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SHANDA TONME au sujet de la 43ème édition de la fête nationale de l’unité et des 25 ans du SDF

Dieudonné Kengne, Directeur de publication
du « Journal des régions » reçoit SHANDA TONME

1 –Professeur, vous avez observé les festivités marquant les 43 ans de l’Etat unitaire du Cameroun de part et d’autre du territoire national. Qu’est-ce que cela vous a inspiré ?

Contrairement aux années antérieures, le pays se trouve dans une situation extrêmement délicate avec l’instabilité dans les régions septentrionales du pays. Comme personne ne l’ignore, le chef de l’Etat a déclaré la guerre contre la nébuleuse terroriste Boko Haram et nous sommes tous concernés, quelles que soient nos opinions personnelles et quelles que soient nos chapelles politiques. C’est ce contexte particulier qui a conditionné la célébration de l’événement, et ce d’autant plus que le thème retenu a sonné comme un appel au ralliement généralisé : « soutien aux forces de défense ». Nous avons eu là une belle occasion de démonstration du patriotisme et de la capacité de mobilisation des citoyennes et citoyens dans une situation d’agression contre notre pays. Personnellement je m’en réjouis, nonobstant quelques appréhensions somme toute légitimes.

2 – 43 ans après, peut-on dire que l’unité nationale est une réalité au Cameroun ?

Le concept même d’unité nationale procède d’une piètre manipulation politique et l’insistance à la prioriser dans le discours politicien consacre l’existence d’un problème, de difficultés et non une promesse ou un constat de paix et de stabilité. Il y a comme une course folle, manipulée et biaisée, vers la recherche d’arguments fallacieux de démonstration d’une cause ou de réussite d’un programme, d’une gestion politique. Nous sommes un pays multinational, pluriculturel et religieusement polycentrique. Les populations qui coexistent sur l’aire territoriale consacrée par le droit international comme étant la République du Cameroun, travaillent en permanence à réaliser un rêve commun, à bâtir un destin commun, et à coexister dans des conditions moins conflictuelles et plus conviviales. Maintenant, est-ce que cela se passe sans heurts ? Certainement pas toujours. Ce qui est par contre indiscutable, c’est qu’aucun Camerounais ou Camerounaise, n’a de raison jusqu’ici, de contester à un ou à une autre, son appartenance à l’entité Cameroun. C’est cela qui me semble important. Si vous envisagez votre question sous l’angle du sentiment de satisfaction pour les uns et les autres de vitre ensemble, je crois que vous devez constater que nous revendiquons tous avec fierté notre adhésion, notre identité. Peut-être que la formulation de votre question devrait quitter les langages abjectes de politiciens sectaires et de bavards improductifs et malicieux, pour être mieux appréhendée.
Je vous fais remarquer que c’est au fur et à mesure que notre système de gouvernance a institutionnalisé le sectarisme ethno tribal et ethno régionaliste, que le sentiment d’une fracture entre les citoyens sur la base de quelques spécificités, s’est approfondi. Durant toute mon enfance et mon adolescence passée à Deido à Douala, je n’avais jamais vécu ou entendu tout ce qui se passe aujourd’hui. Je suis passé par le collège Saint Michel, le collège Alfred Saker, le lycée Joss, et jamais dans nos classes, il nous était venu l’idée de tribu. A la rigueur savions-nous que nous parlons plusieurs langues des régions du pays, mais jamais personne n’avait érigé cette donnée, en contradiction ou en prétexte de jugement de valeur, de discrimination ou de sectarisme. Que s’est-il donc passé, pour que nos oreilles d’adultes, soient inondées d’appels à l’unité nationale ?
J’ai fait mes classes primaires à Douala, à Dschang et à Ndom, soit trois régions du pays, et là encore, jamais de sottises tribales. Il y a donc comme un mea-culpa derrière le discours sur l’unité nationale. Cherchez les coupables. Allez demander comment pensent les enfants et leurs parents, quand ils découvrent le décret élaboré par Joseph Owona alors ministre de la fonction publique, où il est dit qu’à la suite de chaque concours, le ministre détermine quel cota revient à chaque ethnie, et qu’est considéré comme ethnie du candidat, l’ethnie d’origine de ses parents. Hélas, le décret ne dit pas ce que devient un candidat dont les parents seraient de deux ethnies différentes. Allez demander à Issa Tchiroma Bakary, qui déclarait sur le plateau de la chaîne Canal 2, à une heure de grande écoute, que des enseignants de l’université de Yaoundé lui auraient dit, que l’on ne saurait appliquer la vérité des résultats sur la base des notes et des compétences, parce que les Bamilékés qui seraient trop nombreux, seraient les seuls partout. Ces bêtises là nous souillent et nous renvoient à un sectarisme et à un apartheid qui donne pâle figure à l’Afrique du sud raciste de Pieter Botha.
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3 – Le 20 mai a été l’occasion pour nombre de compatriotes, de monter au créneau pour faire entendre leur voix. Pour les uns, le mariage francophone/anglophone aura été un marché de dupe dans lequel les Camerounais de la partie anglophone ne profitent pas grand-chose, d’où l’exigence du retour au fédéralisme ou des revendications sécessionnistes Pour les autres, le Cameroun fut un seul et unique pays avant le débarquement anglais et français en 1914. Pour dire que la revendication fondée sur l’identité linguistique ou culturelle (anglophone) est une imposture. Que vous inspirent ces deux positions ? Croyez-vous à problème anglophone au Cameroun aujourd’hui ?

Je me permets de répondre à vos questions en partant de la fin. D’abord, je ne vois en quoi et pourquoi il serait interdit à quelqu’un de soutenir et même de clamer haut et fort qu’il a un problème. Si nos compatriotes soutiennent qu’ils ont un problème, c’est à eux de le mettre en exergue et personne ne devrait leur contester ce droit. Je crois d’ailleurs savoir que des arguments solides sont avancés pour étayer cette affirmation. Il importe d’y réfléchir et de travailler à des solutions plutôt que de rejeter brutalement. Ensuite, sur l’histoire et la duperie qui profiterait aux francophones, il y a lieu une fois encore, de tenir compte de l’histoire, et dans ce cas, remonter le temps pour valider la deuxième argumentation qui porte contradiction à la première. En somme, un peuple a pu exister en tant que collectivité nationale bien établie, et a été ensuite été divisé par les envahisseurs coloniaux. Il en est résulté une situation politique et institutionnelle dont les différences linguistiques à partir des régions précises, consacrent la matérialité.
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Maintenant, il nous semble d’une évidence cardinale, que des tractations entre les principaux leaders représentatifs ou non des populations, ont abouti à Foumban en 1961, à un accord dont le respect fait problème. Mieux, le référendum de 1972, qui a porté l’Etat unitaire en triomphe peut légitimement être contesté, parce que produit dans un contexte où les populations n’étaient libres d’exprimer leurs opinions, et sous un régime de dictature avérée. Nous ne sortirons pas de sitôt de cette querelle, à moins de l’aborder avec pragmatisme et honnêteté. Il faudrait laisser libre cours à l’expression effective des opinions, individuellement et collectivement. Cela suppose une évolution politique positive notoire dans le cadre de réformes institutionnelles profondes, solides, transparentes et démocratiques. S’agissant du retour au fédéralisme, j’ai déjà eu à me prononcer à maintes reprises sur la question. Le fédéralisme est aujourd’hui, a toujours été et sera toujours la meilleure forme d’organisation politique et institutionnelle. L’Etat centralisé ou décentralisé procède de l’obscurantisme. Nous y seront contraints tôt ou tard, exactement comme le Mali, le Soudan et d’autres. IL faut bâtir une charte fondamentale et des institutions tellement démocratiques et ouvertes, que celui qui songera un seul instant à les quitter pour faire cavalier à part, ne pourra que mourir de regrets.

4 – Entre l’Etat unitaire décentralisé prôné par la constitution de 1996 et le fédéralisme revendiqué par les avocats d’expression anglaise, quelle est la forme de l’Etat qui peut le mieux garantir l’unité nationale ?

Je constate que j’ai déjà répondu à l’essentiel. Néanmoins, il est important que la question soit traitée et débattue en dehors de toute polémique. On n’impose pas et on ne recommande même pas. Il faut simplement faire le constat de ce qui est utile, approprié et moderne. Ce n’est pas une revendication des seuls anglophones. Ce serait une grave erreur de le voir ainsi. Il est crucial d’aller vers le fédéralisme ou d’y retourner purement et simplement. Il ne faudrait pas se soucier d’une poignée de fonctionnaires qui veulent s’agripper les caisses publiques à partir de la capitale, et régenter la fourniture de la nivaquine aux dispensaires situées à des centaines de kilomètres avec leur petit crayon. Le concept d’Etat décentralisé est un leurre, à défaut d’être considéré purement et simplement comme une brillante et époustouflante duperie politico-administrative. Vous ne pouvez pas prôner un système de bonne gouvernance pensée et entendue dans l’absolue des règles de transparence, de participation citoyenne et de gestion locale, en maintenant voire en renforçant tous les outils de l’embrigadement, du contrôle et de la dépersonnalisation des citoyens dans leurs différentes unités administratives. D’abord, comment concilier la décentralisation entendue comme un abandon de l’étau autocratique, avec des institutions comme les délégués de gouvernement qui ont complètement achevé de tuer et de ruiner les cités urbaines ? Ensuite, y’a-t-il le moindre parallèle entre la volonté de moderniser l’expression citoyenne, avec le maintien d’un département ministériel au sein du gouvernement qui assujetti certaines fonctions locales ?

Vous évoquez la revendication des avocats anglophones. Je crois qu’il faut les prendre avec sérieux et honnêteté. Même si nous avons été un même peuple, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues internationalement avant l’arrivée des deux colonisations, il demeure qu’une évolution historique incontestable a consacré un fait notoire : l’installation de deux systèmes juridiques avec pour conséquence deux pratiques, des écoles de pensée doctrinales et un répertoire jurisprudentiel bien établi. Je vous rappelle en exemple, ce que de nombreux camerounais ignorent, que dans le système anglo-saxonne, l’Avocat, le Notaire et l’Huissier de justice ne font qu’un. En somme, lorsque vous vous présentez dans un cabinet d’Avocat à Washington, à Londres, à Lagos et donc à Bamenda ou à Limbé, vous pouvez passer tous vos actes de transaction immobilière, de constat d’Huissier. Depuis les accords de Foumban, rien ou peu de choses ont été faites pour trouver une harmonie.
Donc, aujourd’hui, la situation a atteint un point critique, en somme, il faut harmoniser ou consacrer le règne de deux systèmes juridiques dans un même Etat. Or la consécration de deux systèmes suppose d’avaliser au plan politique le système d’organisation fédérale pour le pays, avec le corollaire administratif indispensable. Des projets existent, mais qui vont dans le sens d’un abandon du système anglais et c’est le point de choc, la raison de la colère.
Je vais plus loin pour évoquer l’exemple du Canada où les deux systèmes fonctionnent à merveille et constituent une source de performance et de succès global de la gouvernance et non son blocage. Je reste convaincu que le système fédéral est le meilleur et de loin, et par conséquent qu’il y a plus à gagner à valoriser les diversités qui ne constituent pas forcement des différences paralysantes. Nous devons maintenir et cultiver l’esprit d’une communauté de destin.

5 – Au-delà de la forme juridique de l’Etat, quels sont les autres leviers que l’on devrait activer pour atteindre une vraie unité nationale ?

Au risque de me répéter, le concept d’unité nationale est une parfaite bêtise. Le concept n’est prolifique et prospère que dans les contextes politiques dominés par des formes de gestion et de coexistence citoyenne alambiqués, extravagants, obscurantistes et manipulés par des politiciens sans foi en un destin national.
Donnez aux citoyennes et citoyens des dirigeants responsables, honnêtes, intègres, patriotes et compétents, et vous ne vous poserez pas le problème de l’unité. De quelle unité fonctionnelle s’agit-il d’abord en tant que instrument de rassemblement et concept de ralliement? Ensuite, quand et comment constate-t-on qu’il y a unité ? Est-ce après une fête parce que des défilés ont e lieu partout ? Est-ce parce que nous avons tous vibré au soutien de notre armée ? Est-ce parce que des fils et filles de plusieurs villages ont été promus dans un gouvernement pléthorique ? Est-ce pour des raisons de cupidité liées à l’accès aux caisses publiques, à la répartition des grands projets ?

Laissons tomber ces discours d’embrigadement et modernisons nos comportements, au lieu de persister dans des attitudes malicieuses qui traduisent une profonde injure à l’endroit des populations. Il n’y a pas et il ne saurait y avoir de formes de gestion pour des pays dits développés et avancés, et des formes de gestion pour des sauvages adeptes des genres de démocratie obscurantistes que j’ai qualifié dans certains de mes écrits de démocratie de brousse. J’ai même pu parler à ce propos de négrocratie tout court, simplement pour mettre en exergue la tare congénitale des Africains et plus précisément des Noirs. Que l’on le veuille ou pas, ce qui se passe au Burundi est une honte inqualifiable pour les Africains et pour le monde noir en général. Regardez Haïti, plusieurs siècles après l’indépendance. Regardez le Libéria, le premier Etat africain indépendant fondé par des esclaves libres. Regardez ce qui se déroule en ce moment au Congo Brazzaville, avec un dictateur qui use, abuse et se moque de la population parce qu’il cherche à s’accrocher par tous les moyens au pouvoir.

En lieu et place d’unité nationale, peut-être que parlerait-on avec plus de succès et de compréhension de cohésion nationale et de bonheur collectif. La question est là, dans la contestation du système de gestion à partir de ses travers essentiels que sont le pillage, le vol, le sectarisme et le gaspillage. C’est le sentiment d’un accaparement de toutes les richesses nationales par une poignée, un clan, une région ou une confrérie qui génère les frustrations et la naissance d’un sentiment de rejet, d’insatisfaction. En somme, pour ne pas être en mesure de témoigner du règne de la justice, de l’égalité devant la loi et d’une accession à la richesse nationale, des citoyens se sentent frustrés, marginalisés et donc exclu du bonheur collectif. Je rencontre régulièrement des nationaux à l’étranger dont la principale récrimination porte sur l’absence de transparence dans la gestion des compétences et la tricherie dans les promotions. Tenez, on recrute tous les jours dans les sociétés publiques, mais en cachette, de façon biaisée. Les fils des paysans de Nguelmedouga, de Ndom, de Bangou, de Moloundou et de Tokombéré, n’ont aucune chance d’y trouver du travail un jour.
J’ai rencontré récemment au ministère des finances, un haut cadre sorti de l’ENAM qui est encore chargé d’études assistant à deux ans de la retraite, pendant que dans le bureau d’en face, il trône un directeur plein sorti de l’école il y a moins de dix ans. Comment pouvez-vous gérer un sentiment résultant d’un tel constat ? J’étais récemment à la poste centrale, et un jeune capitaine m’a montré du doigt une jeune dame avec le grade de colonel qui passait assise à l’arrière d’une Prado flambant neuf, avec chauffeur bien sûr. Il m’a dit : « voyez comment est notre pays, cette femme, c’est moi qui l’ai enseigné à l’EMIA. Je ne peux plus lui parler, parce qu’elle a de la godasse et est devenue mon chef ». Des exemples comme celui-là pullulent et vous enlèvent tout argument quand vous êtes en face des enfants à l’étranger, ou quand vous voulez inviter des jeunes à la retenue, à la patience, au travail et à la persévérance.

6 – Le Social Democratic Front (SDF) anime également l’actualité avec les festivités marquant ses 25 ans d’existence. Beaucoup en veulent à son leader Ni john Fru Ndi, pour son rapprochement « suspect » et de plus en plus visible avec le régime RDPC. 20 ans après votre opuscule intitulé « le SDF et le problème Bamiléké » dans lequel vous démontriez déjà cette proximité, pensez-vous que les faits vous donnent raison aujourd’hui ?

Ecoutez, vous avancez plusieurs problématiques à la fois Si je dois répondre de façon ordonnée, commençons par ce que vous appelez le rapprochement du patron du SDF avec « le régime RDPC ». J’ai peur que nous n’ayons pas le même langage ou que nous ne soyons pas sur la même planète. Je vous invite d’abord, et tous les autres avec, en tant que Camerounais, patriote et intellectuel honnête, à féliciter et à respecter monsieur Ni John Fru Ndi. Cet homme mérite amplement que l’on lui rende un hommage appuyé. Personnellement chaque fois que je le rencontre, je me prosterne pour le saluer. Ce qu’il a faut en 1990 sortait de l’ordinaire et constituait une étape très importante, je dirai même crucial dans l’évolution de notre pays et le façonnement du destin de plusieurs générations. Il fallait vraiment oser, dans un contexte où le régime UNC-RDPC n’avait rien changé et n’entendait rien changer en réalité. Souvenez-vous, que des marches étaient organisées contre le multipartisme, contre le changement, avec des scènes de prière fascistes, sectaires et tribaux comme l’on voit se répéter aujourd’hui. La machine de répression laissée par Ahidjo était intact, et son monde tortionnaire bien présent et en service. IL faudra un jour ériger un monument pour les martyrs du 26 mai 1990 de Bamenda, même quelques voyous et salauds confondus eurent le courage criminel et sanguinaire de les traiter de nigérians. Cela fait partie des choses à faire coûte que coûte dans le cadre d’une réconciliation nationale et d’un pansement des plaies politiques.

Maintenant, vous insinuez que des gens se plaignent du rapprochement avec le pouvoir. Mais soyons sérieux, de quels individus s’agit-il et qu’attendent-ils d’un parti politique ? Quand j’ai vu Fru Ndi et Paul Biya en conversation lors du comice d’Ebolowa, j’ai estimé que notre vie politique commençait à entrer dans une certaine modernité, une certaine convivialité. Il faut en finir avec l’infantilisme qi nous caractérise, avec la politique du tout ou rien, et la pensée macabre qui fait de la dialectique d’opposition du blanc et du noir, la conditionnalité de toute réussite ou de toute existence respectable. On n’est pas grand ou sérieux parce que l’on est trop différent, trop sûr de soi ou trop juste, on est grand parce que l’on est capable d’humilité pour écouter l’autre partie, dialoguer avec la différence et créer des axes de consensus, d’écoute, de travail et de solution.

Par ailleurs, je vous rappelle qu’un parti politique est voué à la conquête et la gestion du pouvoir politique, et doit de ce fait s’impliquer concrètement et objectivement avec tous les autres acteurs sans exclusive. Il ne faut pas parler du RDPC comme s’il s’agit d’étrangers, de criminels. Nous avons en face des Camerounais qui sont porteurs d’idées et de projets différents, sans doute mauvais, mais il faut discuter et les convaincre autrement que par l’ostracisme et la discrimination. Alors, si le SDF ne parle pas au RPDC, cela voudrait dire qu’il ne représente pas les intérêts de ses militants qui sont Camerounais et qi aspirent au changement de leur pays par les urnes. Qui dit urnes dit conditions d’expression des volontés et des opinions et cela passe forcement par un dialogue sur les paramètres de base, les termes de référence, la finalité politique.

A propos de mon opuscule dont vous faite état. Il s’agit du petit livre fort en convictions commis alors que des problèmes importants menant à des formes avérées de discrimination ethniques avaient cours au sein du SDF. Evidemment j’avais à l’époque tracé, avec raison et démonstration, un parallèle entre la volonté officielle voire institutionnelle de marginaliser les Bamilékés dans la haute fonction publique et l’ensemble des institutions de l’Etat et de la République, statistiques à l’appui, avec la manœuvre qui avait conduit au sein du SDF, à écarter Basile Kamdoum alors responsable provinciale du part pour la région du Centre, de la course pour le poste de secrétaire général après le décès brutal du Pr. Siga Assanga.

L’histoire a retenu ce qui se passa, la suite, et les transformations intervenues en correction plus tard.

7 – Pour vous ce parti peut-il encore de prévaloir d’incarner les aspirations des Camerounais au changement ?

Je tiens à vous rappeler qu’un parti politique c’est l’expression d’une idéologie stratégiques, des doctrines tactiques, des programmes de travail, des méthodes organisationnelles, des codes de conduite et des ressources humaines bien déterminées. Ce sont tous ces paramètres qui forment l’ossature de son approche militante et partant, de sa capacité non seulement à délivrer un message attractif, mais également de son attrait auprès des citoyens et citoyennes. En principe lorsque l’on se trouve dans un contexte multipartiste donc concurrentiel, aucun parti ne peut prétendre avoir le monopole des aspirations du peuple au changement. Et puis, quand nous parlons de changement, il est important d’être précis et complet. S’agit-il d’une demande de mutation formelle n’entamant pas la structure systémique de la gouvernance ? S’agit-il d’une quête révolutionnaire entraînant un chamboulement radical avec une idéologie et des doctrines radicalement opposées à l’existant ?
Je crois qu’il faut savoir raison garder. Le SDF a pu apparaître à un moment donné de l’histoire du pays, comme le moteur de la contestation de l’ordre établi, exactement comme l’UPC en son temps. Cela ne veut pas dire que ce parti cristallise de façon automatique, l’idée même de changement. Certes, plusieurs paramètres en font le pilote d’une opposition bien plus ridicule que l’on ne le dit, simplement à cause de la qualité de son personnel affirmé. Mais, sachez compter avec une opinion majoritaire qui ne se retrouve pas dans les carcans dévoyés de ces chapelles trop monolithiques et trop identifiées avec leurs chefs. Il me souvient que Ni John Fru Ndi réagissant à la pression de certains députés qui tenaient à ce qu’il rende compte de l’utilisation des contributions automatiquement ponctionnées sur leurs émoluments de parlementaires, aurait eu cette sortie : « le SDF c’est mon affaire, et celui qui n’est pas content n’a qu’à aller créer sa part ». Que cela soit bien rendu, vrai ou faux, on retrouve tout de même là, la véritable nature de nos partis.

Mettez tous les chefs de parti en face de vous, et demandez le bilan et les ambitions en même temps. Vous vous apercevrez vite de la roublardise.
Il faut tout de même reconnaître que le SDF d’ailleurs comme les autres, ne s’est pas modernisé, n’a pas renouvelé la classe dirigeante, ce qui fait douter des intentions démocratiques. Il faut être honnête, et ne pas se focaliser uniquement sur l’âge des gens du pouvoir et des responsables d RDPC, allons aussi voir chez ceux qui prétendent représenter l’opposition.

8 – Ce changement est-il encore possible par la voie des urnes, et si oui à quelles conditions ?

Mais dites-moi, monsieur, pourquoi voulez-vous désespérer les gens ? Ce qui est sûr et certain, c’est que le changement est inéluctable et personne ne l’empêchera, serait-ce que parce qu’il faut croire à la théorie de la relativité de la solidité de la matière avec le temps, et la rotation obligée des espèces selon la succession générationnelle liée à l’inévitablement dépérissement.

Tous les régimes politiques peuvent mettre en œuvre des stratégies pour leur pérennisation, mais la réalité du temps les rattrape et les humanise encore plus vite qu’ils n’ont rêvé. Avez-vous des nouvelles de Blaise Compaoré ? Pensez-vous qu’il s’attendait à vivre dans le même monde, sr la même planète, au moment où on exhumerait les restes de ses victimes, et surtout du plus célèbre d’eux tous, Thomas Sankara ? Il courait les salons avec les honneurs de ses maîtres qui en avaient fait « un médiateur », malgré ses mains tâchées de sang, et malgré les soupirs et les larmes incessantes des familles des victimes. Dans sa tête, tout était joué, mais le voici, piètre bandit recroquevillé dans une cachette quelque part.

S’agissant des urnes, elles peuvent intervenir comme la résultante d’un accord après une mutation brutale, tout comme elles peuvent résulter d’un préalable convenu par des forces antagonistes et conflictuelles à l’intérieur du système. Les urnes ne sont donc pas une conditionnalité au stade de pourrissement politique atteint par certains régimes de mauvaise gouvernance.

A propos de l’opposition, je vous signale que la réduction de la notion aux partis et à quelques leaders d’opinion plus prédateurs et plus mendiants que nature, est totalement incorrect, inapproprié et inacceptable, tant du point de vue technique entendons académique, que du point de vue objectif au regard du niveau de mécontentement réel dans un pays. Ceux qui ont chassé Compaoré n’appartenaient pas à des partis, c’était le peuple tout court. Il revient donc au peuple, dans un contexte de perte de confiance et de défiance absolues vis-à-vis du pouvoir, de créer et de conduire l’événement qui aboutit au changement./.

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