Accusé d’être un «voleur» par ses opposants, le président conservateur a réuni suffisamment de voix de parlementaires pour éviter un procès devant la Cour suprême brésilienne.
Menacé de destitution, Michel Temer réussit un nouveau passage en force. Président du Brésil depuis un an, il a sauvé son mandat mercredi soir en empêchant l’ouverture d’un procès à son encontre pour corruption passive. Lors d’un vote à la Chambre des députés, l’opposition n’a pas réussi à rassembler deux tiers des votes (342 sur 513) nécessaires pour pousser le dirigeant brésilien vers la sortie. Au total, 263 députés présents se sont prononcés contre l’ouverture d’un procès, contre seulement 227 pour et deux abstentions.
Depuis le mois de juin, il était accusé par le procureur général Rodrigo Janot de s’être «prévalu de sa condition de chef d’État» pour recevoir 500.000 réais (environ 140.000 euros) de pots-de-vin de la part du géant de la viande JBS.
«La chambre des députés, qui représente le peuple brésilien, s’est prononcée de façon claire et incontestable. Ce n’est en aucun cas une victoire personnelle, c’est une victoire de l’État de droit démocratique», s’est félicité Michel Temer à la télévision dès l’annonce du résultat.
La plupart des députés ayant voté contre l’ouverture d’un procès ont mis en avant la nécessité de mettre en place les mesures promises par le président, notamment la réforme des retraites, dont l’examen au Parlement est au point mort en raison de la crise politique. «Nous allons continuer à mettre en place les réformes dont le Brésil a besoin. Je travaillerai inlassablement, jusqu’à la dernière minute de mon mandat, en décembre 2018», a-t-il promis.
Un vote sous tension
La séance du vote s’est étendue sur près de 13 heures au parlement brésilien, dans une ambiance délétère, marquée par des échauffourées entre députés. Des protestations bruyantes de la gauche réclamant la tête du président ont eu lieu. Trois députés du PSOL, parti d’extrême gauche, ont brandi une valise de billets arborant le visage de Michel Temer, en référence à l’arrestation en mai d’un proche du président en possession d’une valise de coupures qui lui aurait été destinée.
«Pour rester au pouvoir, Temer a sans doute dépensé autant que le PSG pour le transfert de Neymar», a ironisé Chico Alencar, député du PSOL, en référence aux 222 millions d’eurosque le club parisien doit payer au FC Barcelone pour s’attacher les services du joueur brésilien. «Un voleur est un voleur et doit être traité comme tel», a également scandé le député Major Olimpio, du parti Solidariedade.
Le camp pro-Temer n’a, pour sa part, pas cessé de rejeter les accusations, qualifiées de «fictions». Le président n’a pas ménagé ses efforts ces dernières semaines pour s’assurer du soutien d’une majorité de députés. Des ministres ont été réquisitionnés pour aller voter à la Chambre, et de nombreuses, et coûteuses, faveurs auraient été accordées à des députés.
81% des Brésiliens en faveur d’un procès
Le vote des parlementaires s’est posé en décalage avec l’opinion brésilienne. Selon un récent sondage, 81% des Brésiliens souhaitaient que les députés se prononcent en faveur d’un procès. Des opposants ont d’ailleurs manifesté pendant la séance devant le Parlement brésilien, à Brasilia. Premier président de la République à être poursuivi pour un crime de droit commun, sa cote de popularité est à un niveau abyssal de 5%.
En juin dernier, il avait déjà échappé de très peu à la justice électorale, qui n’avait pas invalidé son mandat, en dépit d’accusations d’irrégularités financières dans la campagne menée en 2014 aux côtés de Dilma Rousseff, dont il était vice-président.
Si ce vote est une nette victoire pour Michel Temer, il n’est pas pour autant sorti d’affaire. Le chef d’État reste sous la menace de nouvelles accusations issues des révélations explosives de Joesley Batista, propriétaire de JBS, qui l’a piégé à l’aide d’un enregistrement compromettant. Dans ce dernier, il semblait donner son accord pour acheter le silence d’Eduardo Cunha, ex-député aujourd’hui en prison pour son implication dans le méga scandale Petrobras.
Malgré les affaires, Michel Temer, 76 ans, s’est dit déterminé à rester jusqu’au bout, fin 2018, «au service du pays».
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