lle ne se présentera pas à la primaire à gauche: c’est la seule révélation politique de Conversation avec Christiane Taubira, diffusé sur Canal+ mercredi soir, où Michel Denisot a surtout fait parler l’ex-ministre de son passé et de l’avenir.
Un livre en préparation, annoncé fort à propos, un passage de relais soigneusement orchestré, casque de vélo compris, et, le soir même de sa démission, une « conversation » urbaine avec le maître du genre, Michel Denisot, sur Canal+: qui pouvait croire mercredi à 21 heures, en s’installant devant sa télé pour la suivre sans illusion, que le départ de Christiane Taubira l’avait prise de court?
Pas de primaire pour Taubira
L’émission commence d’ailleurs par une fausse confidence – qui l’eut cru? Le maître de cérémonie avoue qu’il était déjà au courant, depuis l’enregistrement, le 21 janvier, de la décision de la ministre. Suit un résumé du discours qu’elle prononcera cinq jours plus tard, le 26, avant de quitter ses bureaux de la Place Vendôme. Fermez le ban.
Sauf un court retour à sa nouvelle carrière d’ex-ministre, en fin d’émission, où Christiane Taubira fera sa seule vraie révélation politique, qu’elle ne se présentera à d’éventuelles primaires à gauche, Denisot parlera ensuite d’autre chose. Et c’est tant mieux: qu’on l’aime ou pas, quel que soit le regard qu’on pose sur son bilan, on sait ce jeudi matin pourquoi l’ancienne garde des Sceaux occupe une place aussi particulière dans la vie publique française.
Question de style, « grande gueule et verbe haut ». Comme quand elle s’insurge, alors qu’il lui est rappelé que quatre directeurs différents se sont succédés à son cabinet: « Je n’use pas, j’épuise », répond-elle, l’oeil rigolard.
Taubira « l’orgueilleuse »
Ou qu’elle évoque les attaques dont elle a été la cible pendant ses quatre années de portefeuille, « même quand je ne dis rien », et ceux qui les portent, qu’elle renvoie fissa dans les cordes: « Ça ne peut pas être une fierté, en aucune façon. L’opinion de ces gens-là ne compte pas. Ça pose un problème qui a à voir eux, pas avec moi. »
Au hasard d’un plan dans une voiture, on aperçoit deux policiers en civil et en moto; plusieurs fois pendant l’émission, des passants l’arrêtent, pour lui dire leur admiration: les deux facettes de Christiane Taubira, détestée et menacée, ou aimée. « Les compliments, ça m’apporte du bonheur! » s’amuse-t-elle.
Taubira « l’orgueilleuse », le menton haut, mais pétillante quand elle parle de sa relation, lointaine malgré son éducation, avec la religion.
« On en parle, on en parle… »
Taubira qu’a structuré son combat contre le racisme et pour la mémoire de l’esclavage, et les auteurs qui en ont fait des chefs d’oeuvre, Aimé Césaire et Toni Morrison notamment. Pourquoi excite-t-elle plus les racistes que d’autres? « Parce que je dérange ». Mais ces attaques, « elles visent au-delà de moi ». Et « ne me blessent jamais. » L’orgueil, toujours.
Sur son passé d’indépendantiste guyanaise – la Guyane où elle ira se ressourcer avant d’envisager la suite: « Personne ne me fera renier ça ». Et la violence? « A l’évoque il suffisait d’éternuer pour être arrêté. C’est ça, la vérité, le reste, on en parle, on en parle… Ce sont des médisances, des supputations. »
Pour finir, un cri d’amour, à son mari qu’elle a pourtant quitté, mais qu’elle aime toujours, et « quand j’aime, j’aime passionnément » – on la croit sans hésitation.
Et une petit colère, la seule d’une heure où Christiane Taubira aura beaucoup ri, souri, se sera visiblement bien amusée, comme déjà libérée du poids de sa charge: quand Michel Denisot lui rappelle qu’elle a été accusée, en se présentant à la présidentielle de 2002, d’avoir fait perdre Lionel Jospin et propulsé Jean-Marie Le Pen au second tour.
Le temps de dire aussi que sa relation avec la presse et les médias relève de la déception amoureuse. « Tout y va mal vite », s’inquiète Christiane Taubira. C’est vrai, une heure, c’est court, mais on en sort avec la sensation d’avoir passé un bon moment avec elle, à défaut d’en savoir beaucoup plus. Michel Denisot ne griffe pas, mais c’est un hôte délicieux. C’est déjà ça.
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