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Au Nicaragua, élection présidentielle sans diplomatie

Le Nicaragua réélira très certainement, dimanche 6 novembre, Daniel Ortega. Crédité de 65% d’intentions de vote à l’élection présidentielle, il brigue un troisième mandat consécutif à la fonction suprême, en binôme avec sa femme – pour gouverner 5 ans de plus un des pays les plus pauvres d’Amérique latine.

Un couple présidentiel indéboulonnable, à la mainmise sur toutes les grandes institutions du pays, qui joue d’alliances pragmatiques mais contre-nature pour asseoir son pouvoir. On ne parle pas ici de Claire et Frank Underwood, héros machiavéliques de la série américaine House of Cards, mais du président du Nicaragua Daniel Ortega et de sa femme Rosario Murillo.

Lui était l’un des meneurs de la guérilla sandiniste (extrême-gauche), qui se battait les armes à la main contre la dynastie des Somoza (1936-1979). Daniel Ortega, dit « El Comandante », a été élu président une première fois dans les années 1980. A l’époque, les Etats-Unis (qui soutenaient déjà les Somoza en leur temps) appuient les contre-révolutionnaires, les « contras ». La guerre civile entre sandinistes et contras coûte 50 000 vies au Nicaragua, et son siège à Daniel Ortega. Perdant en 1990, il est réélu président en 2006. Depuis, le « El Comandante » apparaît peu en public, et les allers-retours répétés à Cuba du septuagénaire laissent penser que son état de santé, quoiqu’entouré du plus grand secret, est déclinant.

Elle était aussi une figure de la révolution sandiniste. Rosario Murillo, poétesse un peu mystique, est même la petite-nièce d’Augusto Sandino – le révolutionnaire d’extrême gauche du début du siècle qui a inspiré aux sandinistes jusqu’à leur nom. Daniel Ortega se plaît à le répéter, il partage le pouvoir à 50/50 avec sa femme. L’installation de Rosario Murillo dans le siège de vice-présidente n’a donc rien de surprenant. Au contraire, elle accroît un peu plus le poids des Ortega-Murillo sur le Nicaragua : leur dizaine d’enfants occupe les principaux postes de la diplomatie du pays, et la famille est à la tête d’un vaste réseau d’entreprises qui leur assure une rente consistante.

Peu d’opposition, pas d’observateurs

« Il est délicat de parler de dictature en ce qui concerne le Nicaragua, explique Kévin Parthenay, membre de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes, mais ce qui est avéré, c’est que certaines garanties sur le bon déroulement du scrutin de dimanche ont été remises en cause. »

D’abord, parce que Daniel Ortega s’est arrangé pour limiter le nombre de ses adversaires : en juin, le leader du principal parti d’opposition, le Parti libéral indépendant (PLI), Eduardo Montealegre a été écarté de la tête de son mouvement par la Cour Suprême, proche du président Ortega. Une petite trentaine de députés de différents groupes d’opposition, parmi lesquels le PLI, ont subi le même sort, cédant leur place à des suppléants plus proches du pouvoir en place.

Ensuite, parce que depuis les années 2000, le président peut être élu au premier tour avec 35% des voix. Un score que Daniel Ortega, crédité de 65% s’intentions de vote, est presque sûr d’atteindre ce dimanche. «  Cela soulève des questions de légitimité », estime Kévin Parthenay. Le professeur de Sciences Po ajoute : « Certaines modifications des lois électorales posent aussi des problèmes de transparence, et d’accès au vote pour les citoyens ».

Preuve peut-être de la justesse de l’analyse, le gouvernement nicaraguayen a refusé aux observateurs internationaux d’assister au scrutin. Tout au plus quelques experts seront dépêchés par l’Organisation des Etats américains (OEA), mais ils seront là pour « dialoguer » avec des représentants du gouvernement et de l’opposition – pas pour observer au déroulé du vote.

Isolement

Ce simulacre d’élections pourrait coûter cher au Nicaragua. Le Sénat des Etats Unis étudie actuellement un texte, le « Nica Act », déjà adopté par la Chambre des représentants : il s’agirait de couper les robinets des aides internationales, et par extension de réduire les investissements vers le pays, si celui-ci n’adopte pas un fonctionnement démocratique. Or les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial du Nicaragua.

Plus au Sud, le Venezuela a lui déjà commencé à réduire son aide à Managua. La baisse des cours du pétrole a durement affecté le pays, qui cesse peu à peu de vendre son or noir à bas coûts à ses alliés latino-américains. Sans aide internationale et sans les hydrocarbures vénézuéliens, le Nicaragua devra compter sur une économie primaire fragile, qui dépend des flux de matières premières comme le café.

« Le gouvernement de Daniel Ortega a toujours fait preuve de pragmatisme, quitte à s’éloigner du sandinisme des débuts. En politique intérieure, Ortega s’est rapproché des patrons, ou de l’Eglisepar exemple. A l’étranger, il s’est tourné vers des pays comme les Etats-Unis », résume Kévin Pathenay. Et si le « système Ortega » a permis aux Nicaraguayens d’accéder gratuitement à la santé et à l’éducation, rien ne garantit son maintien pendant un quatrième mandat qui s’annonce déjà compliqué.

RFI/Fabien Leboucq

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