Plus d’un mois après le viol et le meurtre d’une adolescente de 14 ans dans l’ouest de l’île de Sumatra, le président indonésien Joko Widodo a annoncé que les pédophiles, les violeurs en série et les personnes suspectées d’avoir participé à des viols collectifs sur mineurs pourront désormais être punis de la castration chimique. Plus précisément, la mesure vise à protéger les mineurs victimes d’abus sexuels en complément de la loi sur la protection de l’enfance. «Nous espérons que cette loi aura un effet dissuasif pour les délinquants», a déclaré celui que l’on surnomme «Jokowi». La jeune adolescente avait été enlevée alors qu’elle rentrait chez elle, violée puis tuée par un groupe de jeunes en partie âgés de 16 à 17 ans, provoquant dans le pays un grand débat national. Son corps avait été retrouvé trois jours plus tard, nu et attaché. Selon les médias locaux, les responsables feraient partie d’un gang, et sept d’entre eux, parce que mineurs, ont été condamnés à 10 ans de prison ferme.

Face à ce que les médias indonésiens ont estimé être une peine trop légère, le président Jokowi a souhaité apporter une réponse ferme et rapide. La castration chimique, donc. Depuis plusieurs années, les crimes sexuels sont en augmentation dans le pays. Du coup, sur les chaînes de télévision, dans les journaux, de nombreux Indonésiens tentaient peu après l’affaire de trouver des réponses à l’horreur. Presque tous les soirs, des débats télévisés avec cette question : «Comment lutter contre l’abus sexuel ?». Et la plupart du temps, la réponse des invités est radicale. Arwa, un jeune Indonésien de 37 ans, a voté Jokowi en 2014 parce qu’il l’estimait «progressiste». Il commente les images d’un débat que retransmet une vieille télévision à tube cathodique d’un café de Jakarta. Ils ont, comme des milliers d’Indonésiens, signé la pétition réclamant une loi pour sanctionner la violence sexuelle. «Il faut que Jokowi soit ferme. Cette histoire, c’est abominable. Sous la dictature, ce genre de crimes n’aurait pas eu lieu, Suharto les aurait tous tués», commente Arwa. L’un de ses cousins ajoute : «il faut que les délinquants aient peur de passer à l’acte».

Dans l’idéal politique indonésien, le chef de l’Etat a la main ferme. Cette mesure radicale prise par le gouvernement de Joko Widodo le montre encore, après les nombreuses exécutions de traficants de drogue : le président tente de prouver qu’il est, lui aussi, de ces hommes d’État à poigne. Ceux que l’on estime en Indonésie.

«Enseigner la politesse envers les femmes»

Passé le débat sur la sanction, les médias s’interrogent désormais sur le procédé même de castration. Pour la Commission nationale des droits de l’Homme indonésienne, dont les propos sont rapportés par le journal Jakarta Globe, «la castration chimique est une forme de vengeance et une peine dégradante, ce qui constitue une violation des droits de l’homme». Ils appellent en revanche à une application plus stricte de la loi. Une critique rapidement éludée par Nila Moeloek, la ministre de la santé, face aux médias : «Il y a beaucoup de pour, et beaucoup de contres, mais s’il vous plaît, ne considérez pas seulement le point de vue des délinquants. Essayez aussi de considérer celui des victimes».

Autre question soulevée par l’annonce de la mesure, celle des effets secondaires. La ministre de la santé Indonésienne a clairement déclaré, en parallèle du lancement d’une campagne antitabac, que la castration chimique consistait à injecter des hormones féminines afin de réduire leur virilité : «Les hormones féminines seront injectées chez les délinquants sexuels hommes pour qu’ils atteignent un équilibre hormonal». Tempo, autre journal national, s’interroge aussi sur la réelle efficacité de la mesure, et l’augmentation de l’agressivité causée par le procédé chimique. Le neurochirurgien indonésien Yusni Roslan Hasan y apporte une réponse claire : les délinquants ainsi castrés, en dépit d’une baisse de libido, pourraient être de nouveau coupables de viol, car la mémoire de la violence sexuelle persiste. Pour lui, la castration n’est donc pas une solution, mais plutôt «d’augmenter la sécurité, d’améliorer l’éducation, et d’enseigner la politesse envers les femmes».