8.2 C
New York
vendredi, avril 26, 2024
Home Politique Cameroun: Michel Eclador Pekoua et la mare agitée de l'Upc

Cameroun: Michel Eclador Pekoua et la mare agitée de l’Upc

Indocile Michel Eclador Pekoua
Considéré par beaucoup comme un jeune dans un parti de vieillards, le directeur(Indocile Michel Eclador Pekoua) de la publication du journal Ouest Echos cherche sa voie dans la mare agitée de l’Upc à l’Ouest.

Lors du comité directeur de la branche de l’Union des populations du Cameroun (Upc) dirigée par Basile Louka, le 25 avril dernier à Douala, au foyer de la jeunesse d’Akwa, quelques militants déviationnistes ont été publiquement tancés par le Secrétaire général, coupables d’entretenir l’indiscipline au sein du parti : l’ancien ministre Henri Hogbe Nlend, pour avoir laissé croire qu’il était en négociation pour une alliance avec le Rdpc, parti au pouvoir, Dr. Pierre Sende et fait nouveau, Michel Eclador Pekoua. Dans le panier assez agité des crabes de l’Union des populations du Cameroun, Michel Eclador Pekoua n’était pas une personnalité centrale. Jusqu’à ce que ses actions, en rupture avec la coterie actuelle, lui valent d’être régulièrement cité lors des réunions, comme un troubleur.

Telle une torpille, le journaliste, entré en politique dit-il, par amour pour la justice, énerve bien de cadres du parti historique. Ce « militant de base » donne des soucis aux directions du parti des martyrs, qui se succèdent et ne semblent pas, à ses yeux, porter la valeur historique du combat des Um Nyobe, Ernest Ouandié ou Félix Roland Moumié. Dans un acte d’accusation signé depuis Paris, par des militants de la section Upc de France qui plaident la « tolérance zéro », il est écrit : « les camarades condamnent et avec véhemence, la démarche du camarade Michel Pekoua qui, sachant que la direction du parti allait célébrer le 67ème anniversaire de la création de l’Upc à Bafoussam, a choisi d’organiser une autre manifestation à Kékem, le même jour. Les camarades jugent cette démarche assez surprenante de la part du camarade Michel Pekoua qui, il y a encore quelques semaines, accusait la direction nationale du parti de négliger l’Ouest. Il s’agit d’un acte de défiance et d’indiscipline au regard du règlement intérieur ».


Dissidence

La sentence est presque dite. Pour qui connaît les habitudes de ce parti, il a « mirmiré ». Le reproche verbal fait par le Sg est perçu comme un cadeau. Certains attendaient sa traduction au conseil de discipline et éventuellement une exclusion. Son tort, avoir choisi le 11 avril 2015 d’aller à Kékem organiser ce que son propre journal a appelé « le show », pendant que Victor Onana, Basile Louka et autres Jean Michel Tekam, sans être invités par les responsables du parti à l’Ouest, marchaient dans les rues de Bafoussam. Ils ont d’ailleurs déposé une gerbe des fleurs sur la tombe d’Ernest Ouandié, le leader nationaliste fusillé à Bafoussam par le pouvoir d’Ahidjo. « Ernest Ouandié a été fusillé le 15 janvier 1971 et non le 11 avril. Il y a eu un malentendu, déjà réglé, entre la direction nationale et la coordination régionale. Et c’est de commun accord que nous organiserons la traditionnelle semaine des martyrs en septembre prochain, ici à Bafoussam », se hâte de corriger Michel Pekoua, pour qui la stratégie électorale du parti à l’Ouest était en jeu. Ce jour, en sa qualité de président de la coordination Upc de l’Ouest, un poste qui n’existe pas dans l’organigramme du parti, Michel Pekoua a rassemblé à Kékem, dans le Haut Nkam, une flopée de militants de base et surtout Anicet Ekane du Manidem, le « commandant » Mboua Massock et Augustin Ninga Tjaï, l’un des vétérans de ce parti. Après la validation du bureau de la coordination régionale élu le 22 mars 2015, par les délégués, ils ont été entretenus sur l’éducation, la mobilisation et l’extension du parti par le panel de « la famille élargie de l’Upc ».

Si les militants ont apprécié cette descente vers la base et ont discuté avec des gens qu’ils n’ont l’habitude de voir qu’à la télé, reste que l’action de Michel Eclador Pekoua pose le problème de la cohérence idéologique au sein de cette branche du parti. Sur l’existence d’une coordination régionale, propre à l’Ouest, il explique : « Depuis 1992, l’Upc n’avait plus gagné un seul siège lors des scrutins, du fait de la dispersion des forces. Avec André Fotchou, nous avions été presque obligés de mettre sur pied une coordination régionale non prévue par les textes, en 2007. Elle a été combattue par les présidents de sections et Augustin Frédéric Kodock, jusqu’à sa mort. Mais les choses s’améliorent ». En dehors de neuf conseillers municipaux et trois députés lors des premières élections pluralistes à l’Ouest, l’Upc n’a plus rien engrangé. Il existe des circonscriptions où la seule production d’une liste est une gageure. Et la candidature répétée aux législatives dans la Mifi et désormais aux municipales de Michel Pekoua, natif de Bandenkop dans les Hauts Plateaux, bien que né à Douala, n’est pas pour arranger les choses. On se serait attendu à ce qu’il postule à Douala, où résident ses camarades d’enfance et où l’Upc a une assise certaine ou à Bandenkop, où la solidarité ethnique aidant, il pourrait grapiller, en sa qualité de président du cercle général de l’élite intellectuelle, quelques voix dans ce bastion qui fut celui du Social Democratic Front, dans les années 90. « Je travaille et je paie mes impôts à Bafoussam, analyse-t-il. Mon échec est compréhensible, dans un contexte marqué par le vote tribal et le clientélisme. Lors des dernières élections, tous les analystes m’ont dit que je devais échouer. Mais je suis le dernier à croire que l’Upc ne peut pas gagner des élections à Bafoussam. Quand on s’engage derrière une cause, on la défend ». C’est quoi cette obstination à rester dans un parti moribond, dans un espace où les valeurs partagées sont loin des idées ?

Justicier

Plutôt qu’un inconscient familial ou social, Pekoua croit à une vocation. « Ce sont mes lectures qui m’ont poussé à l’Upc. Dans ma famille régnait la loi de l’omerta. On ne parlait pas de politique. Pourtant de nombreux membres ont été touchés par la guerre d’indépendance. Le crâne de mon grand’père est retrouvé introuvable à ce jour parce que sa tête avait été coupée et jetée dans l’eau». Issu donc de Bandenkop, le village de Martin Singap, le célèbre commandant de l’Armée de libération nationale du Kamerun (Alnk) qui en fit son quartier général, il jure que l’Upc a encore de beaux jours devant lui. « L’Upc continue à défendre les intérêts nationaux. C’est pourquoi nous appuyons nos forces de défense contre Boko Haram ; nous luttons contre les privatisations sauvages qui dépouillent l’Etat de son patrimoine », explique-t-il. Sur l’âge de ses camarades-militants, le militant de 49 ans reconnaît que l’Upc doit renouveler sa classe dirigeante. Pour autant, il rassure : « l’Upc n’est pas un parti de fossiles. Le conflit des générations est naturel mais il faut savoir gérer ces contradictions. Grâce à moi, une autre classe de militants se développe à l’Ouest, avec des jeunes et des femmes. Il y a suffisamment de potentiel pour faire bouger les lignes mais les jeunes mobilisent leurs énergies pour aller mourir dans la mer », regrette-t-il. Et cette bataille de vieillards qui se chamaillent lors des meetings un peu partout à l’Ouest, autour des reliques des héros du parti ?

Il en fait une querelle de chiffonniers, qui s’achèvera avec la disparition de ces derniers. D’ailleurs, sa capacité à faire chemin ensemble avec des leaders d’autres partis politiques apparentés, loin d’être de l’œcuménisme politique, lui semble la preuve qu’« on peut transcender les égos pour trouver une passerelle au sein de la famille plurielle de l’Upc ». Des positions qui suscitent l’ire d’« authentiques » militants, qui pensent à son exflitration des rangs. Cette idée amuse Michel Pekoua, qui vante son long séjour dans les rangs tortueux de ce parti, depuis le retour au multipartisme. En 1991 en effet, au lendemain de la rélégalisation de l’Upc, il devient le président de la coordination des étudiants upécistes. Ses camarades d’alors sont, cite-t-il, feu Janvier Nguidjol, ancien adjoint au maire de Matomb, Lebel Nyeck, actuel maire de Makak, Eder Yete Nbote, actuel maire d’Edéa 1er, entre autres. A ce titre, il présidera le premier congrès de la « Jeunesse démocratique du Cameroun », la section spécialisée de la jeunesse du parti. Il travaillera plusieurs années aux côtés d’Augustin Frédéric Kodock, sans voir sonner son heure.

Journaliste non politique
Parallèlement à son engagement dans les rangs de l’Union des populations du Cameroun, il embrasse une carrière de journaliste, qui le conduira à la création de son propre journal, le premier du genre qui réussit, dans le paysage médiatique camerounais. Alors qu’il est étudiant en sciences économiques à l’université de Yaoundé d’antan, après un an d’études infructueuses en sciences naturelles, le fils de Moïse Pefilié devient le correspondant du journal Le Messager sur le campus. On est en pleines « années de braise ». Il se laisse aller à partager ses convictions, alors que les gens ont peur. Ses études en prennent un coup. Devenu peu assidu, il lui faudra cinq ans pour décrocher une licence. En contrepartie, il prend des galons dans le journalisme. Aux côtés de la forte équipe du Messager de cette époque (Thomas Eyoum à Ntoh, Jean Baptiste Sipa, Célestin Lingo, Emmanuel Noubissi Ngankam, etc.), il apprend à se faire un nom. « Je suis entré en politique et en journalisme parce qu’il y a des torts que je veux corriger. Issu de la bourgeoisie boutiquière comme on me le rappelle souvent, j’aurais pu faire le commerce pour être riche. Convenons que le journalisme n’est pas au Cameroun, le meilleur moyen de se faire de l’argent », analyse-t-il a posteriori.

Au Messager de 1989 à 1992, il partira avec une partie de l’équipe à la création de Dikalo, avant de se mettre à son propre compte en 1994. « J’avais voulu anticiper. Au Messager, on tirait 100.000 exemplaires. Mais la double baisse des salaires dans la fonction publique a réduit le lectorat de 80%. Comme économiste, M. Noubissi Ngankam m’a fait mener, pour Image (société éditrice de Dikalo à sa création, ndlr) une étude de faisabilité qui a démontré que l’avenir de la presse résidait dans la presse régionale. J’ai alors découvert à travers les statistiques d’un distributeur que l’Ouest était une niche de lecteurs. Quand mon commanditaire a choisi d’aller travailler à la Fondation Friedrich Ebert et m’a laissé à Dikalo pour défendre les intérêts éconmiques du journal, j’ai décidé de me lancer dans l’aventure ». Sans moyens. Avec la foi. Pour ne pas embarrasser son lectorat, il s’est interdit de suivre l’actualité des partis politiques. « De la même manière, il ne donne pas de directives particulières à ses collaborateurs qui s’occupent de ces questions», confirme Ben N’diaye, le tout premier rédacteur-en-chef.

Une précaution qui ne met pas Ouest Echos à l’abri des attaques. En vingt ans, le journal a enregistré une vingtaine de procès. Le premier était intervenu cinq mois seulement après son lancement. Sans argent pour payer un avocat, son rédacteur-en chef et lui furent condamnés à deux mois de prison ferme, 50.000F d’amende et 800.000F de dommages-intérêts à Samuel Mbou, à l’époque directeur de la coopérative agricole des planteurs de la Mifi (Caplami). Néanmoins, ils furent blanchis en appel. Comme c’est souvent le cas, le procès créa plutôt un élan de sympathie auprès du public. Mais du 3 avril au 3 mai 2000, Michel Eclador Pekoua a tâté la paille humide du pénitencier de Kouoghouo, à Bafoussam. Dans une affaire de mœurs qui l’opposait à Adolphe Moudiki, l’administrateur directeur général de la Société nationale des Hydrocarbures, il avait été condamné à six mois de prison. Il sera libéré et plus tard blanchi, après une grosse campagne menée par Pius Njawe, à la veille du séjour de Koffi Annan, le Sg de l’Onu au Cameroun. Le visage de ce colosse apparaissait à la une de chaque édition de Le Messager. Comme son nom aujourd’hui dans la bouche des leaders upécistes.

Franklin Kamtche


Cv

3 juin 1966 : naissance à Douala
1972 – 1978 : Ecole Saint Jean Bosco d’Akwa
1978 – 1987 : Lycée de New Bell (Baccalauréat D)
1988 – 1989 : 1ère année de sciences naturelles, Fac Sciences, Université de Yaoundé
1989 – 1993 : licence en sciences économiques, Fac Droit et sciences économiques, Université de Yaoundé
1898 – 1992 : reporter au journal Le Messager
1992 – 1994 : journaliste à Dikalo
21/12/1994 : création de Ouest Echos
1991 : adhésion à l’Upc
2007, 2013 : candidat malheureux aux législatives dans la Mifi
2007 : secrétaire général de la coordination Upc de l’Ouest
2014 : président de la coordination Upc de l’Ouest

Source: Quotidien le jour/ Le titre est de la rédaction de Diaf-tv

Comments

0 comments

6 COMMENTS

Most Popular

Cameroun/Drame à Nkozoa : Une Femme Tue l’Enfant de sa Voisine pour du Bois

ce 22 avril 2024 Un fait divers tragique s'est produit au quartier Nkozoa à Yaoundé, où une femme a commis l'irréparable...

Cameroun/Assassinat de Sylvie Louisette Ngo Yebel: Son Propre Fils Serait l’Auteur du Crime

Les premiers indices dans l'affaire du meurtre de la journaliste Sylvie Louisette Ngo Yebel pointent vers une conclusion des plus troublantes car...

Cameroun/Drame : Une journaliste assassinée à Yaoundé

le corps sectionné Le troisième arrondissement de Yaoundé, plus précisément le quartier Nsam, a été le théâtre d'une...

Cameroun: accusé de harcèlement par sa cheffe de Cabinet, Judith Espérance Nkouete Messah, Mouangue Kobila la licencie.

Source: Jeune Afrique Alors que le président de la Commission des droits humains du Cameroun est accusé de harcèlement...

Recent Comments

Comments

0 comments