8.2 C
New York
dimanche, mai 19, 2024
Home Monde Larossi Abballa, terroriste surveillé et tueur de policiers

Larossi Abballa, terroriste surveillé et tueur de policiers

Condamné en 2013 puis libéré, l’homme qui a assassiné lundiun couple de fonctionnaires de la police était sur écoute dans le cadre d’un autre dossier antiterroriste.

«L’horreur absolue!» Deux fonctionnaires de la police tués à l’arme blanche à leur domicile par un fanatique religieux de 25 ans. Le drame s’est déroulé à Magnanville, petite banlieue des Yvelines, dans la nuit de lundi à mardi. Les victimes sont un commandant de police du commissariat des Mureaux, Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, et sa compagne, Jessica Schneider, 36 ans, secrétaire administrative au commissariat de Mantes-la-Jolie, qui fut séquestrée dans sa maison, avec son fils de 3 ans, avant d’être égorgée. Seul l’enfant a survécu. Les policiers du Raid, qui ont dû abattre le terroriste, ont retrouvé l’enfant dans «un état de sidération» mais indemne, a rapporté le procureur de la République de Paris, François Molins.

Le tueur, Larossi Abballa, est un ancien des filières afghanes. Ces mêmes filières de recrutement de «combattants» empruntées par un certain Mohamed Merah. La police, l’État, la République n’ont pas de mots assez forts pour qualifier ce double assassinat de Magnanville. Le commandant Salvaing et sa compagne étaient unanimement appréciés. Lors de l’agression dont il a été victime, Jean-Baptiste Salvaing a agi avec bravoure, demandant aux riverains de fuir et d’appeler ses collègues, avant que le tueur ne revienne à la charge pour lui porter les coups fatals. Ce policier s’est comporté en héros.

Allégeance trois semaines plus tôt à l’État islamique

Le gouvernement redoutait un acte terroriste lors de l’Euro 2016 de football. Il se concentrait notamment sur les fans zones. Et comme toujours, l’«ennemi» a frappé là où on ne l’attendait pas. L’État islamique a aussitôt revendiqué ces crimes, puisqu’il les a, d’une certaine manière, commandités, en appelant ses «soldats de l’ombre» à «porter le fer» sans même lui demander la permission.

Larossi Abballa a affirmé «avoir prêté allégeance trois semaines plus tôt au commandeur des croyants de l’État islamique Abou Bakr al-Baghdadi et a ajouté avoir répondu à un communiqué de cet émir qui demandait de “tuer des mécréants, chez eux, avec leur famille”», a ainsi déclaré mardi le procureur de Paris François Molins.

Comme Merah, Coulibaly, les frères Kouachi…

L’assassin avait donc été condamné en 2013 pour son passé djihadiste, arrêté en 2011, puis libéré sous conditions, au lendemain de son procès, après deux ans de détention provisoire. Car le juge Marc Trévidic, qui avait instruit les faits autrefois, en cosaisine avec un autre juge, avait tenu à le maintenir derrière les barreaux tout le temps de son instruction. Lui retient le profil «dur, butté» de ce candidat au djihad qui rejetait «la justice des mécréants» et «refusait de répondre aux questions».

Le plus incroyable est que, comme Merah, comme Coulibaly, comme les frères Kouachi et bien des islamistes radicaux qui se sont illustrés dans les attentats de 2012 puis 2015 en France, le «terroriste meurtrier» Larossi Abballa a échappé à la vigilance des autorités. Il était, comme on dit de nos jours, «sorti des radars».

Un suspect surveillé

Et pourtant, aux dires du patron du parquet de Paris, «pendant son incarcération, Larossi Abballa s’est livré à des actes de prosélytisme d’islamisme radical qui lui avaient valu d’être remarqué pour cela par l’Administration pénitentiaire.»Selon ce magistrat, «à sa sortie de détention – puisqu’il était suivi dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve, auquel il avait été condamné, et ce jusqu’au 30 novembre 2015 -, il a été astreint à un certain nombre d’obligations et notamment des convocations de la part du service pénitentiaire d’insertion et probation.» Mais «aucun incident» notable, selon le procureur. Même ses retards étaient apparemment justifiés par le travail qu’il s’était trouvé.

Pour ses voisins, ses amis, Larossi Abballa, qui se baptisait lui-même Dr Food, était un sympathique livreur de burgers, sandwichs et autres bons petits plats dans sa ville de Mantes-la-Jolie. Pour les autorités, il était redevenu un suspect surveillé.

Le procureur Molins le reconnaît: il faisait «partie des personnes visées par des investigations actuellement conduites, sur commission rogatoire, par un magistrat instructeur antiterroriste». Une procédure ouverte contre X, depuis le 11 février 2016, sur une filière djihadiste «de départ vers la zone syrienne». Preuve qu’une partie des réseaux qui prêtaient hier allégeance à al-Qaida n’ont aucun scrupule à se ranger sous la bannière de Daech. Le magistrat l’assure: «Dans le cadre de ce dossier, plusieurs interceptions téléphoniques et géolocalisations ont été ordonnées», notamment sur «les lignes utilisées par Larossi Abballa».

Pour quels résultats? Visiblement, les islamistes ont appris depuis longtemps à se jouer des surveillances à distance. Il faut se méfier du «fétichisme technologique», ne cesse de professer le criminologue Alain Bauer. «Les écoutes ne suffisent pas, renchérit un commissaire de la police judiciaire. À un moment donné, il faut aller écouter derrière les portes, se rapprocher au maximum des sources humaines.»

La police s’attache aujourd’hui à remonter le film des événements pour empêcher d’autres drames. Elle a saisi à l’intérieur du pavillon de Magnanville, selon François Molins, «une liste de cibles mentionnant des personnalités ou des professions, rappeurs, journalistes, policiers ou personnalités publiques».

Trois personnes en garde à vue

Ont aussi été retrouvés trois téléphones, trois couteaux, dont l’un ensanglanté. Dans son véhicule, près du pavillon: «un coran, une djellaba», des livres religieux. Aucune arme ni explosif n’a été retrouvée au domicile de l’assaillant. Mais ses comptes Internet, ses appareils numériques sont tous épluchés pour remonter ses contacts.

À ce stade, trois personnes, dans son entourage, âgées de 27, 29 et 44 ans, ont été placées en garde à vue mardi. L’un de ces trois suspects figure parmi les huit membres de la filière djihadiste pakistano-afghane au sein de laquelle Abballa s’était illustré, il y a cinq ans, même s’il n’avait pu rejoindre alors les zones de combat.

Lors de son procès en 2013, Larossi Abballa se présentait comme la victime d’un «effet de groupe». Il déclarait: «J’avais besoin de reconnaissance, je ne travaillais pas et je venais de rater mon CAP.»

Le procureur en 2013 estimait que «comprendre comment on passe des Mureaux au Waziristan» permettrait à la justice d’intervenir plus en amont. Pour ne plus avoir, en permanence, un coup de retard. À condition, bien sûr, de suivre sans faille les sorties de peine…

Comments

0 comments

Most Popular

Cameroun/Drame à Nkozoa : Une Femme Tue l’Enfant de sa Voisine pour du Bois

ce 22 avril 2024 Un fait divers tragique s'est produit au quartier Nkozoa à Yaoundé, où une femme a commis l'irréparable...

Cameroun/Assassinat de Sylvie Louisette Ngo Yebel: Son Propre Fils Serait l’Auteur du Crime

Les premiers indices dans l'affaire du meurtre de la journaliste Sylvie Louisette Ngo Yebel pointent vers une conclusion des plus troublantes car...

Cameroun/Drame : Une journaliste assassinée à Yaoundé

le corps sectionné Le troisième arrondissement de Yaoundé, plus précisément le quartier Nsam, a été le théâtre d'une...

Cameroun: accusé de harcèlement par sa cheffe de Cabinet, Judith Espérance Nkouete Messah, Mouangue Kobila la licencie.

Source: Jeune Afrique Alors que le président de la Commission des droits humains du Cameroun est accusé de harcèlement...

Recent Comments

Comments

0 comments