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Corée du Sud : destitution de Park Geun-hye par le Parlement

Et la clameur retentit dans la fraîche après-midi du vendredi 9 décembre à Séoul. Des milliers de personnes, rassemblées autour l’Assemblée nationale, ont salué par un grand cri de joie le vote de la très attendue motion de destitution contre la présidente Park Geun-hye. Au terme d’un vote à bulletin secret, elle a été adoptée par les 234 élus, dont les 171 de l’opposition et certains députés du Saenuri, le parti de la présidente.

Le texte d’une quarantaine de pages avait été déposé la veille par l’opposition (dont sa principale composante, le Parti Minjoo). Il accuse la dirigeante de corruption, d’abus de pouvoir et d’infractions à ses obligations constitutionnelles. Il s’appuie sur les révélations du Choigate, un vaste scandale, qui a mis en évidence les liens vieux d’une quarantaine d’années entre Park Geun-hye et Choi Soon-sil, redoutable femme d’affaires revendiquant des pouvoirs chamaniques.

La dirigeante aurait transmis à Mme Choi des documents confidentiels sur la politique nationale. Elle l’aurait sollicitée pour relire ses discours et serait intervenue auprès des chaebols, les conglomérats locaux, pour qu’ils consentent des dons à des fondations qu’elles dirigeaient.

La garde d’un chiot à l’origine du scandale

Depuis les premières révélations, le 24 octobre, par la chaîne de télévision JTBC, pas un jour ne passe sans de nouvelles informations sur Mme Choi et ses activités. Ainsi le 7 décembre, les Coréens du Sud ont-ils appris que Koh Young-tae, styliste de 40 ans, ancien escrimeur médaillé d’or aux Jeux asiatiques et ex-gigolo d’un club fréquenté par Mme Choi, était à l’origine du scandale.

Autrefois très proche de la femme d’affaires, il se serait fâché avec elle à propos de la garde de son chiot. Cette dispute l’aurait incité à évoquer son énorme influence au cœur du pouvoir. L’audience préliminaire du procès de Mme Choi est prévue le 19 décembre.

« En perdant la confiance de la population, explique la motion de destitution, Mme Park a perdu la possibilité de diriger le gouvernement et d’obtenir l’adhésion du peuple à ses décisions importantes. »

Plus de deux tiers des 300 élus ayant approuvé le texte, voilà Mme Park privée de ses pouvoirs, notamment celui de chef des armées. La gestion du pays revient au premier ministre Hwang Kyo-ahn, même si l’opposition aimerait un remaniement.

La Cour constitutionnelle dispose de six mois pour se prononcer

C’est la deuxième fois qu’une telle motion cible un président en exercice. En 2004, une première avait visé le président progressiste Roh Moo-hyung, accusé d’infractions à la législation sur les élections. Ironie de l’histoire, Mme Park, alors dans l’opposition, l’avait appuyée.

Cette fois encore, la décision finale revient à la Cour constitutionnelle. Elle a six mois pour se prononcer sur la conformité de la motion au texte fondamental. Si elle le fait, la dirigeante sera définitivement déchue de son poste et un scrutin présidentiel sera organisé dans les soixante jours.

En 2004, il lui avait fallu soixante-trois jours pour rejeter la motion. Cette fois, Shin Pyung, spécialiste de droit constitutionnel à l’université Kyungpook, attend une décision positive avant la fin janvier, car les accusations sont solides. « Le message au cœur de la motion est que la présidente n’a pas bien saisi l’esprit de la Constitution », juge-t-il.

Mais Mme Park a déjà clairement fait savoir qu’elle se défendrait en faisant valoir sa position auprès de la Cour. Si elle ne nie pas sa responsabilité dans le scandale, elle attribue les troubles actuels à l’opposition qui aurait refusé ses offres de dialogue.

Forte pression populaire

L’approbation du texte nécessite l’appui de six des neuf juges. Or, six d’entre eux doivent leur nomination aux présidents conservateurs Lee Myung-bak et Park Geun-hye, ou au Saenuri. Et les mandats de deux des juges se terminent respectivement le 31 janvier et le 14 mars. La question de leur remplacement pourrait ajouter à l’imbroglio actuel.

Pendant ce temps, la pression populaire ne devrait pas fléchir. Le vote de la motion s’est déroulé dans un climat tendu. Le 7 décembre, un homme a été arrêté après avoir tenté de déclencher un incendie à proximité de l’Assemblée nationale. Au moment du vote, des manifestants encerclaient l’Assemblée.

La destitution est approuvée par 78,2 % de la population, selon un sondage de Real Meter, rendu public le 8 décembre. Les manifestations monstres organisées chaque samedi à Séoul pour obtenir le départ de Park Geun-hye devraient se poursuivre. Même la presse, en général modérée envers les administrations conservatrices, appuie le départ de Mme Park. « Les motifs moraux, légaux et politiques d’une destitution sont établis », estimait, le 23 novembre, le quotidien JoongAng Ilbo.

Course à la succession

Le vote devrait par ailleurs lancer la course à la succession de Mme Park. Normalement prévue pour décembre 2017, l’élection présidentielle pourrait intervenir au premier semestre. Dans le contexte délétère de défiance extrême envers la classe politique et le monde des affaires, Moon Jae-in, ex-président du parti Minjoo et rival malheureux de Mme Park en 2012, domine pour l’instant les sondages grâce notamment à sa grande fermeté depuis le début du Choigate.

Dans l’opposition, d’autres noms circulent, comme celui du maire de Séoul, Park Won-soon, ou l’ancien entrepreneur de nouvelles technologies Ahn Cheol-soo.

Côté conservateurs, le recours pourrait s’appeler Ban Ki-moon. Avant l’éclatement du scandale, le futur ex-secrétaire général de l’ONU, qui fut ministre des affaires étrangères de Roh Moo-hyun, préparait sa candidature avec Mme Park et le Saenuri. Il a, pour l’instant, refusé de prendre position dans le scandale.

La crise actuelle confirme par ailleurs l’émergence de Lee Jae-myung. Membre du Minjoo, le maire de Seongnam, au sud-est de Séoul, est surnommé « le Trump sud-coréen » pour sa volonté d’« anéantir les intérêts particuliers ». Populaire auprès des jeunes, il a acquis sa notoriété en assainissant les finances de sa ville grâce à une stricte politique budgétaire et la lutte contre la corruption. Il a aussi lancé une politique sociale volontariste d’aide aux familles et aux jeunes.

Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance) 

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