C’est le début d’un voyage de 4 000 km. De Dakar, sur la côte atlantique à Bol, sur les rives du lac Tchad. Un reportage à la rencontre de femmes et d’hommes qui ont décidé de ne pas se laisser abattre, de défier des statistiques sur le développement et la santé, de les contredire par de petites et grandes actions. Par beaucoup de courage, surtout, et sans attendre la sempiternelle aide occidentale. Voilà ce que raconte Le Monde Afrique dans cette série en 27 étapes, tout le mois d’août.
La première semaine a démarré en compagnie de Ngor Gueye Touré, remarquable sage-femme « volante » sur les pistes cahoteuses de Casamance, plus proche de la frontière gambienne que de la capitale, Dakar. A l’arrière de sa camionnette tressautent les cartons de médicaments. Mais c’est son savoir-faire qui est le plus précieux, dans les villages reculés de sa tournée.
Plus au sud, en périphérie de Kolda, le quartier de Médina Chérif est connu pour son taux de chômage et ses drames sociaux, comme le raconte la marraine de quartier. C’est là que nous avons trouvé Aïcha, 13 ans, tombée enceinte par erreur. Honteuse, à la lueur d’une bougie, elle raconte son histoire, ses doutes, et ses peines, et cette fameuse « erreur ».
A Kolda toujours, beaucoup d’enfants grandissent sans exister. Leur naissance n’a jamais été déclarée. Sans carte d’identité, sans acte de naissance, pas d’étude possible au delà du CM2, pas de soins, pas de carrière. Au sud du Sénégal, 40 % des enfants sont des “fantômes”. Rencontre avec Khady, la quinzaine, bloquée à jamais dans l’enfance. Assise sous le manguier du domicile, elle regarde impuissante ses amies aller à l’école, droit élementaire qui lui est refusé en raison de son non-état civil.
Il y a un homme qui soigne, humanise et éduque les enfants fantômes. Mamadou Diédhou est de ces enseignants dévoués et déterminés, en zone de précarité. Face aux parents irresponsables, qui refusent de payer 200 francs CFA (30 centimes d’euro) pour un acte de naissance, il fait le possible et l’impossible pour redonner une existence digne à ces enfants. Quand les parents ne veulent pas l’écouter, Mammadou Diédhou va voir les enfants, sans jamais baisser les bras. Il faut écouter ce professeur pour comprendre que c’est cela, aussi, « combat pour la vie ».
Elle est jeune, elle est fraîche comme on dit au Sénégal, elle est impitoyable. Sylvie s’est engagée à douze ans (!) pour lutter contre les mariages précoces, les grossesses non souhaitées, les mutilations génitales. Nous l’avons surnommée « féministe de brousse », même si les quartiers poussiéreux qu’elle arpente sans relâche sont plutôt la périphérie d’une ville pauvre de province, contruits à la hâte pour les Sénégalais arrivant de la « brousse », justement, avec les mentalités traditionnelles que Sylvie, 18 ans aujourd’hui, est en train de faire changer.
Le lendemain, rencontre avec Barnabé Gning, médecin chef de la région de Kolda. Dans cette région de Casamance, carrefour entre la Gambie, la Guinée-Conakry et la Guinée-Bissau, Ebola reste une menace et une crainte. Pour tenter de minimiser le risque, Docteur Gning utilise les téléphones portables et envoie des SMS via une application dédiée, M-Ebola.
Ce dernier épisode de la semaine sera comme un passage de la frontière avec la Guinée, où se poursuit notre périple. Là-bas, en Guinée, Ebola a fait des ravages. Des milliers de morts et des traumatismes durables. Nous irons à Dubréka, dernier foyer du virus Ebola à s’éteindre, où les habitants ont cru voir leur dernière heure approcher. Mais aussi à Siguiri, où sévit une autre maladie virale, la fièvre de l’or.
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