout jeune âgé d’au moins 18 ans qui quitte l’école, soit capable d’exercer un métier éventuellement après deux années de formation via le nouveau Fonds National pour l’Emploi (FNE).
Voilà quelques propositions, énoncées rapidement, mais donnant la mesure de la nécessité d’une volonté politique réelle, pour endiguer le flot migratoire et donner confiance à la jeunesse afin qu’elle soit en mesure de prendre en main la construction de notre pays et de notre continent, en synergie l’ensemble de la jeunesse africaine.
Pour terminer, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de rendre un hommage public à notre regretté Secrétaire Général Ruben UM NYOBE. Mes camarades à travers le pays se sont déployés pour le même hommage, notamment à Eséka, à Babadjou, ici-même à Douala. Nous nous contenterons encore de ces modestes commémorations, en attendant les vrais feux d’artifices et les monuments … Mais ce temps n’est pas encore arrivé. Alors, une nouvelle fois, VIVEMENT LA TRANSITION !
Le 13 septembre 2015
Alexis NDEMA SAME
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