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Arrestation de Salah Abdeslam : les coulisses d’une opération éclair

Quatre mois d’une interminable course de fond et soixante-douze heures de sprint haletant. Les enquêteurs belges et français lancés à la poursuite de Salah Abdeslam ont toujours cru à leur bonne étoile malgré les impasses et le temps qui passe.

Leurs investigations se sont brutalement accélérées en début de semaine jusqu’au coup de théâtre d’hier. Le seul auteur encore en vie des attentats de Paris, considéré comme le logisticien, a enfin été arrêté à Bruxelles. Il était hébergé depuis peu chez une famille, rue des Quatre-Vents, à Molenbeek.

Molenbeek… Le quartier où ont été planifiées les attaques est aussi celui où leur coordonnateur a été capturé. Si celles-ci ont été minutieusement préparées, la cavale opportuniste de Salah Abdeslam, de planque en planque, s’est révélée d’un bout à l’autre chaotique. Et ses appels désespérés à des proches mardi en fin de journée ont fini par guider les enquêteurs jusqu’à sa dernière tanière.

Première opération : un coup d’épée dans l’eau

La chance lui a jusqu’ici souri. Le 14 novembre, en début de matinée, il échappe aux premiers barrages sur les routes entre Paris et Bruxelles, l’enquête n’ayant pas encore permis de l’identifier comme suspect. Une fois de retour dans son quartier bruxellois, il prend le temps de passer chez le coiffeur pour modifier son apparence. L’un de ses amis le dépose à côté d’une station de tram à Schaerbeek, autre quartier de la capitale belge. Le fugitif lui lance alors  : « Tu ne me reverras jamais. » De fait, la police perd sa trace pour quatre longs mois.

La première vaste opération pour le retrouver ressemble à un coup d’épée dans l’eau. Le 17 novembre, la police boucle une zone de Molenbeek et investit des maisons en vain. A ce stade, les enquêteurs sont divisés. La plupart pensent qu’Abdeslam n’a aucun intérêt à quitter un quartier qu’il connaît par cœur et dans lequel il peut se fondre. Mais d’autres penchent pour une seconde hypothèse  : le fugitif aurait réussi à gagner la Syrie, sanctuaire de l’organisation terroriste Daech. En tout cas, le lendemain des attaques de Paris, l’un de ses complices présumés, Ahmed Dahmani, prenait l’avion pour la Turquie depuis l’aéroport de Schiphol, aux Pays-Bas. Or, ce même 14 novembre, à Amsterdam également, le système de vidéosurveillance de la ville a enregistré une silhouette ressemblant à celle de Salah Abdeslam. D’où l’idée que le terroriste ait pu, comme son complice, prendre l’avion pour la Turquie et de là, rejoindre la Syrie.

Une perquisition de routine

A Bruxelles, Salah Abdeslam a laissé bon nombre d’indices derrière lui, comme de l’ADN et des empreintes digitales. Mais ces preuves biologiques restent impossibles à dater, comme celle retrouvée le 9 décembre. Ce jour-là, la police belge retrouve la fabrique d’explosifs des commandos, située en plein cœur du quartier de Schaerbeek. Au troisième étage d’un immeuble de briques rouges, elle retrouve des traces d’un explosif artisanal de type TATP, le même que celui utilisé à Paris et à Saint-Denis. Et au milieu du fatras, l’empreinte ADN de Salah Abdeslam. Selon des informations de la presse belge, non confirmées officiellement, le fugitif aurait passé trois semaines caché dans cet appartement, prenant la fuite le 4 décembre.

Depuis, les arrestations se multiplient dans son entourage (58 au total, selon le décompte du Premier ministre belge, Charles Michel). Une centaine de perquisitions ont eu lieu. C’est l’une d’elles, presque de routine, opérée dans le quartier résidentiel de Forest, qui fait basculer l’affaire. La traque connaît en effet un brusque coup d’accélérateur mardi en milieu d’après-midi lorsque la police fédérale se présente devant un appartement loué sous un faux nom. Ce même locataire aurait déniché, avant les attentats du 13 novembre, une autre planque à Charleroi cette fois.

Abdelslam en oublie les précautions élémentaires

Les enquêteurs croient les lieux vides puisque l’eau et l’électricité ont été coupées depuis plusieurs semaines. Ils n’ont aucune raison de se méfier jusqu’à ce que des tirs se fassent entendre à travers la porte. S’en suivent cinq heures d’une intense fusillade. L’un des occupants, Mohamed Belkaïd, alias « Samir Bouzid », 35 ans, est tué. Un faux passeport syrien, au nom de Mounir Ahmed Alaaj, ainsi qu’une fausse carte d’identité belge au nom de Amine Choukri, sont retrouvés. Mais deux autres occupants réussissent à fuir. L’un d’eux, casquette blanche vissée sur le crâne, est, semble-t-il, l’insaisissable Abdeslam. L’une de ses empreintes est retrouvée sur un verre à l’intérieur de l’appartement dévasté.

Le voilà privé de toit et de soutien. C’est justement ce qui le perd. « Le but de toutes ces opérations était justement de le faire paniquer et de le jeter à la rue, insiste une source judiciaire belge. Ce fut une stratégie payante sur le long terme. » Le terroriste en oublie les précautions élémentaires, appelant au téléphone l’un de ses proches, quelques heures après l’assaut de Forest. Avisée, la police effectue un intense travail pour localiser son portable, finalement repéré rue des Quatre-Vents. Froide pendant des mois, la piste devient brûlante. L’assaut est lancé hier après-midi.

Parmi les 5 personnes interpellées, Amine Choukri, qui avait été contrôlé avec Abdeslam à Ulm, en Allemagne, le 30 octobre 2015. Ses empreintes avaient été relevées lors de ce contrôle. Elles ont aussi été retrouvées lors d’une perquisition dans une cache à Auvelais, en Belgique, en novembre. Trois autres personnes, membres d’une même famille, se trouvaient elles aussi en garde à vue hier soir, suspectées d’avoir prêté leur appartement. Quant à Salah Abdeslam, il est blessé au genou au terme de l’assaut puis menotté. « C’est bien moi », reconnaît-il quand les policiers lui demandent de confirmer son identité. Belges et Français regardent leur montre. Il est 16 h 40. C’est la fin de cent vingt-six jours de cavale.


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