Le 14 avril 2014, 276 filles étaient enlevées par les islamistes de Boko Haram dans le nord-est du pays, déclenchant une vague d’indignation planétaire via la campagne #BringBackOurGirls. Aujourd’hui, on ne sait toujours rien du sort de 219 d’entre elles.
Hormis quelques piles de parpaings de béton abandonnés, aucun signe de chantier. «L’école n’a jamais été reconstruite. Tout est là mais rien ne bouge sur le chantier. Rebâtir cette école serait pourtant un signe d’avancée et d’espoir», se désole Hosea Tsambido, qui représente la communauté de Chibok à Abuja, la capitale. Dans ce village du nord-est du Nigeria, l’école est toujours en ruines et les parents désespèrent de voir rentrer leurs enfants. Le 14 avril 2014, 276 lycéennes étaient enlevées par les hommes armés de Boko Haram alors qu’elles préparaient leur examen. Le rapt et la diffusion d’une vidéo d’Abubakar Shekau, le chef du groupe terroriste, menaçant de les traiter comme des «esclaves», avaient soulevé une vague d’indignation mondiale.
Cinquante-sept lycéennes ont réussi à s’échapper durant les jours qui ont suivi l’enlèvement. Deux ans après, on est sans nouvelles des 219 autres. «Ce que l’on croit savoir, c’est qu’elles ont été conduites dans la forêt de Sambisa, où se cache Boko Haram, expliquait au Figaro il y a tout juste un an Bukky Shonibare, l’une des porte-parole de la campagne #BringBackOurGirls, lancée après le rapt. Après cela, certaines d’entre elles ont été mariées, d’autres ont été vendues… Mais encore une fois, aucune information fiable».
Aujourd’hui, la porte-parole ne peut que constater: «Rien n’a changé. Nous ne savons toujours pas où elles sont. Il y a eu, depuis un an, beaucoup d’opérations militaires et des femmes ont été libérées. Mais il n’y a aucune information officielle sur l’endroit où les filles de Chibok se trouvent. Seulement des spéculations.» Selon Mausi Segun, chercheuse pour Human Rights Watch au Nigeria, l’ONG a pu parler à deux personnes clamant avoir vu les filles de Chibok. «Mais nous n’avons aucun moyen de vérifier leurs dires», admet-elle.
À plusieurs reprises, on a cru que le groupe islamiste, qui utilise régulièrement des filles comme kamikazes, s’était servi des lycéennes pour commettre des attentats suicides. Malgré les doutes récurrents, aucune kamikaze n’a toutefois été formellement identifiée comme étant l’une des «Chibok girls».
«Pour Boko Haram, les filles de Chibok sont d’une valeur inestimable»
Comme l’an dernier, les activistes de la campagne #BringBackOurGirls ont prévu une semaine de mobilisation afin d’appeler une nouvelle fois les autorités à tout faire pour libérer les lycéennes. Il y a deux ans, l’adhésion de personnalités comme la première dame américaine Michelle Obamaavait donné à cette campagne une dimension internationale. Elle avait même poussé les États-Unis à la mobilisation; mais les 400 millions de dollars engagés par Washington pour la lutte contre Boko Haram n’ont finalement pas permis de retrouver les filles.
Our prayers are with the missing Nigerian girls and their families. It's time to #BringBackOurGirls. -mo pic.twitter.com/glDKDotJRt
— First Lady- Archived (@FLOTUS44) May 7, 2014
https://twitter.com/FLOTUS/status/464148654354628608/photo/1?ref_src=twsrc%5Etfw
Rapt de masse Damasak
Si le drame de Chibok a eu un certain retentissement médiatique, un autre enlèvement de masse a été passé sous silence par les autorités, affirme Human Rights Watch dans un rapport publié le mois dernier. Selon des témoignages récoltés par l’ONG, environ 400 femmes et enfants ont été enlevés à Damasak, dans le nord-est du pays. Les terroristes ont pénétré dans cette ville le 24 novembre 2014, bloquant les quatre routes d’accès et prenant les habitants au piège. Ils ont occupé une école où étaient regroupés 300 écoliers âgés de 7 à 17 ans et ont fait venir des dizaines de femmes et d’enfants. Beaucoup sont morts dans des conditions atroces pendant ce siège. En mars 2015, des soldats du Tchad et du Niger ont repris la ville: dans leur fuite, les insurgés ont emporté avec eux des centaines d’otages. Pour Mausi Segun, «ce rapt est passé inaperçu car il s’est produit en pleine période électorale». Aujourd’hui, par crainte des représailles, les proches des victimes se terrent dans le silence. Et l’identité de tous les otages n’est même pas encore connue.
À Chibok, depuis deux ans, les habitants vivent dans la peur. «Les enfants ne sont plus scolarisés, les gens ne peuvent pas se déplacer d’un village à un autre, ils savent que les terroristes sont encore là, dans les villages environnants. Ils sont partout, mais on ne les voit pas, explique Hosea Tsambido. Tant que Boko Haram ne sera pas complètement éradiqué, les gens de Chibok ne se sentiront jamais en sécurité.» Le représentant de la communauté de Chibok ne veut toutefois pas perdre espoir. «Boko Haram n’a pas gagné. Bien sûr, nous sommes affaiblis à Chibok, mais nous avons confiance en l’armée. Il nous reste l’espoir. On met tout en œuvre pour essayer de continuer à vivre.»
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