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Ce que cache le retour de Jean-Francis Bozizé à Bangui

Revenu à Bangui le 3 août, Jean-Francis Bozizé n’est pas seulement le fils de l’ancien président centrafricain François Bozizé, évincé du pouvoiren 2013 par la rébellion de la Séléka.

Dans une autre vie, Jean-Francis Bozizé, a été sous-officier parachutiste dans l’armée française. Nul doute qu’il a gardé des liens personnels avec certains de ses compagnons d’armes devenus officiers d’active dans différentes unités des forces françaises. Plus stratégique encore, Bozizé fils a été ministre délégué à la défense nationale de la République centrafricaine (RCA) de 2008 à 2013.

Allégeance des anti-balaka

Signe de son influence intacte dans le pays, à peine Jean-Francis Bozizé a-t-il posé pied à Bangui que les anti-balaka, milice chrétienne formée pourcombattre les ex-rebelles musulmans de la Séléka, ont trouvé en lui leur leader naturel. Cette allégeance est d’autant moins surprenante que les liens entre la famille Bozizé et la milice chrétienne sont un secret de Polichinelle. L’ancien ministre délégué à la défense de Centrafrique et ancien sous-officier de l’armée française a également reçu à son retour le soutien de plusieurs officiers Gbaya, son ethnie, dont certains lui doivent la fulgurante ascension de leur carrière.

Dans le camp d’en face, on se prépare aussi à éviter toute surprise venant de la réorganisation des anti-balaka autour de Jean-Francis Bozizé. Les ex-rebelles musulmans, un temps alliés au régime du président tchadien Idriss Deby Itno, ont eux aussi entrepris de se grouper dans la région de N’delé, dans le nord, pour préparer « la guerre » ou la paix, selon l’évolution de la situation.

Ils ont à cet effet de nombreuses cartes entre les mains. D’abord, leur armement n’a jamais été entièrement récupéré. Il est même à redouter qu’ils aient entièrement reconstitué la partie qui leur avait été prise par l’armée française aux premiers jours de son intervention du 5 décembre 2013. La liberté de mouvement entre le Tchad, la Centrafrique et le Soudan dont jouit Nourédine Adam, emblématique chef de Séléka, est aussi un levier non négligeable aux mains des ex-rebelles qui ont chassé Bozizé du pouvoir.

Touadera effacé et affaibli

Dès les cent premiers jours de son arrivée au pouvoir, on sentait Faustin-Ange Touadera dépassé par l’ampleur de la tâche de reconstruction de l’Etat qu’il a trouvée. Sa gestion du retour de Jean-Francis Bozizé est venueconforter ce sentiment d’atermoiements et de flottement au sommet de l’Etat.

En effet, mis dans la confidence de son projet de retour par le fils Bozizé lui-même, le président centrafricain n’a pas réussi à le dissuader de revenir au pays. Il l’avait même reçu au palais présidentiel le soir même de son arrivée à Bangui, comme s’il ne savait pas qu’il était sous le coup d’un mandat d’arrêt international lancé en 2014 par la justice centrafricaine. Ce sont donc les Nations unies qui ont finalement imposé l’arrestation de Jean-Francis Bozizé au pouvoir centrafricain qui l’a remis en liberté au bout de quelques jours. L’ancien ministre de la défense de la Centrafrique et de son père jouit désormais d’une liberté totale et ne manque pas manifester son influence dans la vie publique. Là-bas son retour est perçu dans certains milieux comme la seconde phase du retour de « l’Etat Bozizé ». La première fut, explique-t-on, les différentes nominations des proches de l’ancien chef de l’Etat à des postes stratégiques et dans le cabinet de son successeur. Et pour boucler la boucle, certains n’excluent plus d’en arriver à la troisième étape de la « restauration du régime Bozizé » qui pourrait être consacrée par le retour au pays de l’ancien président François Bozizé actuellement en exil entre Kampala, la capitale ougandaise, et Addis-Abeba, en Ethiopie.

Malédiction du diamant

Derrière la volonté des Bozizé de revenir à Bangui pointe non pas le souci de participer à la construction de l’appareil d’Etat mis à terre par la mauvaisegouvernance et le cycle de rébellions permanentes, mais surtout un enjeu financier. Il s’agit de toute évidence de reprendre le contrôle du business des pierres précieuses dont le diamant, qui n’a jamais profité au bien-être du peuple centrafricain, estimé à près de 5 millions d’habitants, environ deux tiers vivant sous le seuil de pauvreté. Preuve de cette main basse sur le diamant par les élites au pouvoir, un ex-ministre centrafricain a raconté avoirtransporté pour le compte du chef de l’Etat une mallette contenant 2 millions d’euros en liquide tirés du trafic du diamant. L’amertume de n’avoir pas reçu sa commission l’a tenaillé au point de nous faire cette confidence.

C’est dans ce business du diamant qu’il faut trouver les raisons de l’enrichissement du président Bozizé (2003-2013) tout comme l’explication à l’exil doré à Cotonou de l’éphémère chef de l’Etat Michel Djotodia (mars 2013-janvier 2014). Les groupes armés et leurs dirigeants ne sont pas en reste dans cette ruée vers les pierres précieuses. Ils contrôlent des circuits entiers de trafic du diamant et n’ont aucune peine à trouver des acheteurs locaux et internationaux. Au regard des enjeux financiers énormes que présente le contrôle des « parties utiles » du territoire centrafricain, il est donc à craindre que le retrait annoncé de la force française « Sangaris » pour la fin décembre ne fasse basculer à nouveau la Centrafrique dans la violence et l’instabilité.

Seidik Abba, journaliste et écrivain, auteur d’Entretiens avec Boubakar Ba, un Nigérien au destin exceptionnel, éd. L’Harmattan, 2015.

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