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lundi, avril 29, 2024
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Venezuela : l’impossible sortie de crise ?

La crise s’aggrave de jour en jour au Venezuela entre le pouvoir et l’opposition. Et il est difficile de voir quels acteurs pourraient intercéder pour éteindre les braises.

Manifestations brutalement réprimées et accusation d’attaque « terroriste » contre l’armée. La crise vénézuélienne ne cesse de s’aggraver depuis que la Cour suprême de justice, favorable au gouvernement du président Nicolas Maduro, a voulu, en mars, s’octroyer les pouvoirs du Parlement, aux mains de l’opposition. Après l’élection controversée, le 30 juillet, d’une Assemblée constituante, le pouvoir a limogéla procureure générale Luisa Ortega, une ex-alliée chaviste, et remis en prison les deux principaux dirigeants de l’opposition, Leopoldo Lopez et Antonio Ledezma, avant de les (ré)assigner à résidence. 113 personnes sont mortes dans ces troubles depuis les premières manifestations, au printemps. L’escalade en cours peut-elle être stoppée? L’Express passe en revue les différents acteurs internationaux dans cette crise.

Les improbables médiateurs « neutres »

L’église ou des personnalités politiques « neutres » peuvent-ils intercéder? L’Église catholique s’est illustrée comme intermédiaire dans les négociations de paix en Colombie voisine. « Mais l’église est un partenaire utile si les deux parties veulent discuter, estime Eduardo Rios, spécialiste du Venezuela au Ceri-Sciences Po. C’était le cas des Farc et du gouvernement colombien de Juan Manuel Santos. Ça ne l’est pas à Caracas, où Maduro, conscient qu’il n’est plus en capacité de remporter une élection démocratique, semble déterminé à s’accrocher au pouvoir, quand bien même le navire Venezuela coulerait avec lui. » Le Vatican a d’ailleurs récemment durci sa position et rejeté l’Assemblée constituante élue le 30 juillet.

L’ancien chef du gouvernement espagnol José Luis Rodríguez Zapatero (PSOE) a lui aussi tenté une médiation, mais il s’est heurté à la même absence de volonté de dialogue que le Vatican.

L’impuissance des organisations régionales

Les organisations régionales, considérées comme partisanes par les deux camps, seraient bien en peine d’agir. Anticipant une exclusion de l’Organisation des États Américains (OEA) après la tentative, fin mars, de retirer ses pouvoirs à l’Assemblée nationale, le Venezuela a annoncé son retrait de l’instance. Il s’était déjà retiré de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme.

La semaine passée, c’est le Mercosur, le marché commun sud-américain, qui a suspendu le pays « pour rupture de l’ordre démocratique ». Ce geste pourrait être lourd de conséquences: mis au ban de la communauté internationale, le Venezuela, lourdement endetté, peine en effet à renégocier sa dette. La réaction indignée de Caracas montre que le coup a porté et c’est une faille qui pourrait être exploitée pour tenter de trouver une issue.

Pour autant, « des sanctions économiques classiques seraient contre-productives, aggravant le sort des Vénézuéliens et permettant au pouvoir de se défausser de ses responsabilités », juge Eduardo Rios. Seules des sanctions ciblées contre des individus accusés de corruption notamment pourraient être productives, estime le chercheur.

L’ambivalence des États-Unis et de la Chine

La position des États-Unis, elle, est moins tranchée qu’il n’y paraît. Washington a certes annoncé des sanctions contre 13 responsables gouvernementaux, fin juillet, ce qui permet au gouvernement de fustiger à bon compte « l’impérialisme américain ». « Mais les États-Unis n’ont pas coupé tous les ponts avec le Venezuela qui reste, rappelle Thomas Posado, docteur en Sciences politiques de l’Université Paris-8, le premier client et le premier fournisseur du Venezuela ». Ce partenariat privilégié est toutefois à la baisse, et c’est la Chine qui s’est engouffrée dans la brèche.

« Pékin a prêté 60 milliards de dollars à Caracas, alors que les revenus pétroliers annuels du pays qui constituent 90% de ses exportations ne dépassent pas 40 milliards, observe Eduardo Rios. La Chine a fait du Venezuela le poisson-pilote de son interventionnisme économique en Amérique latine, multipliant les investissements dans ce pays doté des premières réserves mondiales de pétrole. Mais la situation économique est aujourd’hui si dégradée que Pékin se fait plus regardant et commence à réclamer le paiement de ses créances. Depuis sa dernière visite à Pékin en avril 2015, Maduro n’a pas obtenu de rallonge. « Pour autant, la Chine a peu à gagner d’une prise de pouvoir par l’opposition, qui pourrait vouloir renégocier la dette du Venezuela envers le géant asiatique », estime le chercheur.

Les alliés de Maduro, à la peine

Cuba -qui a soutenu activement les négociations de paix en Colombie- devrait s’en tenir à son soutien à Maduro. « Par rapport à l’époque de Hugo Chavez, le prédécesseur et mentor de Maduro, Cuba a renforcé son influence sur le Venezuela, note Eduardo Rios. L’élection de l’Assemblée constituante a renforcé la faction pro-cubaine de l’équipe au pouvoir au détriment de la branche nationaliste incarnée par Diosdado Cabello, ancien président de l’Assemblée nationale. Un succès à court terme pour La Havane, donc, même si le dévissage du Venezuela pourrait ne pas lui convenir à plus longue échéance. » Résolument dans le camp de Maduro, La Havane ne peut donc pas endosser le rôle d’arbitre.

Quant aux autres pays de la région, ils sont perçus comme partisans. La Colombie de Santos est jugée pro-opposition par le pouvoir. La chute de Dilma Roussef au Brésil et de Cristina Kirchner en Argentine ont privé Caracas du soutien des deux poids lourds d’Amérique du Sud. Les gauches de gouvernement en Amérique latine continuent de soutenir Maduro, « mais c’est probablement par crainte des révélations sur les pots de vins reçus du pouvoir chaviste qui pourraient émerger en cas d’arrivée de l’opposition au pouvoir », avance Eduardo Rios. Restent deux pays qui soutiennent encore Maduro sur le continent: l’Équateur et la Bolivie. « Le premier est affaibli par la discorde entre le président et le vice-président. Le second par l’échec du président Morales au référendum pour un quatrième mandat », ajoute Thomas Posado.

Une issue électorale qui s’éloigne de plus en plus

« Les élections régionales prévues en décembre -déjà reportées d’un an- représentent l’un des rares espoirs de troquer l’affrontement violent par celui des urnes », anticipe Thomas Posado. Les deux consultations organisées en juillet par l’opposition et par le pouvoir étaient faussées, n’attirant que les partisans de chaque camp concerné. A l’inverse, la présence d’assesseurs du bloc adverse aux élections du 10 décembre leur permettrait de se mesurer de manière plus crédible. L’opposition a accepté d’y participer. Reste à déterminer le mode de scrutin. Mais le gouvernement, crédité de 20 à 30% d’opinions favorables, jouera-t-il franc jeu? « A la vitesse à laquelle se dégrade la situation au Venezuela, déplore Thomas Posado la tenue même de ce scrutin est une inconnue ».

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