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Que se passe-t-il entre l’Arabie saoudite et l’Iran ?

L’exécution d’un dignitaire chiite a suscité un regain de tension entre l’Arabie saoudite et l’Iran, deux grandes puissances régionales. Retour sur un weeek-end troublé et sur les racines de cette tensions.

L’exécution qui a cristallisé les tensions

L’Arabie saoudite a exécuté samedi le cheikh chiite Nimr Baqer Al-Nimr. Ce lundi, des tirs ont visé la police dans son village natal, dans la Province orientale du royaume où il était vénéré. La mort de ce chef religieux a allumé la mèche entre Ryad et Téhéran, qui s’opposent déjà dans les crises régionales, en Syrie et au Yémen. D’autres pays chiites ont manifesté leur colère mais c’est bien l’Iran qui a réagi le plus violemment, à la suite de quoi le grand royaume sunnite a rompu ses relations diplomatiques avec ce pays.

Mais qui était Nimr Baqer al-Nimr? Connu pour ses « prêches provocateurs » selon Le Monde, l’homme de 56 ans était un défenseur charismatique de la minorité chiite en Arabie saoudite, et un critique virulent de la dynastie sunnite. Figure de proue du mouvement de contestation qui avait éclaté en 2011, dans la foulée des printemps arabes, il avait été condamné à mort en octobre 2014 pour « terrorisme », « sédition », « désobéissance au souverain » et « port d’armes ». Il était l’oncle d’Ali al-Nimr, jeune Saoudien chiite condamné à mort par décapitation et crucifixion, pour avoir participé aux manifestations en 2012.

La colère de l’Iran et du monde chiite

L’exécution de cet « ayatollah martyr » est une « grande erreur » selon Hossein Amir Abdollahian, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères. Dès samedi soir, des foules furieuses ont attaqué et incendié l’ambassade saoudienne à Téhéran et le consulat saoudien à Machhad, dans le nord-est de l’Iran. « Sans aucun doute, le sang de ce martyr versé injustement portera ses fruits et la main divine le vengera des dirigeants saoudiens », a averti dimanche le guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei.

Si l’indignation et la colère sont particulièrement fortes en Iran, pays musulman à 90% chiite et grand rival de l’Arabie saoudite à majorité sunnite, des chiites ont également manifesté en Arabie saoudite, à Bahreïn et en Irak, dans la ville sainte chiite de Kerbala. L’ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité chiite en Irak, a qualifié d' »agression » le « versement du sang pur » des exécutés. Au Liban, Cheikh Naïm Qassem, le numéro deux du Hezbollah allié de l’Iran, a dénoncé dimanche « une infamie et un signe de faiblesse de l’Arabie Saoudite, qui ne peut tolérer une opinion dissidente ».

La rupture décrétée par l’Arabie saoudite

L’Arabie saoudite a décidé de « rompre ses relations diplomatiques avec l’Iran et exige le départ sous 48h des membres de la représentation diplomatique iranienne », a annoncé le chef de la diplomatie Adel Al-Jubeir lors d’une conférence de presse dimanche soir à Ryad. Il a dénoncé « les ingérences négatives et agressives de l’Iran » qui n’aurait rien fait pour empêcher les violences contre les intérêts saoudiens.

A la tête du groupe consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU en dépit de son pauvre bilan en la matière, Ryad nie tout acharnement contre Nimr Baqer Al-Nimr. Le dignitaire chiite a d’ailleurs été exécuté en même temps que 46 autres personnes condamnées pour « terrorisme », dont la majorité pour des attentats attribués au réseau sunnite Al-Qaïda. L’exécution du dignitaire chiite pourrait être un gage apporté aux fondamentalistes sunnites, dans unroyaume sous le feu des critiques, mené par un nouveau roi depuis à peine un an sur fond de lutte de clans.

Une opposition plus profonde entre ces deux grands rivaux

Ryad et Téhéran sont souvent en désaccord sur les moyens de régler les crises dans la région, comme en Syrie et au Yémen actuellement, et s’accusent mutuellement de chercher à élargir leur influence. L’Arabie saoudite, traditionnellement soutenue par les Etats-Unis dans la région, craint de perdre cet appui après la signature de l’accord sur le nucléaire iranien en juillet dernier. Un coup de massue pour Ryad,note RFI.

De fait, les relations entre l’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite évoluent en dents de scie depuis la révolution islamique iranienne en 1979. Les deux puissances avaient déjà rompu leurs relations diplomatiques de 1987 à 1991, en raison de sanglants affrontements entre pèlerins iraniens et forces saoudiennes lors du pèlerinage à La Mecque en 1987.

Quelles conséquences pour la région?

L’escalade entre les deux pays pourrait bien alimenter les guerres par procuration qu’elles se livrent, notamment au Yémen et en Syrie, où la situation s’enlise toujours. L’exécution de cheikh Nimr Baqer Al-Nimr va « contribuer à la polarisation saoudo-iranienne », affirme Jane Kinninmont de l’institut Chatham House à Londres.

D’un côté, « l’Iran cherche à se positionner comme le défenseur des intérêts des chiites mondialement », explique-t-elle. Téhéran « avait parié dans le passé sur une politique étrangère et intérieure saoudienne hésitante », complète Mahjoob al-Zweiri, professeur d’études moyen-orientales à l’Université du Qatar. « Mais, au cours de l’année écoulée, la donne a complètement changé et Ryad a adopté une position plutôt provocatrice à l’égard de Téhéran », explique-t-il.

De l’autre, l’Arabie saoudite mène une politique plus audacieuse depuis l’avènement en janvier 2015 du roi Salmane. Les Saoudiens « jouent avec le feu » et sont « dans une fuite en avant », estime François Heisbourg, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris. « S’ils jugent que la confrontation avec l’Iran est inévitable, autant la provoquer au moment où les Américains sont encore là et où l’Iran est encore dans une situation économique et militaire relativement peu flambante », relève-t-il.

L’aggravation des tensions rappelle aux Occidentaux que le monde musulman reste secoué par des luttes d’influence entre « Saoudiens et Iraniens, Persans et Arabes, sunnites et chiites » dont les enjeux sont capitaux aux yeux de Ryad et Téhéran, résume François Heisbourg. Pour ces deux « principaux acteurs du Moyen-Orient, la lutte contreDaech est le cadet de leurs soucis ».

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