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Nouvelle Constitution ivoirienne : ce qu’il faut retenir avant le vote

Pour ou contre la nouvelle Constitution. C’est ce dimanche que les Ivoiriens sont appelés aux urnes.

Le 5 octobre 2016 dernier, Alassane Ouattara présente un projet de nouvelle Constitution qui modifie notamment les conditions d’éligibilité à la présidence de la République. Le 11 octobre, l’Assemblée nationale adopte le projet de nouvelle Constitution, la quasi-totalité des votants se prononçant en faveur du texte qui sera soumis à un référendum dimanche 30 octobre. Dès qu’elle prend connaissance du texte, l’opposition appelle au boycott de ce référendum.

Les points forts de la Constitution

– Création d’un poste de vice-président

Selon l’article 53, « l’exécutif est composé du président de la République, du vice-président de la République et du gouvernement ». Il est donc créé un poste de vice-président calqué sur celui des États-Unis où il est élu sur le même ticket que le président. Le vice-président succède au président en cas de décès ou d’empêchement. Pour le pouvoir, il s’agit de prévenir tout trouble en cas de disparition du président avec un nouveau dirigeant qui connaît le travail de l’exécutif. Pour l’opposition, c’est une « dérive monarchique ». Mamadou Koulibaly, ancien président de l’Assemblée nationale, estime qu’il s’agit d’un poste de « larbin ».

Point important : si la Constitution est adoptée, une des mesures transitoires prévoit que le président Ouattara nommera dès cette année son vice-président. Cette désignation alimente toutes les rumeurs, beaucoup pensant que Ouattara va ainsi désigner son successeur. De l’ancien chef rebelle Guillaume Soro, actuellement président de l’Assemblée, au ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko en passant par le Premier ministre Daniel Kablan Duncan ou de nombreux cadres du PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire, allié de Ouattara), les candidats se bousculent au portillon.

– L’ivoirité

Selon le président Alassane Ouattara à qui ses détracteurs reprochaient son origine burkinabè, le nouveau texte en finit avec « l’ivoirité », qui a empoisonné la vie du pays le poussant au bord de la guerre civile. L’article 55, clarifie les conditions pour devenir président : « Le candidat à l’élection présidentielle (…) doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d’origine. » La Constitution actuelle stipule « de père ET de mère ».

Certains opposants estiment quant à eux que le problème n’est pas réglé, soulignant que le terme « exclusivement » pose le même problème, avec le cas notamment de binationaux ivoiro-burkinabè ou ivoiro-français.

– Création d’un Sénat

Pour le président Ouattara, il s’agit de créer une chambre jouant le rôle de facteur de stabilité avec « d’anciens serviteurs de l’État, de personnalités de qualité », évoquant même la possibilité d’y siéger lui-même. Selon le texte, « les sénateurs sont élus, pour deux tiers, au suffrage universel indirect. Un tiers des sénateurs est désigné par le président de la République ».

La nomination d’un tiers des sénateurs par le président pose un problème à l’opposition qui y voit du « clientélisme » et une « dérive monarchique ». D’autres estiment que le concept de Sénat est dépassé et « anachronique ».

– Élections à date fixe

Comme aux États-Unis, la date des élections est gravée dans le marbre : « Le premier tour du scrutin a lieu le dernier samedi du mois d’octobre de la cinquième année du mandat du président de la République et du vice-président de la République en fonction. » Pour le pouvoir, l’objectif est d’éviter tout flottement ou tentative de l’exécutif de se maintenir au pouvoir.

– Création d’une chambre des rois

Il est institutionnalisé une « chambre nationale des rois et chefs traditionnels », « chargée notamment de la valorisation des us et coutumes, de la promotion des idéaux de paix, de développement et de cohésion sociale, du règlement non juridictionnel des conflits dans les villages et entre les communautés ». Le président Ouattara affirme vouloir crédibiliser les chefs en leur donnant un rôle inscrit dans la Constitution.

Deux camps qui s’affrontent

Dans la capitale économique ivoirienne Abidjan, des affiches appelant à voter « oui » sont visibles sur les grandes artères et le président Alassane Ouattara lui-même est en première ligne sur le terrain pour appeler les populations à aller voter massivement pour le texte dont il est l’initiateur. Selon le pouvoir, la nouvelle Constitution élimine le concept d’« ivoirité » en clarifiant les conditions d’éligibilité du président. Ses détracteurs avaient reproché à Ouattara son « origine burkinabè » et contesté son éligibilité. Le pays n’avait été loin de sombrer dans la guerre civile.

Vendredi, unie sous la bannière du Front du refus, une coalition d’opposition composée en partie des frondeurs du Front populaire ivoirien (fondé par l’ex-président Laurent Gbagbo), et d’autres partis, dont celui de l’ex-président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, s’est rassemblée pour rallier le Plateau, quartier des affaires d’Abidjan. Manifestation ayant rassemblé un millier de personnes vendredi, a appelé au boycott du référendum, dénonçant un projet « rétrograde, démagogique et monarchique ». Elle souligne que le projet a été préparé sans assemblée constituante, relevant que le pouvoir n’a consulté ni l’opposition ni la société civile.

« Avec à peine sept jours pour faire campagne, des ressources insuffisantes, un manque d’accès aux médias contrôlés par l’État et la suspension, à la veille de la campagne, de deux journaux proches de l’opposition, les partis d’opposition ont du mal à défendre leur point de vue auprès de l’opinion publique », a accusé l’ONG de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch.

La participation, principal enjeu du scrutin

Le taux de participation des 6,3 millions d’Ivoiriens appelés à voter dimanche lors du référendum sur une nouvelle Constitution voulue par le président Alassane Ouattara sera le principal enjeu d’un scrutin que l’opposition a appelé à boycotter et dont l’issue ne fait donc guère de doute. « Oui à la modernité », « Oui à la Paix » prônent les affiches placardées dans le pays par le pouvoir pour lequel le projet de Constitution doit permettre de stabiliser le pays. Pour l’opposition, le texte est « rétrograde » et « monarchique ». « Il n’y a pas beaucoup d’engouement », note le chercheur Meite Mamoudou qui, comme de nombreux observateurs, pronostique une « forte abstention ». « Les dernières élections (présidentielle 2015) montrent que la participation est faible. Normalement, un débat sur une Constitution devrait être un grand enjeu, mais en Afrique, les gens sont souvent plus intéressés par des élections avec des hommes politiques », ajoute-t-il, soulignant qu’il y a « un fort taux d’illettrisme, donc les gens ont du mal à connaître le texte ».

PAR JOSÉPHINE JOHNSON

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