En evoquant le desengagement de l’Etat lors de son allocution traditionnelle de fin d’annee, le President Biya a indique clairement et sans equivoque sa preference pour une economie de type liberal.
Si l’on peut comprendre la difficulte qu’il y aurait a donner plus de details en pareille circonstance, preciser les contours d’un tel concept auraient sans doute permis de dissiper la resurgence soudaine du sempiternel sentiment general de fuite en avant et de navigation a vue.
Desengager l’Etat est synonyme de desetatisation, privatisation, synonyme de plus grande place accordee au secteur concurrentiel, voire la predominance de ce meme secteur , dans l’economie du Pays.
Comme beaucoup de Camerounais sans doute, j’ai mon opinion sur la question. Elle se decline tel qu’il suit:
Nous sommes dans un contexte de sous-developpement (Pays tres pauvre, tres endette, en etat de guerre de surcroit…), dont la majeure partie de la population reste fragile et vit en dessous du seuil de pauvrete, manquant du minimum de confort pour repondre aux standards de vie moderne au 21eme siecle ( Sante, Education, Transports, Eau, Electricite…).
Avec ceci, nous avons un Etat dysfonctionnant, dont le taux de couverture dans l’accomplissement de ses missions regaliennes a constamment recule, ces trois dernieres decennies. Ce recul est perceptible, tant au niveau de la quantite, que de la qualite des prestations traditionnellement attendues. Il ne serait pas exagere de parler d’echec dans le deploiement de sa presence par l’Etat, sur l’etendue du territoire. Cette presence est pourtant necessaire pour assurer au minimum un double role de regulateur et d’autorite, ainsi que le non moins traditionnel role de reducteur des inegalites. Le contexte general est celui d’un monde en mutation, ou la jungle informelle s’installe toujours, des lors que rien ne l’en empeche.
Or les causes de l’echec de l’Etat, nous les connaissons tous! Plutot que de s’attaquer fermement et energiquement a ces causes, afin de reetablir l’Etat dans son role de dispensateur d’ordre, d’autorite,de Justice, d’equite …dans un meilleur partage des richesses autant que des fruits de la croissance , le choix semble fait d’engager le pays dans des voies moins balisees, donc plus avantureuses; ou la recherche du profit primera sur tout’autre preoccupation: le desengagement de l’Etat dans un contexte ou l’Etat a echoue dans ses fonctions regaliennes peut-il avoir un sens? Quel peut en etre l’interet sur le double plan macro et micro economique?
Toute decision de politique economique ne trouve de fondement et de signification, qu’axee au tour de l’individu. La reflexion prealable a toute action tourne toujours autour des memes concepts consacres, que sont le panier de la menagere, le contenu de la gamelle a l’heure de la soudure; ce qui reste au fond de la poche, une fois qu’on s’est acquite de l’essentiel.
Est-on en droit d’attendre du desengagement de l’Etat des changements tels qu’une amelioration du pouvoir d’achat des Camerounais, au moyen d’une densification du marche du travail accompagnee de salaires non absorbes par une inflation galopante et hors de controle? En quoi ce desengagement ameliorera-t-il l’offre de soins de sante, tant en quantite qu’en qualite, et a un cout abordable pour le commun des Camerounais? Quel en sera l’impact pour ce qui est de l’Education, la Securite, la fourniture d’eau, d’electricite et autres infrastructures de base? etc…
Ce desengagement , s’il n’etait pas organise et entoure de balises ne va-t-il pas se traduire sur le terrain en abandon pur et simple des couches les plus defavorisees, qui restent majoritaires au sein de la population, approfondissant accessoirement le fosse entre les couches sociales par une agravation de la pauvrete? Autant de questions que nous sommes tous en droit de nous poser, et qui devraient appeler a la reflexion pour des propositions alternatives qui elles, gagneraient a etre exprimees et presentees aux Camerounaises et Camerounais.
Le temps des choix rigides entre le collectivisme integral et le liberalisme pur est aujourd’hui revolu. Nous le voyons chaque jour, a travers l’exemple de grandes nations telles que les Etats-Unis et la Chine. Si le premier pays cite est toujours considere comme locomotive mondiale du liberalisme, on y a assiste ces dernieres annees a une poussee sensible d’une plus grande presence Etatique dans le secteur economique, autant qu’a une percee sensible d’une forme d’economie sociale. Quant a la Chine, on se demande ce qu’il lui reste de communiste, notamment dans son expansion commerciale a travers le monde. L’heure est donc a plus de pragmatisme et d’imagination, dans la recherche de formules et solutions les mieux adaptees aux differents contextes socio economiques. Si rien d’essentiel n’est plus a inventer, il n’est pas interdit de faire dans l’originalite, en croisant des solutions existant deja de part et d’autre. En somme, l’option liberale annoncee ne saurait etre une reponse credibe dans le double contexte de pauvrete et de sous-developpement qui est le notre, ou le fosse s’est agrandi entre riches et pauvres ces 33 dernieres annees, avec pour corollaire une atomisation de la classe moyenne en gestation!
Je m’etonne que nos forces de l’opposition continuent de rester silencieuses sur une question aussi essentielle. Des propositions serieuses de leur part leur procureraient sans doute plus de credit aux yeux de l’opinion, et ne manqueraient pas de pousser les tenants du pouvoir a plus d’effort dans la recherche autant que dans le choix de solutions: en attendant d’etre au pouvoir, jouer pleinement son role de challenger ne desservira en rien une opposition a qui les Camerounais semblent reprocher de trop ressembler au pouvoir, en etant absente et muette sur les grands enjeux!!
Moi-Meme.(Hippolyte Nwal publié sur la page face de AEUD)
* Du meme auteur, lire aussi « COGITARE: DE LA NECESSITE D’UNE EMERGENCE SOCIALE »
Publie le 14 Janvier 2015
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