A l’heure de la signature d’un nouvel accord de paix entre l’Etat colombien et la guérilla des FARC, les pro et les anti-paix s’affrontent dans les médias et sur les réseaux sociaux. La première version du texte avait été rejetée dans les urnes, le 2 octobre dernier, par une courte majorité d’électeurs. Les Colombiens sont-ils plus favorables à l’accord nouvelle formule ?
L’accord a certes été remanié, mais il n’en demeure pas moins historique. Il prévoit, entre autres, une amnistie pour les guérilleros de base, la création d’une commission de la vérité et d’un tribunal spécial de paix, ou encore la mise en place d’une politique de redistribution des terres.
Mais en Colombie, les médias et les politiques n’osent plus utiliser l’adjectif « historique » au sujet de ce texte, même s’il est susceptible de mettre fin à 52 ans de conflit armé. Et ce jeudi 24 novembre 2016, l’accord va être signé, presque en catimini, dans un théâtre de Bogota avant de passer au Parlement, sans référendum cette fois-ci.
Diego, commerçant à Bogota, n’a pas voté le 2 octobre dernier. Mais il est d’accord avec les partisans du « non », qui refusent en bloc le nouvel accord et exigent un nouveau référendum. « On est tous pour la paix, mais les guérilleros ne doivent pas aller au Congrès, parce que le Congrès est normalement composé de gens honnêtes », considère-t-il.
« Nous avons besoin maintenant d’un pacte, nous avons besoin de la paix »
Le premier accord avait capoté dans les urnes. Mais malgré les soubresauts, le conflit armé semble parfois déjà fini dans les faits. Les actes de guerre ont cessé depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, fin août dernier. Et l’atmosphère dans les campagnes colombiennes a déjà complètement changé.
Signer la paix semblerait donc presque une formalité. Mais, paradoxe, plus personne ne doute que faire la paix va être difficile, faute d’accord entre les partis politiques. Il manque ce grand élan national qui ferait croire qu’un nouveau départ est possible. Du coup, les responsables politiques, les médias, les citoyens ne parlent que des difficultés de la paix. Pas de ses promesses, sauf Fabio, gardien d’immeuble dans la capitale, qui témoigne avoir changé d’avis. « J’ai voté pour le » non » la première fois, mais je crois qu’il faut maintenant dire » oui » au nouvel accord. J’aurais aimé qu’il y ait un nouveau référendum, mais nous avons besoin maintenant d’un pacte, nous avons besoin de la paix », expose-t-il.
« Ils trouveront toutes les excuses politiques pour dire » non » à l’accord »
« J’ai toujours été d’accord avec la paix, avec le précédent accord comme avec celui-ci. Il a introduit des changements pour prendre en compte ce que disent les partisans du non. Et il me semble important que ce soit le Congrès qui ratifie l’accord, cela aurait toujours dû être le cas », expose Daniela, coach professionnelle.
Comment analyse-t-elle l’attitude des anti-paix menés par l’ex-président Alvaro Uribe ? « Leur seul objectif est d’utiliser la paix comme argument politique pour les élections de 2018, même si cela les conduit à avoir un discours incohérent. Avant, les anti-paix disaient » non » au plébiscite, maintenant ils en exigent un », constate Daniela. Et de conclure : « Ils trouveront toutes les excuses politiques pour dire » non » à l’accord. »
A court terme, cependant, le président Santos dispose d’une large majorité parlementaire pour ratifier l’accord et voter toutes les lois nécessaires à sa mise en application. La droite dure ne pourra pas bloquer les avancées législatives. En revanche, elle va tout contester, au Congrès et probablement aussi sur le terrain.
Marie-Eve Detoeuf
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