Selon des informations du « Monde » et de Mediapart, le candidat à la présidentielle aurait perçu 757 526 euros de sa société, entre juin 2012 et décembre 2015. Le journal et le site revèlent le nom d’un de ses clients.
Un boulet de plus dans la campagne de François Fillon ? Dejà affaibli par les révélations du Canard enchaîné sur les soupçons d’emplois fictifs de sa femme Penelope, le candidat à la présidentielle pourrait bien être gêné par ses activités de consultant. Il avait créé sa société, 2F Conseil, entre son départ de Matignon en mai 2012 et son retour sur les bancs de l’Assemblée quelques semaines plus tard.
Qui a-t-il conseillé ? Pour quels montants ? Ces activités représentent-elles de possibles conflits d’intérêts ? Le vainqueur de la primaire de la droite est toujours resté très discret sur le sujet, mais de nouvelles révélations du Monde et de Mediapart, publiées mercredi 1er février 2017, apportent des précisions sur ses activités. Franceinfo fait le point.
Quelles sont les activités de 2F Conseil ?
D’après les statuts de l’entreprise consultés par Rue89, 2F Conseil a pour activités « le conseil, l’assistance, la formation, la réalisation d’études, de veille, d’audits, d’analyses ou de prestations (…) en faveur de toute personne physique ou morale, tout Etat et de tout organisme international européen, national, étatique, régional, départemental, municipal ou local ».
Elle a été créée le 6 juin 2012 et domiciliée avenue Hoche, dans le 8e arrondissement de Paris. Aujourd’hui, elle est officiellement enregistrée au domicile de François Fillon, au cœur du quartier de la Tour-Maubourg, dans le 7e arrondissement, selon Infogreffe.
Combien François Fillon a-t-il gagné via cette société ?
Selon Le Monde, François Fillon aurait touché de sa société un total de 757 526 euros entre juin 2012 et décembre 2015, en salaires et bénéfices, et « le compteur a continué de tourner en 2016 ». D’après les comptes de la société que le quotidien a pu consulter, 2F Conseil a réalisé un chiffre d’affaires cumulé d’1,015 million d’euros. Les profits sont versés sur le compte courant de François Fillon, domicilié au Crédit Agricole de Sablé-sur-Sarthe.
Une telle activité est-elle légale ?
Les activités de conseil font partie de la liste des activités jugées incompatibles avec celles d’un député nouvellement élu, comme le rappelle l’article 146-1 du Code électoral : « Il est interdit à tout député de commencer à exercer une fonction de conseil qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat. »
Mais le candidat à la présidentielle a fait les choses dans les règles : il a pris soin de déposer les statuts de son entreprise au greffe du tribunal de commerce de Paris le 6 juin 2012. C’est-à-dire onze jours avant d’être élu député de Paris, le 17 juin. François Fillon est donc dans son bon droit, mais les sommes évoquées dans la presse choquent nombre de ses adversaires, à commencer par Yannick Jadot et Arnaud Montebourg. « Quand on est parlementaire, on ne peut pas avoir d’activités parallèles », a accusé l’ancien candidat de la primaire de la gauche sur franceinfo, le 7 décembre.
Qui sont les clients de 2F Conseil ?
Si François Fillon a bien reconnu mener des activités de conseil, il s’est toujours montré très discret sur l’identité de ses clients. Un seul est désormais connu. Depuis 2012, le député de Paris est « senior advisor » du groupe Ricol Lasteyrie, spécialisé dans le conseil aux sociétés du CAC 40 et aux grandes entreprises (Air France, Alstom, EDF…), révèlent Le Monde et Mediapart.
Il y toucherait une rémunération annuelle comprise « entre 40 000 et 60 000 euros » depuis quatre ans et demi, précise le dirigeant de l’entreprise, René Nicol, à Mediapart, mais le contenu de sa mission reste flou.
François Fillon nous a aidés à réfléchir aux défis de la globalisation. René Ricol (à Mediapart)
Selon le dirigeant, François Fillon a par ailleurs « assisté à une trentaine de réunions » depuis le début de leur collaboration. L’ancien Premier ministre connaît bien René Ricol, car il n’est autre que l’ancien commissaire général à l’investissement, chargé entre 2010 et 2012 de gérer les milliards du grand emprunt national destiné à la relance économique, alors qu’il était à Matignon.
Y a-t-il des risques de conflits d’intérêts ?
Mis à part Ricol Lasteyrie, pour les autres clients de 2F Conseil, l’opacité perdure. Lundi 30 janvier, le candidat écologiste Yannick Jadot a posé sur BFMTV la question d’éventuels contrats avec des sociétés russes, qui pourraient expliquer « une telle complaisance [de François Fillon] vis-à-vis de Vladimir Poutine ».
De plus, plusieurs voyages effectués par François Fillon soulèvent des interrogations, selon Le Monde. En octobre 2013, le député de Paris s’est rendu au Kazakhstan dans le cadre d’un forum sur les perspectives énergétiques, dans un contexte d’affaire dit du « Kazakhgate ». En décembre 2014, il s’est déplacé au Liban pour des « déjeuners et dîners » avec des responsables politiques, sans précision sur les objectifs du voyage, ajoute Le Monde. Les comptes de la société ne donnent pas de détails supplémentaires sur ces conférences, si ce n’est que 97 000 euros ont été encaissés par 2F Conseil entre 2012 et 2013, pour des « prestations effectuées à l’export » (à l’étranger).
Ces soupçons d’activités à l’étranger ont été immédiatement démentis par le camp Fillon. « Non, rien avec la Russie », a affirmé son directeur de campagne Bruno Retailleau, mardi, sur BFMTV, fustigeant une « fausse rumeur ». « François Fillon ne travaille pour aucun Etat ni aucune société étrangère, assure sa conseillère en communication, Anne Méaux, au Monde.S’il intervient dans de grandes conférences internationales, c’est au titre d’expert, comme le sont d’autres grands noms tels Védrine, Attali, Kissinger… «
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