On annonçait une primaire. Ce 20 novembre aura été une levée en masse contre Sarkozy. «Le peuple» n’a donc rien compris ! Il ne s’est pas mobilisé pour celui qui lui avait promis de combattre «la petite élite»«bien pensante», celle qui ne connaît rien des «trains de banlieue».Sarkozy éliminé ? C’est la foudre qui s’abat sur une armée de militants. En croisant les chiffres de ventes de ses livres, les foules aux meetings et les adhérents LR, les sarkozystes estimaient que le noyau dur des inconditionnels était assez puissant pour mobiliser plus d’un million d’électeurs. Cela n’a pas suffi. Impeccable, comme il le fut le 6 mai 2012, il a dit «respecter et comprendre» que les Français aient choisi de se donner d’autres responsables politiques. Presque soulagé, il a très simplement annoncé son retrait de la vie publique. Il se consacrera désormais à des «passions privées».

Dans les rangs sarkozystes, on devrait dénoncer le «scandale» que constitue la participation très significative d’électeurs de gauche au scrutin de dimanche. Depuis des mois, les lieutenants de l’ancien chef de l’Etat agitaient le spectre d’une possible «forfaiture». Sarkozy n’a cessé de le dire : si cette compétition était vraiment arbitrée par la droite, c’était «plié», il avait gagné. Il est vrai que Sarkozy aurait quelques raisons d’être amer. Dès lors qu’il était établi que ses chances diminuaient à mesure que la participation augmentait, il pouvait légitimement en conclure que les appels à une mobilisation massive visaient objectivement à le sortir du jeu. C’est fait. L’ex-président a raté son pari. Mais contrairement à ce que diront ses amis, son échec ne tient pas seulement au fait qu’il a été la cible de tous ses concurrents, ni même aux nombreuses affaires dans lesquelles il est impliqué, notamment celles qui concernent le financement de ses deux campagnes présidentielles.

«Autoroute»

Depuis qu’il a précipité son retour pour remplacer Jean-François Copé à la tête de l’UMP, quelques semaines après l’explosion de la bombe Bygmalion, rien ne s’est passé comme il l’espérait. Grisé par des sondages redevenus favorables depuis qu’il s’était déclaré «en retrait» de la vie politique, il a cru qu’il avait regagné le cœur des Français. Tel de Gaulle dans sa traversée du désert, il ne doutait pas de sa capacité à réussir un retour tonitruant. Il a manifestement sous-évalué le profond rejet dont il fait l’objet. Quand leur chef a officialisé son retour, en septembre 2014, les sarkozystes n’ont pas été avares de métaphores pour décrire ce que devait provoquer le come-back de leur homme providentiel, seul et unique «leader charismatique» de la droite. Ce devait être un «rouleau compresseur», un bolide lancé sur «l’autoroute»vers 2017 ou encore une bombe politique dont l’effet de souffle laisserait pétrifiés ses malheureux concurrents. Ce ne fit rien de tout cela.

«Ça patine !» pouvait titrer Libération dès octobre 2014, alors que le candidat entamait sa tournée de meetings. Tandis que l’affaire Bygmalion se déployait, avec son cortège de mis en examen, Sarkozy devait batailler pour reconquérir la présidence de l’UMP contre un Bruno Le Maire beaucoup plus coriace que prévu. Le score inattendu de l’ancien ministre de l’Agriculture (près de 30 %) a ruiné les espoirs de ceux qui croyaient que l’ex-chef de l’Etat allait «tuer le match». Privé de son ancienne plume Hervé Guaino, les discours du candidat ont vite tourné au stand-up grotesque et répétitif. Pendant deux ans, Sarkozy aura vainement tenté de rallumer la flamme qui l’avait conduit à la victoire en 2007. Il a martelé qu’il revenait par devoir, parce que «la famille» déchirée avait besoin de son autorité pour se reconstruire. Sans doute a-t-il payé dimanche le prix de ce mensonge originel.

A la barbe

Car n’est pas le retour de Sarkozy qui a permis à l’UMP de survivre à la tragique guerre Copé-Fillon puis aux conséquences du scandale Bygmalion. La vraie condition de la pacification de la droite, ce fut bien cette primaire, exigée par Fillon. Contraint de l’accepter, Sarkozy a longtemps cru que le contrôle du parti lui permettrait d’enjamber cet obstacle désagréable. Sûr de son affaire, il a laissé ses concurrents préparer cette échéance. Ils l’ont fait avec ardeur. Imposant que l’organisation soit confiée à une autorité indépendante dont la feuille de route était claire : attirer un maximum d’électeurs. C’est ainsi que s’est développé, à la barbe de Sarkozy, le monstre qui vient de l’engloutir.

Alain Auffray