Parfois, vaut mieux être une femme, enfin……
La question de la nationalité camerounaise est au sein de notre communauté un serpent de mer qui se réveille au gré de l’actualité, souvent politique ou sportive, parfois, artistique.
L’imminence de l’élection suprême a, une fois de plus, réveillé, cette hydre comme le montre la passion des débats sur les réseaux sociaux. Aussi vais-je répondre à la requête qui m’a été présentée.
La nationalité est le lien juridique qui unit une personne à un Etat déterminé. Au Cameroun, elle s’acquiert par la filiation, par la naissance, la naturalisation ou par la réintégration.
Contrairement à certains pays, le Cameroun n’admet pas de double nationalité, c’est le principe.
Enfin, c’est ce que je pense mais la lecture littérale de la loi pose question, notamment au sujet des femmes.
En effet, aux termes de l’article 32 de la loi n°68/LF/3 du 11 juin 1968 portant Code de la nationalité camerounaise :
« (1) La femme camerounaise qui épouse un étranger conserve la nationalité camerounaise à moins qu’elle ne déclare expressément au moment de la célébration du mariage, et dans les conditions prévues aux articles 36 et suivants de la présente loi, répudier cette nationalité.
(2) Cette déclaration peut être faite sans autorisation même si la femme est mineure.
Toutefois, cette déclaration n’est valable que lorsque la femme acquiert ou peut acquérir la nationalité du mari, par application de la loi nationale de celui-ci».
Traduction pratique :
– La femme camerounaise épouse un étranger mais le mariage n’emporte aucune conséquence sur la nationalité d’après la loi du pays de cet étranger : elle reste camerounaise et elle n’a aucune démarche à faire.
– La femme camerounaise épouse un étranger et le mariage entraîne automatiquement acquisition de la nationalité du mari ou rend le changement de nationalité possible.
• Elle ne fait aucune déclaration et conserve sa nationalité
• Elle répudie sa nationalité pour prendre celle de son mari
L’interprétation de l’option de conservation est à mettre en relation avec l’article 31-a) du Code de la nationalité qui dit : « Perd la nationalité camerounaise le Camerounais majeur qui acquiert ou conserve volontairement une nationalité étrangère » ;
Tout l’enjeu est de savoir ce que recouvrent les vocables « Le Camerounais » et « volontairement ».
S’il est constant que le mariage et la répudiation sont des actes de volonté, la désignation « le Camerounais » est matière à interprétation.
Si par ce terme on devait comprendre le genre masculin stricto sensu, alors la femme camerounaise mariée à un étranger qui ne répudie pas sa nationalité camerounaise dans les formes légales serait un cas de double nationalité.
Si ce terme englobait la personne (homme ou femme), alors la femme mariée qui acquiert une nationalité étrangère par l’automaticité du mariage se trouverait déchue de sa nationalité camerounaise.
L’honnêteté me commande d’avouer que je suis pour une interprétation large en raison de la conception patriarcale de notre société qui tient pour naturelle la désignation de la personne par le gendre masculin.
Par ailleurs, l’interprétation stricto sensu rendrait l’article 32 anticonstitutionnel parce qu’elle rompt l’égalité des citoyens devant la loi. Pourquoi le Camerounais qui acquerrait une nationalité étrangère par le fait du mariage perdrait-il la nationalité camerounaise et pas la femme ?
Quid de la femme camerounaise majeure non mariée à un étranger qui acquiert et conserve une nationalité étrangère ?
En somme, l’interprétation stricte de l’article 31 signifierait tout simplement que les hommes camerounais n’ont pas droit à la double nationalité au contraire des femmes camerounaises, mariées ou pas.
Je le répète, ce serait anticonstitutionnel.
Ce débat aurait un sens si le changement de nationalité procédait de l’adhésion aux valeurs de la République que l’on rejoint ou du refus des attendus de la communauté qu’on quitte. Il faut reconnaître que ce sont souvent les avantages pratiques que recherchent ces certifications circonstancielles. Faciliter les études des enfants, voyager sans visa sauf pour rentrer « chez soi », ou alors être sauvé par l’Ambassade de France en cas de grabuge, les motivations ne manquent pas. Rester un Camerounais entier ou être une demi-portion est tout de même une vraie question qui mérite une écriture nouvelle et claire de la loi
Le débat reste ouvert.
Arlète Tonye, Avocat
NB : cet avis est donné sous réserve de la ratification par le Cameroun d’éventuels traités sur la nationalité dont je n’ai pas connaissance.
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