C’est son premier déplacement à l’étranger depuis le putsch manqué du 15 juillet. Le président turc Recep Tayyip Erdogan doit rencontrer en Russie son homologue Vladimir Poutine ce mardi 9 août. Depuis novembre, les relations entre les deux pays ont été orageuses : la destruction d’un avion de combat russe par l’aviation turque avait provoqué une escalade entre Ankara et Moscou. Renouer avec la Russie, un enjeu diplomatique pour un président turc déçu par l’Union européenne et les Etats-Unis.
Il y a quelques semaines, il y avait bien eu cette lettre d’Erdogan adressée à son homologue russe. Le président turc entendait arrondir les angles et tourner la page d’une confrontation diplomatique coûteuse. Etape suivante ce mardi : les deux chefs d’Etat doivent se rencontrer à Saint-Pétersbourg.
Erdogan en Russie alors que le contexte intérieur est critique dans son pays. Pour le Kremlin, cette visite révèle l’importance stratégique de Moscou pour Ankara. Les sujets qui pourraient être abordés ne manquent pas : le dossier syrien d’abord, qui ne cesse de diviser les deux pays, une éventuelle compensation après la destruction de l’avion russe et bien sûr la reprise des relations économiques.
Les deux dirigeants devraient d’ailleurs aborder la coopération énergétique. « La Russie est une source importante d’importations d’énergie, explique Ilya Lazarev, économiste à Natixis joint par RFI. Il existe déjà un gazoduc qui s’appelle Bluestream et il y a des projets pour construire éventuellement un autre gazoduc, Turkish stream, qui est actuellement suspendu, mais qui serait très avantageux pour la Turquie, puisqu’elle est dépendante des importations d’énergie. »
Après la tentative de putsch, Erdogan s’est estimé lâché par l’Union européenne et les Etats-Unis. Il a en revanche salué la réaction de Vladimir Poutine qui lui a apporté un soutien sans ambiguïté. Cette rencontre avec Poutine tombe donc à pic pour le président turc qui se cherche des alliés.
Changement de stratégie ?
Pour autant, Behlül Özkan, professeur de sciences politiques à l’université de Marmara à Istanbul, ce rapprochement ne signifie pas un changement de stratégie de la part d’Ankara. « Les relations entre la Turquie et la Russie ont été très mauvaises durant les dix derniers mois,rappelle-t-il. La raison, c’est que la Turquie soutient l’opposition en Syrie contre le régime de Bachar el-Assad et que la Russie, elle, est l’un des principaux alliés internationaux du régime de Damas, avec l’Iran. »
Pour lui, cette visite, prévue d’ailleurs avant la tentative de coup d’Etat en Turquie, ne veut pas dire qu’Ankara se tourne désormais vers Moscou et s’éloigne de ses partenaires occidentaux, « notamment en raison des relations économiques de la Turquie. Plus de 40% des traités commerciaux de la Turquie ont été signés avec partenaire l’Union européenne. Il y a beaucoup d’investissements européens en Turquie et les Etats-Unis sont aussi un partenaire économique important. L’économie turque est vraiment liée à l’Occident », tranche le chercheur.
Sans compter les relations privilégiées de la Turquie avec les Occidentaux, dans le cadre de l’Otan, dont elle est membre depuis 1952. « Il n’y a pas de débat au sein du gouvernement turc sur un éventuel départ de l’Otan et sur un possible rapprochement avec la Russie, assure Behlül Özkan. Ce n’est tout simplement pas possible. »
Etienne Bouche
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