Dans la forêt qui s’étend à perte de vue, quelques maisons construites en terre battue se dressent sur la petite pente. Seul le chant des oiseaux rompt le silence des lieux. « Bienvenue à Tayap. Bienvenue dans le premier village écologique du Cameroun », lance Adeline Flore Samnick, un large sourire aux lèvres. Cette jeune trentenaire, diplômée de sociologie et présidente de l’association Agriculteurs professionnels du Cameroun (Agripo), est à l’origine d’un projet de vergers écologiques dans le village de Tayap, à 90 km de la capitale Yaoundé, dans le centre du pays.
Il s’agit d’un village d’agriculteurs qui cultivent sans engrais chimique arbres fruitiers et semences vivrières dans le même espace, selon le principe de l’agroforesterie. Pour voir à quoi ressemblent ces « vergers écologiques », il faut faire un tour dans les plantations disséminées çà et là dans la bourgade. Christian Billong possède l’un de ces champs. L’homme est venu inspecter l’état de son verger de plus de 60 plants aux feuilles encore toutes vertes. « Les premières récoltes commenceront dans trois ou quatre ans, songe-t-il en réajustant son pagne autour des reins. Ici pas d’engrais. A la place, j’utilise le compost. »
« 12 500 plants agroforestiers »
L’agriculteur s’interrompt, regarde ses plants avec amour, va d’un point à l’autre, ramasse une branche morte et caresse les feuilles. Christian Billong a bénéficié comme les autres agriculteurs de Tayap d’une aide de l’association Agripo. « Nous avons acheté 12 500 plants agroforestiers. Nous les avons distribués aux agriculteurs et mis en place un champ semencier de deux hectares,explique Adeline Flore Samnick. 60 hectares de jachères agricoles ont été restaurés en vergers écologiques. »
Ce projet écologique naît en 2010. A l’époque, Adeline Flore Samnick regroupe une dizaine de jeunes diplômés originaires de Tayap, comme elle, las de chercher du travail en vain. Ils créent alors Agripo et mettent sur pied une bananeraie. Mais quelques mois plus tard, leur exploitation d’une superficie de cinq hectares est décimée par un incendie. Les agriculteurs constatent au même moment que les rivières du village tarissent au fil des années à cause des feux de brousse. Ces jeunes décident alors de créer des emplois verts pour développer l’économie de leur village et protéger en même temps l’environnement.
Grâce aux fonds reçus des organismes internationaux, l’association acquiert des plants et semences bio qu’elle distribue aux cultivateurs du village. Cependant, cette subvention ne suffit pas à créer des emplois verts. En 2014, Agripo injecte un million de francs CFA (1 520 euros) dans la microfinance solidaire des femmes de Tayap pour l’entretien de leurs vergers et le développementdu petit commerce durant les cinq années qui les séparent de la première production fruitière.
« Cinquante emplois verts courant 2016 »
« Nous sommes vingt-cinq dans notre microfinance. Nous prenons des crédits de 50 000 francs CFA (76 euros) à remettre six mois plus tard. Avec cet argent, nous déjà employé plus de cent saisonniers pour qu’ils défrichent nos champs », explique avec fierté Esther Ngo Ngwé, conseillère à la structure de microfinance, par ailleurs propriétaire d’un verger écologique.
« Agripo emploie trois agents techniques à temps plein. Nous leur offrons le logement et des espaces cultivables pour mener leur agriculture. Quinze emplois verts ont été créés grâce au programme des vergers écologiques de Tayap. Notre souhait est d’arriver à créer cinquante emplois verts courant 2016. » Grâce à cette implication dans la protection de l’environnement, les vergers écologiques ont reçu, en février 2015, le prix Atténuation dans les secteurs agriculture et élevage du concours international Challenge Climat organisé par l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).
Une récompense qui a suscité à un autre défi : la construction d’écogîtes pour les touristes. Deux appartements ont déjà été construits avec des matériaux écologiques, à l’exception de la tôle. Le rêve des populations de Tayap est de voir des « touristes écolos » débarquer dans leur village.
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