Déclaration de patrimoine, visite au quartier musulman de Bangui sans garde rapprochée, opération « Toumba Zendé » (chasser l’insalubrité): les premiers actes du nouveau président Faustin Archange Touadéra plaisent aux Centrafricains, habitués à des années de corruption et de violences.
« De mémoire de Centrafricain, aucun président avant lui n’avait déclaré ses biens. C’est un signe très important de respect de la Constitution centrafricaine. Il veut faire respecter la loi fondamentale, ce qui le distingue nettement de ses prédécesseurs », remarque Isidore Tchoudangwa, juriste.
Remise ces derniers jours à la Cour constitutionnelle pour vérification, cette déclaration de biens du « candidat du peuple » doit être ensuite rendue publique.
Elu le 14 février, cet ancien Premier ministre et mathématicien sur lequel aucun bookmaker de la politique n’avait parié, avance cependant pas à pas, sur un terrain miné par des années de corruption, de délabrement économique et d’incessantes violences. Sans grands moyens financiers dans un des pays les plus pauvres au monde.
Le renversement en 2013 du président François Bozizé par la rébellion Séléka, puis l’action des milices anti-balaka ont précipité le pays dans un cycle de violences intercommunautaires qui ont duré bien après l’intervention des forces internationales (francaise Sangaris et onusienne Minusca).
Singulièrement, depuis le passage du pape François fin novembre 2015, la paix est revenue dans Bangui, et s’est maintenue même pendant le long processus électoral, aux dates maintes fois reportées.
Dans la capitale aux centaines de maisons brûlées et détruites, et aux mosquées abattues, le nouveau pouvoir a lancé fin avril l’opération « Toumba Zendé » (chasser l’insalubrité).
« On n’a pas besoin d’argent, ni des aides internationales pour enlever les ordures dans la ville. Au moins pour ça, juste la volonté et l’effort suffisent », affirme Aimé Ndadé, commerçant au marché central.
« A peine nommé, le nouveau maire est venu ici, bottes aux pieds, les manches retroussées, brouette en mains pour donner l’exemple ».
– Manches retroussées –
Cette opération mobilise chaque fin de semaine ses habitants, mais la capitale – surnommée dans un lointain passé « Bangui la coquette » – est loin d’en avoir fini avec les tas d’immondices et les hautes herbes qui favorisent l’éclosion des moustiques, surtout en saison des pluies.
« Les premières semaines du président sont positives », estime le dessinateur Didier Kassai, auteur d’une bande dessinée « Tempête sur Bangui » qui chronique les dernières années de violences.
« Sur le plan sécuritaire, beaucoup de quartiers, dont le PK5 (l’enclave musulmane) sont redevenus fréquentables. L’armée et la police ont imposé le calme dans les profondeurs de Bangui, et beaucoup de jeunes, faisant confiance aux nouvelles autorités ont décidé de ranger leurs armes, en attendant le programme DDRR (désarmement, démobilisation, rapatriement et réinsertion) ».
Cette paix relative appréciée des habitants a été rompue dimanche par des tirs nourris d’armes automatiques dans le 1er arrondissement, un accrochage armé opposant des ex-séléka, confinés dans un camp, à des forces de sécurité après un braquage de moto par un ex-rebelle.
Un policier et un militaire ont été blessés, un autre policier a été pris en otage par les ex-séléka: le président Touadéra en personne est venu parlementer avec les ex-rebelles pour obtenir la libération du policier.
Dans Bangui, environ 3.000 ex-combattants anti-balaka et séléka attendent de bénéficier du programme DDRR pas encore opérationnel, faute de moyens financiers.
En visite le 20 avril à Paris, Touadéra, reçu par son homologue français, a de nouveau déclaré qu’il lui faudrait « le soutien de la communauté internationale » pour réussir le DDRR. Il pourra le rappeler à François Hollande qui doit effectuer une rapide visite vendredi 13 mai dans la capitale de l’ex-colonie française.
En province, le désarmement des milices semble encore plus problématique. Certains groupes d’ex-séléka sont toujours actifs, comme les hommes du « général » Mahamat Al Khatim, un rebelle ancien compagnon d’armes de François Bozizé dans le maquis qui se fait appeler « le président », et qui sévit entre Kabo et Ndélé, dans le nord du pays frontalier du Tchad.
Beaucoup de ces ex-rebelles sont venus du Tchad, le grand voisin qui avait porté Bozizé au pouvoir en 2003, avant de maintenir une présence militaire jusqu’en 2014. Or le DDRR prévoit bien un volet « rapatriement ».
Faustin Archange Touadéra vient d’effectuer mardi une visite à N’Djamema pour en parler avec son homologue tchadien Idriss Deby.
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