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Pr. Quarraisha Abdool Karim : lauréate du Prix L’Oréal Unesco 2016 pour la Science

L’épidémiologiste Quarraisha Abdool Karim est à l’origine d’une étude dont les résultats ont permis de mettre en place de nouvelles méthodes de prévention contre le VIH, notamment pour les femmes. Lauréate du Prix L’Oréal Unesco 2016 pour la Science, elle veut désormais investir dans ses recherches les 100 000 euros gagnés grâce à cette récompense.

À 56 ans, c’est une nouvelle consécration pour la chercheuse sud-africaine Quarraisha Abdool Karim, lauréate du Prix L’Oréal Unesco 2016 pour la Science. Ce n’est pas la première récompense obtenue par cette spécialiste des maladies infectieuses mais c’est sans doute l’une des plus prestigieuses. Une reconnaissance qu’elle doit à ses découvertes fondamentales sur les mécanismes d’infection du VIH. Son pays détient le plus fort taux de contamination au monde. Constatant que les mesures de prévention sont très souvent tournées vers la gent masculine, elle et son équipe tentent de concevoir des outils simples et efficaces pour que les jeunes femmes – les 15-24 ans sont les plus touchées dans le pays -, se protègent contre la maladie. Jeune Afrique l’a rencontré à l’occasion de son passage à Paris pour la remise de son prix. Interview.

Jeune Afrique : Vous êtes lauréate du Prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science… Qu’est-ce que cette distinction représente à vos yeux ?

C’est un honneur et un privilège pour moi d’être considérée parmi les scientifiques les plus éminentes du monde. C’est aussi une opportunité d’influencer les jeunes femmes d’Afrique ou du Moyen-Orient afin qu’elles puissent orienter leurs activités sur des questions locales et ainsi faire la différence sur le continent et à l’échelle mondiale.

Avec ce prix, vous allez disposer de 100 000 euros, quels sont vos projets avec cette somme ?

Déjà, 20,000 euros iront à la création d’un prix particulier, uniquement destiné aux femmes chercheuses afin qu’on mette en lumière leur travail. Je suis en pleine discussion avec l’Académie mondiale des sciences pour que cette dernière dégage aussi 20 000 euros afin qu’on mutualise les deux sommes. De nombreux prix scientifiques ne récompensent que les hommes, en général dans des pays développés. J’aimerais apporter plus de parité dans ce secteur là. Les 80 000 euros restants seront réinjectés dans mes projets de recherche et non pour faire du shopping !

Est-ce qu’un homme aurait pu envisager le problème de la prévention d’un point de vue féminin comme vous l’avez fait ?

C’est un point très important que vous soulignez là. Il y a une nuance entre les femmes et les hommes scientifiques. La plupart du temps, lorsque les hommes envisagent l’agenda scientifique et les problèmes qui s’y intègrent, ils le font d’un point de vue masculin, pragmatique. Lorsqu’il s’agit des femmes, elles envisagent des solutions non seulement pour elles mais aussi pour le reste de la société. Elles ont un regard plus large.

En quoi être une femme est-il un avantage dans ce genre de problématiques ?

Je pense qu’au delà d’être une femme, être une scientifique est un avantage certain. Si je n’étais pas chercheuse et que j’avais clamé haut et fort : « il faut trouver des solutions simples pour les femmes », cela aurait été une requête de plus demandée par une citoyenne lambda et ça n’aurait pas nécessairement attirer l’attention des autorités. Mais grâce au pouvoir des données statistiques, épidémiologiques, grâce aux preuves que j’apporte sur les raisons primordiales de soutenir cette recherche, de trouver des mesures adéquates pour un groupe de personnes ciblé (les adolescents sont les plus touchées par le virus), on accorde plus de crédibilité à ma voix.

La science fournit des preuves et, aujourd’hui, si on veut des investissements pour mener à bien des entreprises scientifiques, il faut des preuves.

Fondation L'Oréal.
Professeur Quarraisha Abdool Karim en blouse blanche. © Fondation L’Oréal.

Quel est aujourd’hui le regard des femmes sur la science ? Notamment celui des Africaines?

On ne réunit pas assez de conditions pour favoriser leur intérêt pour les sciences, ce qui fait qu’elles n’ont malheureusement pas beaucoup d’expérience. Mais elles commencent doucement à se rendre compte que leur participation aux recherches peut faire toute la différence. Dans le cadre de l’étude CAPRISA 004 [dont elle est directrice scientifique associée, NDLR] par exemple, celles qui ont participé étaient conscientes du fait que même si leur génération ne bénéficiaient pas de ces nouvelles solutions, celles à venir le pourraient, elles.

Nous avons donc décidé d’abandonner l’idée du gel et de nous focaliser sur d’autres produits comme des comprimés et des injections qui seront plus efficaces

Combien de temps cela a-t-il fallu à l’étude CAPRISA 004 pour mettre sur pied un médicament préventif contre le VIH ?

CAPRISA 004 a commencé en 2002 et ce n’est qu’en 2010 qu’on a commencé à avoir les premiers résultats. Ce qui fait 8 ans au total.

Pouvez-vous nous parler des caractéristiques du produit ? Comment se présente-t-il ?

Lorsqu’on fait des essais cliniques, on produit une quantité minime. Si ça fonctionne, on bascule vers une production industrielle plus conséquente. Pour l’instant, ce qu’on a se présente sous forme de comprimés appelés Ténofovil. Ces comprimés doivent être pris par des femmes non infectées tous les jours, comme une contraception. Mais nous voulons que le principe actif contenu dans ce médicament préventif soit disponible sous plusieurs formes (injections, comprimés, gel, etc.) afin que chacun y trouve son bonheur et que celles qui ont des trous de mémoire quant à la prise journalière ne soient pas pénalisées.

En ce qui concerne le gel vaginal microbicide que vous avez créé, il est censé s’utiliser avant et après le rapport sexuel. Ne pensez-vous pas que ce sont là des contraintes qui décourageront plus d’une femme ?

Les femmes avec lesquelles je travaille, celles de ma communauté, ne voient pas leur partenaire fréquemment et ne voulaient pas d’un médicament à prendre tous les jours. Avec le gel, si on prévoit un rapport sexuel dans la soirée, on peut l’appliquer le matin. S’il n’a finalement pas eu lieu, on n’est plus obligée d’appliquer le second.

C’est donc une mesure de protection ponctuelle qui va s’adapter aux fluctuations de notre vie sexuelle. Mais comme je l’ai dit, ce n’est pas forcément une solution qui convient à toutes les femmes, dont celles qui ont une relation régulière, d’où l’importance de trouver des procédés variés.

Ce médicament sera-t-il subventionné par l’État sud-africain ? Comment se passera sa distribution, notamment pour les couches défavorisées ?

Je voudrais clarifier une chose avant de continuer. Dans l’étude CAPRISA 004, le gel en tant que tel a certes fonctionné pour nous mais deux autres groupes qui ont reproduit les tests ont eu des résultats différents : la première a eu un taux de réussite de 50% et la seconde de 0%. Nous avons donc décidé d’abandonner l’idée du gel et de nous focaliser sur d’autres produits comme des comprimés et des injections qui seront plus efficaces. Nous avons déjà donné la licence pharmaceutique du principe actif à l’État-sud africain, qui s’est engagé, avec des investisseurs privés sans doute, à mettre à disposition du maximum de personnes le médicament, peu importe la forme sous laquelle il sera commercialisé.

Dieretou Diallo

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