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Au service d’un idéal et du Cameroun de Pierre Dzengué, ambassadeur du Cameroun au Japon: micro tendu de Modeste Mba Talla

Ottawa, le 6 juin 2015

L’ ambassadeur Pierre Ndzengue: « La diplomatie est un métier dynamique ; un métier fait de mouvements. Et le triptyque Présence-Participation et Développement doit s’inscrire dans cette dynamique.»

Le diplomate Pierre Ndzengue vient de commettre un essai intitulé « Au service d’un idéal et du Cameroun : 1978-2007 » paru aux éditions Proximité. Dans l’interview qui va suivre, il revient sur des sujets abordés dans le livre : ses rapports avec certains anciens ministres aujourd’hui en difficulté avec le régime, la modification de la constitution de 2008, la longévité de certains ambassadeurs camerounais dans leur poste. A quelques jours de la dédicace de son livre qui se tiendra le mercredi 22 juillet 2015, à l’Université de Ydé-2 Soa et le jeudi 23 juillet 2015 à 16h à l’hôtel Hilton, il a tenu depuis Tokyo à répondre à nos questions. Nous publions ici intégralement l’entrevue.

M. Mba Talla(MMT): vous venez de publier « Au service d’un idéal et du Cameroun : 1978-2007», la première tranche de votre histoire de la diplomatie camerounaise. Histoire dans laquelle vous abordez un certain nombre de questions que des diplomates n’évoqueraient pas en temps ordinaire compte tenu du devoir de réserve. Doit-on dire qu’il faut attendre au deuxième tome ?

pierredzengue

Pierre Ndzengue (PZ) : Monsieur, en vous remerciant pour l’intérêt que vous portez au livre que je viens de publier, permettez-moi d’adresser mes salutations cordiales aussi bien à vous-même qu’à votre lectorat.
Pour en venir à votre question je ferai, en premier, une mise au point.
Je ne parle pas, dans cet essai, de l’histoire de la diplomatie Camerounaise. Plutôt, je m’essaye à rendre compte d’une expérience personnelle en ma qualité de fonctionnaire de la diplomatie camerounaise.
Il s’agit donc avant tout, de mon histoire avec la diplomatie du Cameroun.
Je décèle ensuite dans votre question, une référence à la notion de devoir de réserve. Mais de quoi s’agit-il au fait ?
Le « devoir de réserve » désigne en général, les restrictions de liberté d’expression que peuvent avoir les militaires et certains agents de la fonction publique, notamment les magistrats, les policiers, certains hauts fonctionnaires.
Son objectif est de garantir la neutralité et l’impartialité de l’administration et de ne pas nuire à son renom. Ceux qui y sont soumis doivent, en particulier s’abstenir de faire état de leurs opinions personnelles sur des questions relatives à leur activité ou d’avoir des comportements incompatibles avec la dignité, l’impartialité ou la sérénité de leurs fonctions.
Mais devoir de réserve signifie-t-il suppression de la liberté d’expression consacrée comme un droit universel de l’Homme pour les personnes concernées ?
Vous comprenez qu’il existe là, une plage laissée à l’interprétation du fonctionnaire, de sa hiérarchie et de son environnement !
Pour ce qui me concerne, le devoir de reserve est toujours contextuel et ne devrait pas lier la liberté de l’individu d’autant que le monde change, marqué par une immanence de l’information favorisée par le progrès fulgurant des technologies de l’information.
Il est sain pour un individu de vivre en pleine interaction avec son environnement. In fine, c’est un devoir de responsabilité vis-à-vis de soi et de son environnement.
Mieux on s’exprime, mieux on contribue à l’avènement d’un monde marqué par des valeurs positives et donc, orienté vers le bien-être de l’humanité. En m’exprimant, j’exprime mon idéal, d’où du reste le titre de mon essai.

MMT: qu’est-ce qui vous a amené à prendre la plume dans un monde ou très peu de diplomates de votre calibre osent ?

PZ: je voudrais tout d’abord, en première lecture, prendre votre question comme un compliment et je vous en remercie. En seconde lecture, je voudrais faire observer que je ne suis certainement pas le premier ambassadeur qui publie un opuscule. Pour mémoire, je rappelle l’Ambassadeur Jacques Kouoh Moukouri, Ambassadeur du Cameroun aux USA de 1962 à 1963 qui publie, alors en poste ‘’ J’étais secrétaire Africain’’ je crois. Plus près de nous, mon aîné l’Ambassadeur Michel Epangue Koss : Confidences de diplomate, Editions Sopecam, 2011. Il importe de rappeler en outre, qu’en dehors du devoir de réserve qui s’impose à tout haut responsable, aucun texte réglementaire, et encore moins notre Loi fondamentale, n’interdit à un Camerounais en général et à un Ambassadeur en particulier d’écrire. La liberté d’expression est une réalité de notre jeune démocratie. Il n’est pas besoin, rappelait fort à propos le Président Biya, de prendre le maquis pour exprimer ses idées. Par ailleurs, je tiens à souligner, que dans cet essai, ce n’est pas l’Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire du Cameroun au Japon qui s’exprime, mais l’ancien Directeur des Affaires d’Amérique et des Caraïbes qu’il a été dans une autre vie; ce qui explique le cadrage historique de l’ouvrage. Voilà, si l’ancien directeur s’exprime, c’est pour une double raison : premièrement, éclairer celles et ceux qui entendent embrasser la même carrière en leur montrant que la foi, la détermination et l’esprit d’initiative, permettent de servir notre pays et deuxièmement, en paraphrasant l’Ambassadeur Epangue Koss, parce qu’il ne fait que rendre compte, en tant que « comptable » de cette tranche de sa vie comme diplomate, afin que l’histoire ne l’accuse d’avoir failli au devoir de mémoire.

MMT: votre petit nom a été pendant longtemps “Ki Zerbo”. Pourquoi ce petit nom ?

PZ: vous avez la réponse dans le livre. Professeur d’histoire générale au Collège Sacré-Cœur de Makak, le livre de cet éminent spécialiste de l’Histoire Africaine était ma référence, ma source d’inspiration. Mes élèves m’ont donc donné ce petit nom.

MMT: qu’est ce qui vous a décidé à faire une carrière en diplomatie alors que vous avez toujours aspiré à une carrière militaire ? Vous avez même frappé aux portes de l’Ecole militaire Interarmes (EMIA) sans succès? Qu’est devenue au juste cette aspiration ?

PZ: je vous renvoie au commentaire très pertinent que fait mon Préfacier à ce sujet à la page 18. Enfin, le Chrétien catholique pratiquant que je suis, confesse que le Seigneur trace la route de chacun d’entre nous avant même sa conception dans le ventre de sa mère. Etre militaire n’était pas écrit pour moi dans le Grand Livre du Seigneur, mais diplomate était écrit en gros caractères.

Lorsque l’on évoque le nom de certaines personnalités que vous avez connues dans votre longue vie de diplomate, qu’est ce qui vous vient à l’esprit?

 Augustin Kontchou
 Eteki Mboumoua
 Happy Tina
 Atangana Mebara
 Robert Akamba
 Jerome Mendouga
 Mbarga Nguele de Brasilia

Je rectifie quelque peu le tir en disant : les personnalités qu’il a plu au Seigneur de placer sur ma route pour des raisons que Lui seul maîtrise. Chacune de ces personnalités, aussi contrastées qu’elles soient toutes, a fait de moi ce que je suis aujourd’hui et j’en rends Grâce au Seigneur. Je crois du reste que je l’affirme tout autant dans le livre.

Beaucoup de vos collègues peuvent vous envier un parcours marqué par de grands postes diplomatiques et finalement couronné par le poste d’ambassadeur du Cameroun au Japon. Etes –vous un favorisé du système, un pure chanceux ou un homme promu grâce à son excellence tant qu’on sait que rare sont les diplomates de carrière qui terminent au poste d’ambassadeur et de surcroit dans un grand pays?

La réponse à votre question est donnée par Monsieur le Président Paul Biya lui-même, quand il me nomme comme son Ambassadeur au Japon en 2008. Attendons, Inch Allah, le Tome 2. Vous y découvrirez mon processus de nomination. Pour le moment, nous ne parlons strictement que de ce qui concerne le directeur que j’ai été, si vous le permettez.

Si vous pouvez comparer votre séjour aux bords du Lac Léman à celui des Bords du Potomac que diriez-vous? Quel est le séjour qui a été le plus riche en enseignement?

Le séjour le plus riche en enseignements est sans conteste celui sur les bords du Potomac. La scène politique Camerounaise bouillonne, le fameux discours de la Baule a été prononcé et les programmes d’ajustements structurels vont entrainer, entre autres, un délabrement de l’appareil diplomatique du Cameroun, et ce sont des années de braise. Je consacre un autre Essai, à paraitre sur ce séjour sur les bords du Potomac : Cameroun/ Etats-Unis d’Amérique : histoire des relations diplomatiques (1960- 2011). C’est très intéressant de voir comment la Grèce aujourd’hui réagit face à cet ajustement structurel qu’on voudrait lui imposer.

Dans votre ouvrage vous stigmatisez les conditions salariales des diplomates. Vous dites même “ la diplomatie ne fait pas bon ménage avec la pauvreté”. Est ce que la situation s’est améliorée?

De manière générale, la situation de s’est pas améliorée et je le déplore. Dans les autres pays, on revoie le traitement des diplomates en fonction de l’évolution du coût de la vie dans son pays de résidence, ce qui me semble parfaitement juste. Ce n’est pas toujours le cas dans notre système. Donc, concrètement, si tu es à Tokyo et que tu gagnes un salaire net mensuel de « 200FCA, » si une augmentation générale de salaires n’est pas décidée au Cameroun pour les fonctionnaires, tu vas garder tes 200 FCA là jusqu’à date ! La TVA au Japon a beau être portée à 15%, rien à faire. Je trouve que ce n’est pas normal. Quand un diplomate me confesse, en 2015, qu’il a appris à vivre comme un cadavre, je me sens très mal. Encore une fois, ce sont là des questions que j’approfondirai, Inch Allah, dans le T2.

Dans votre livre, vous parlez de l’histoire de Philémon Yang, l’actuel Premier Ministre, qui a fait couler beaucoup d’encre parce qu’il a mis plus de deux décennies comme Haut Commissaire du Cameroun au Canada. Devenant, comme certains de ces pairs, Doyen du corps diplomatique. La diplomatie camerounaise est restée longtemps marquée par cette image d’inertie et de sclérose, voire une image de « Jurassic parc ». Peut-on dire que les conditions se sont améliorées dans la diplomatie camerounaise?

J’ai eu à répondre à cette question dans une autre interview dans le journal « Essingan » de Marie Robert Eloundou. Une fois de plus, je parle d’un idéal pour mon pays. Pour moi, et me situant strictement dans le cadre diplomatique, un Chef de mission diplomatique, est loin d’être un pantouflard. Il doit avoir une mission et des objectifs à atteindre, objectifs bien circonscrits dans le temps puisque l’espace est déterminé déjà. La diplomatie est un métier dynamique ; un métier fait de mouvements. Et le triptyque Présence-Participation et Développement doit s’inscrire dans cette dynamique.

On a coutume de dire que la diplomatie camerounaise repose sur un triptyque: Présence-Participation-Développement. Pensez vous que ce triptyque est vraiment mis en exécution comme il devrait l’être? Et si non, que suggérez-vous?

Ce que je suggère ? La réponse se trouve à la page 158 de mon livre. C’est clair et sans bavure.

Lorsque vous prenez votre retraite vous avez un regret. Celui de n’avoir pas réussi à faire poser le cadre juridique de coopération avec Cuba pourtant riche en potentialités. Qu’est ce qui a bloqué dans ce dossier dans lequel Laurent Esso vous avertissait encore en ces termes: “Les choses ne seront pas aussi faciles qu’avec le Brésil ? “

Le contexte international, pourrait-on répondre, ne s’y prêtait peut-être pas encore. C’est pour cette raison que je salue la fantastique et historique évolution actuelle.

Votre longue carrière vous a amené à croiser sur votre chemin ou à avoir comme supérieurs des ministres ou des ambassadeurs. Parmi ceux–ci quels sont ceux avec qui vous avez eu du maille à partir ou bien ceux qui vous ont marqué positivement…

L’objet de ce livre n’est pas de porter des personnes au panthéon ou d’en vouer d’autres aux gémonies; il s’agit de relater des faits qui pour les uns sont positifs et pour les autres, à reléguer aux rebuts. Bien plus, j’insiste encore une fois sur un point : toutes les personnalités que le Seigneur a daigné placer sur ma route ont fait de moi, chacun à sa manière, ce que je suis aujourd’hui.

Dans votre livre vous nous racontez une histoire d’un de vos ministres que ne connaissait rien du message électronique (mail). De quel ministre parlez-vous? Cette inculture des NTIC a-t-elle disparu au Ministère des affaires étrangères?

Pour rectifier une incorrection, il existe au Cameroun, un Ministère des Relations Extérieures et non des Affaires Etrangères, même si les deux dénominations renvoient à une réalité quasi identique.
S’agissant de la culture des NTIC, je voudrais vous inviter à noter comment des structures de l’Etat et notamment la Présidence de la République communique désormais.
Une révolution s’est opérée et à partir d’un site Internet, des informations sont diffusées de manière instantanée dans le monde entier.
Il est loin le temps où, il fallait attendre uniquement des correspondances officielles pour être informé de questions officielles. Les nouvelles de la visite du Président Hollande le 3 Juillet 2015 à Yaoundé ont ainsi été relayées en direct, en mondo vision.
C’est dire qu’il devient impératif pour tout acteur, représentant l’Etat de s’arrimer à ces nouvelles technologies. Le monde n’attend pas; nous ne devrions donc pas dormir sur nos lauriers au risque de perdre toute pertinence.

Depuis que vous êtes à la tête de l’ambassade du Cameroun au Japon, comment pouvez-vous qualifiez les relations entre le Japon et le Cameroun?

Ces relations sont excellentes et c’est notre rôle de travailler dans le cadre des directives qui nous sont données à leur renforcement. Au demeurant, le Tome 2 en donne un tableau bien significatif. Prenez patience.

Je vous cite, ” Mon Ami du Ghana me rappelait encore de ne pas oublier que je reste soumis au devoir de réserve” Qu’auriez-vous dit à cette période ? Quel est après coup votre prise de position par rapport à la suppression de la clause sur la limitation des mandats présidentiels : l’article 6.2

Les discussions de Cabinet sont confidentielles et permettez moi, cette fois, d’exciper mon devoir de réserve.
Quant à la suppression de la clause sur les mandats présidentiels, c’est une évolution de notre architecture politique qui correspond à la volonté des forces politiques nationales.
A cet égard, permettez-moi de dire également que le champ politique restera toujours marqué par une opposition d’intérêts et de positionnement. Ce qui compte, c’est le respect de la volonté du Peuple souverain et le triomphe du jeu démocratique, dont l’observation des règles permet de conduire une barque dans un sens ou dans un autre en fonction des contextes. C’est, si je puis m’exprimer ainsi, la dimension ludique de la politique.
Il n’existe pas en politique une boussole absolue et une expression française dit bien que ce qui est vérité en deçà des Pyrénées, ne l’est plus au delà.

Vous stigmatisez à juste titre la dérive des motions de soutien initiées par des élites en mal de positionnement. Celles du département dans lequel vous êtes né( la Lékié) se sont à plusieurs reprises illustrées dans la formulation de motions et de lettres chacune aussi incendiaire l’une comme l’autre. Quel regard portez-vous sur ces motions et lettres?

Entendons-nous bien, la motion politique est un mode d’expression de la pensée politique et même, une modalité de l’action politique. La question serait moins l’usage de la motion politique en elle-même, que les modalités par lesquelles tel ou tel autre acteur y a recours.
L’une des caractéristiques d’un parti politique qui est une force en vue de la conquête et de l’exercice du pouvoir politique, est de définir les modalités de son action publique. Lorsque tout se fait dans le respect de la discipline d’un parti, il n’y aurait pas de problème.
Les seules préoccupations pourraient venir de ce que des actions individuelles puissent troubler un certain ordre politique établi. C’est la responsabilité des instances du parti de veiller au suivi des directives données.
Comme en toute chose, c’est un effort permanent qui pourtant ne doit pas être sourd aux revendications de la base.

Les motions de remerciement au Chef de l’Etat ne participent-elles pas à la tribalisation des actes du président ? Quelles sont, selon vous, les conséquences sur le plan international de telles actions?

Le fond de cette question renvoie aux observations que j’ai faites ci-dessus. La motion de remerciement en elle-même n’est pas détestable. Il s’agit plutôt d’un mode d’action politique qui manifeste la mobilisation de forces politiques derrière un leader tel que le Chef de l’Etat.
Il se trouve que dans l’environnement politique camerounais, c’est un mode auquel il est fortement recouru en certaines circonstances.
Il existe d’autres pratiques dans le monde qui correspondent aux cultures démocratiques et/ou politiques des pays concernés.
Aux Etats-Unis par exemple la culture du meeting politique est très développée avec l’institution des « Town hall ». C’est dans ces cadres que la mobilisation entre un leader politique et sa base est construite.
On ne peut pas exiger du Cameroun, que sa démocratie fonctionne sur les mêmes canaux que la démocratie Américaine de ce fait. Chacun de ces pays a sa culture, son histoire et pour parler comme les marxistes, sa praxis. Chaque personnalité politique doit être respectée.

Quelle réflexion cette acception d’un auteur Camerounais suscite en vous : « La politique au Cameroun est essentiellement un objet de jouissance. Je me réfère à cette sorte de vie immédiate qui est devenue le lot de tous, dirigeants et gens du commun; à cette incapacité de penser l’avenir et de se complaire dans une vie végétative. J’ai également en tête la corruption. Le Cameroun est l’un des pays les plus corrompus au monde. C’est l’un des rares pays au monde ou la honte ne fait plus partie des catégories par lesquelles les êtres humains jugent leur conduite.»

Il est des affirmations qui n’appartiennent qu’à leur auteur. Je ne puis donc me rendre comptable de telles déclarations. Aucune déclaration n’est innocente en politique et en elle-même, surtout quand on exprime une opinion aussi tranchée que celle de l’auteur auquel vous faites référence.
Qu’à cela ne tienne, l’objet du politique n’est-il pas, ultimement, de consacrer un vécu qui correspond peu ou prou à la personnalité d’une nation ? La bonne question serait donc de savoir au juste quelles sont les aspirations profondes du peuple.
Existe-t-il toujours au niveau individuel, cette aspiration forte vers le progrès ou alors, la préoccupation n’est-t-elle souvent que d’aspirer à un mieux vivre sans autre ambition ? Personnellement, la politique du ventre m’est détestable. Relisez mon préfacier à toutes fins utiles à ce sujet.

Vous affirmez que vous vous rangez dans le camp de ceux qui pensent fortement que l’intérêt national doit guider chaque action posée par un homme politique. Pensez-vous sincèrement que ce sentiment anime les hommes politiques camerounais dont nombreux brillent par l’exposition de leur opulence, et le vol systématique des biens publics ? Dans un pays comme le Cameroun, quelles sont les conséquences à long terme de la criminalisation du politique ?

Vous formulez là des opinions assez fortes d’autant qu’elles sont généralisées, et je ne saurais y souscrire catégoriquement. Rappelez vous, je mentionnais plus haut que la politique, comme la vie, est le domaine des possibles. Cela signifie que dans un cadre organisé et accepté de tous, l’action des uns et des autres est possible; et rappelez vous, il existe dans toutes les sociétés, un cadre judiciaire pour connaitre des cas de déviances par rapport à la norme. C’est ce que j’appelle en d’autres termes des comportements déviants.
Au Cameroun, nous assistons dans le cadre de l’Opération Epervier à un assainissement des pratiques de gestion de la chose publique. Parler donc de criminalisation du politique me semble excessif. Force doit rester à la loi. J’observe pour ma part, un effort permanent pour le triomphe de la norme et de la pérennité sociale. Je m’en félicite.
A la page 85 de votre livre vous écrivez ceci” En 1992, je parcours l’hebdomadaire Jeune Afrique Economique quand je tombe sur l’affaire Messi Messi ancien directeur général d’une banque de la place. Le couple présidentiel est traîné dans la boue et la lecture du dossier que publie l’hebdomadaire me donne l’idée d’enfiler la robe d’un avocat et de défendre le couple Biya.” Pouvez vous toujours prendre votre toge aujourd’hui ?

Oh ! Très certainement que j’enfilerai ma robe d’avocat si j’estime, en mon âme et conscience, que notre Président est injustement accusé !

En outre, parlant de « l’opération épervier » lancée par le président de la République, ne pouvez–vous pas dire que ce que Messi Messi dénoncait il y a près d’un quart de siècle n’était pas que la pointe de l’iceberg? En outre, pensez-vous que le président Biya peut efficacement combattre la corruption et la mauvaise gestion publique lorsque que l’on sait que de nombreux ministres encore en poste et autres, les directeurs généraux de sociétés disposent de fortune dont ils ne peuvent justifier l’origine ? Que cache cette volonté tardive du président de s’attaquer à la corruption dont on savait rampante depuis des décennies?

Encore une fois, vous exprimez la des opinions, à tout le moins fortes que je ne saurai reprendre à mon compte. Sachez toutefois que nous sommes en République et qu’il existe des instances appropriées pour connaitre des cas de déviance face à la loi. Je ne suis ni procureur, ni juge pour clamer des faits dont je n’ai pas la preuve matérielle. Il me semble toujours sain d’éviter la rumeur et de ne se fier qu’à des procédures concrètes, existantes. Il y a en effet très souvent une très grande distance entre l’opinion que l’on peut se faire d’une situation et la réalité de celle-ci. Le mieux c’est toujours de se fier à des informations et des procédures qui existent.

Dans votre ouvrage vous déclarez que la longévité à un poste est contre-productive. Pouvez-vous en dire de même de la longévité du président Biya à son poste?

Le Chef de l’Etat, SEM Paul BIYA est un leader politique qui a régulièrement gagné des mandats politiques, obtenus à l’issue de scrutins électoraux dans un contexte de démocratie. Pour avoir organisé à Tokyo l’élection présidentielle de 2011, je puis vous assurer, que la victoire du président a été sans fioriture. Avez-vous suivi sa déclaration sur cette question lors de la conférence de presse conjointe avec le Président Hollande? Renvoyez donc la question au peuple Camerounais…

Quel est le principal message que vous voulez transmettre à travers ce livre?

Je voudrais redire ici, que mon ouvrage s’adresse en priorité aux diplomates et à toutes celles et tous ceux qui aspirent à exercer le noble métier de diplomate. Comme le dit un de mes lecteurs, ‘’ L’Ambassadeur Ndzengue transmet en marchant. Ce ne sont pas les mémoires d’un Viel homme au soir de sa vie mais bien le témoignage d’un acteur de la diplomatie Camerounaise, encore et bien au four et au moulin’’. J’ajoute pour terminer : Esprit d’initiative ; Foi ; détermination et sens de l’intérêt général voilà les principales valeurs que je souhaiterais voir mes jeunes collègues s’approprier. Toutes ces valeurs sous-tendent le Tome 2.

Très récemment le concours controversé d’entrée à l’IRIC et ses tripatouillages a fait les choux gras des journaux camerounais. Etes-vous au courant de cette affaire? Sinon ne pensez-vous pas que cette histoire contribue à ternir l’image et la réputation d’une structure qui vous a formé jadis?

Ce que vous appelez affaire au sujet de l’IRIC ne m’a bien sûr pas échappé, d’autant que j’ai dans une autre vie été enseignant au sein de cet Institut qui m’a formé au métier de la diplomatie. Au demeurant, en lisant le Tome 2 de cet essai, vous verrez que cet Institut nous tient particulièrement à cœur.
L’observation que je ferai est simple : une institution est toujours le reflet de son contexte social et il se trouve que l’IRIC étant une institution de proue, tout ce qui s’y passe reçoit une forte publicité.
Au delà de l’excellence académique exigée pour y accéder, il faut relever qu’il s’agit là, d’un cadre qui ne peut échapper aux arbitrages politiques et c’est ce qui est arrivé.
L’histoire de l’IRIC vous apprendra que les effectifs d’admission ont toujours été très flexibles en fonction des impératifs du moment. De cinq étudiants au départ, on atteint aujourd’hui des pics beaucoup plus élevés. C’est ce qui a fondé le décideur politique à trancher, in fine, dans le sens du dénouement de cette situation.
Je voudrais donc conclure, qu’il y a toujours grand risque à réfléchir en termes d’absolus surtout dans un pays comme le nôtre où la flexibilité des arbitrages doit permettre de garder le cap sur l’essentiel, à savoir la permanence de l’Etat, son renouvellement et sa pérennité dans le temps. Dans un contexte aux impératifs multiples, cette posture émolliente est nécessaire, d’autant que les standards académiques sont saufs.

Deux décennies après les premières élections au Cameroun, quelle évaluation faites-vous de ce processus de démocratisation ?

Je ne suis pas un acteur politique pour porter un regard critique sur un processus de cette nature. Ce qui m’importe en tant que représentant de l’Etat, c’est de noter que notre pays se porte bien et bénéficie de considération dans le concert des nations. Pouvez-vous me citer un seul pays au monde où tout est parfait ? Je voudrais à cet égard vous renvoyer aux récentes déclarations du Président Barak Obama après les assassinats racistes dont tout le monde se souvient.

Quel sentiment avez-vous lorsque vous voyez un pays producteur de pétrole et ayant d’énormes potentialités énergétique subir à longueur de journée le délestage et des coupures d’eau et d’être continuellement la proie du choléra? Et en plus de sabrer le champagne lors de son admission dans l’espace PPTE?

De quel pays parlez-vous ?

Après 33 ans de pouvoir, quel regard jetez-vous sur la gouvernance du président Biya au Cameroun ?

Une fois encore, je ne suis pas acteur politique pour formuler de tels jugements. Mon frère à Soa aurait pu vous poser la question : C’est comment avec toi gars ? On t’a envoyé ?

Que pensez-vous des frustrations légitimes de certains de nos frères et sœurs de l’autre rive du Moungo dont certains demandent ouvertement à se détacher du Cameroun pour former leur république ?

Même traitement que la précédente question !

En l’état actuel de la situation politique, comment envisager l’après-Biya
partant du fait que les leaders d’hier doivent peu à peu libérer l’espace politique, connaissez-vous des personnalités camerounaises possédant un leadership et pouvant cristalliser autour d’un pôle de personnes l’avenir en marche du Cameroun?

Chez nous les Bantous, on ne parle pas de l’avenir d’un Chef ! Vous avez des ambitions ou un candidat potentiel que vous soutenez ? Cool ! Le moment venu, il faut alors nous dire. On verra si on peut alors voter pour lui si le Président Biya décidait de prendre sa retraite.

Quel rêve caressez-vous pour votre pays le Cameroun?

Je suis Ambassadeur du Cameroun et chaque jour je contribue à la sécurité, au rayonnement et à la prospérité de mon pays. Et puis cher ami, c’est ce rêve qui est la chute de mon Essai !

Protocole d’entrevue proposé par Modeste Mba Talla, Ph.D
Pour le compte du site www.icicemac.com
À l’ambassadeur
Pierre Ndzengue, écrivain

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