Hôpital de district de Kribi des cadavres enfouis dans le sable pour remplacer la morgue défaillante : Qui doit-on limoger le ministre de la santé ou celui de l’énergie ? Nécessité d’un débat constructif.
« Une trentaine de corps en état de putréfaction à la morgue.
La cause en est une panne depuis une semaine du moteur qui alimente la chambre froide. Les populations sont furieuses contre le Dg de l’hôpital pour son manque de communication.
Vendredi 8 avril aux environs de 15 heures à la morgue de l’hôpital de district de Kribi des personnes venues pour des levées ont chacune une pochette avec laquelle elles se bouchent le nez. C’est pour éviter d’aspirer l’exhalaison putride qui provient de l’intérieur de la morgue. Là-dedans, selon des déclarations des parents des défunts qui y entrent et sortent, « tous les corps sont pourris. Une trentaine de corps allongés dans des caisses pour les uns et au sol pour les autres dégagent des odeurs de pourriture ; sur certains cadavres des asticots font leur festin ». Cette décomposition est du fait de l’arrêt depuis plus de cinq jours du moteur de la machine qui alimente la chambre froide. La dernière glace qui congelait encore les corps a fondu totalement et depuis trois jours environ la putréfaction a commencé. Vendredi, des levées improvisées ont été effectuées par des familles tout furieuses qui brûlaient de lyncher le…..retrouvez la suite de l’article en achetant au kiosque Messapresse le plus proche votre journal Mutations, livraison de ce mardi 12 avril 2016. »
Le texte est un appel de détresse des populations du département de l’Océan, département ayant eu un secrétaire général de la présidence de la république, un secrétaire général des services du premier-ministre, un ministre de la santé et de nombreux directeurs généraux de sociétés publiques et parapubliques. C’est un simple rappel dans un pays où chaque nomination est célébrée d’abord dans son village et une messe ou culte organisée à l’échelle du département. C’est le département d’origine de celui que France Football il y a quelque jour comme l’homme le plus puissant du Cameroun peut-être d’ailleurs au-dessus du président de la République qui lui doit « son pouvoir depuis la tentative du coup d’Etat d’avril 1984 », le général Pierre Semengue. Mais voilà dans une case aux murs défraichis loge un vieil groupe électrogène de 23 ans d’âge dont on ne trouve plus les pièces sur le marché ni national ni international puisque « le modèle n’est plus ni en service ni en fabrication. » Votre site publie déjà depuis un mois les réflexions que nous menons sur le système de santé publique au Cameroun avec les propositions que nous faisons sur les plans socio-épidémiologiques, anthropologiques et politiques. Le traitement des dépouilles laissent à désirer dans notre pays parce qu’il manque des spécialistes des sciences mortuaires
Une Ecole des sciences mortuaires, regard socio-épidémiologique
« Les 256 groupes ethniques qui composent le Cameroun ont autant de pratiques mortuaires et ces pratiques structurent notre espace public. C’est ce qui justifie aujourd’hui le soin avec lequel les hôpitaux entretiennent leur morgue au détriment des autres services qui composent l’hôpital. Les services publics se sont alignés sur ces pratiques sans avoir eu l’intelligence de les interroger. Ainsi, je me souviens que lorsque j’étais enfant, mes parents, les professeurs et autres docteurs Simon-Pierre Tsoungui, René Essomba, Simon Atangana, Jean Amougui quand ils étaient sur la route du village à moins de 55 km de Yaoundé pour les plus éloignés, chacun devait avoir dans sa sacoche du Formol devant servir à traiter les « dépouilles » afin de retarder pour au moins pour 48 h le déroulement des obsèques. »
C’était avant l’apparition des morgues et l’extravagance qui s’en est suivie avec la prolongation de l’organisation des obsèques. Aujourd’hui, aucune règle, aucune loi ne vient fixer le délai, l’intervalle pendant lequel un mort devrait être mis en terre ou incinéré. Avec les morgues, un nouveau métier aurait dû voir le jour, mais à la place nous avons hérité des « morguiers ».
C’est ce que j’ai dit dans un article que j’ai consacré au professeur Tetanyé-Ekoé.
Du décès aux obsèques
Après le décès et les formalités administratives, notamment la déclaration de décès et sa certification par un médecin, l’établissement d’un certificat ou acte de décès par un officier d’Etat-civil (BUNEC), la question de savoir que devient le corps du défunt jusqu’aux obsèques doivent être encadrés et bien définis.
On peut en premier lieu procéder à la toilette mortuaire qui aujourd’hui est faite par les parents du défunt. Le toilettage des défunts est une profession qui doit être encadrée avec des techniques précises et une certaine hygiène. C’est après cette première séquence que devrait intervenir le thanatopracteur pour ralentir la dégradation du corps pendant quelques jours (facultatifs). Jusqu’au jour des obsèques, le corps peut être conservé et veillé dans différents lieux : la chambre funéraire, la chambre mortuaire, l’institut médico-légal ou le domicile. Enfin, on effectuera la mise en bière du défunt avant les funérailles. Tout ceci doit être organisé avec des hommes habiletés à manipuler le corps afin d’éviter tout ce que nous connaissons aujourd’hui au Cameroun notamment, la disparition de certains organes…
Organisation des obsèques
Dans notre pays, la loi devrait pouvoir donner un maximum de 15 jours afin que la famille puisse organiser la mise en terre du défunt, ceci devrait consister en un choix ou non de cercueil en fonction des pratiques religieuses, au transport de la dépouille, à l’acquisition d’une concession dans un cimetière ou dans la propriété familiale, et les prestations du personnel d’une entreprise de pompes funèbres devraient être obligatoires. C’est à l’Etat central puis aux communautés décentralisées d’organiser et de fixer tout ceci.
Ainsi, deux nouveaux corps de métier pourraient être constitués et organisés autour du traitement des dépouilles mortuaires, deux corps de métier qui permettraient de résorber le taux de chômage exagérément haut dans notre pays, preuve que l’Etat et le système gouvernant sont en panne d’initiatives et d’imagination. »
J’ai pris note de nombreuses remarques qui m’ont été faites après la publication de cette note. Il demeure cependant vrai que nous avons pris beaucoup de retard que nous ne pourrons pas rattraper de sitôt. La gestion des hôpitaux est une calamité dans notre pays, aucune mesure ne semble prise par l’autorité politique afin de remédier au désastre. Sur le plan sociologique, l’organisation des obsèques est sortie de son cadre anthropologique et ne jouit d’aucun encadrement juridique. A titre d’exemple. En Suisse la mise en terre et ou la crémation doivent se faire au bout de cinq jours après le décès. Au Canada, c’est au bout de 7 jours ouvrables mais la mise en terre étant suspendue pendant l’hiver, les corps sont confiés à d’autres structures que nous n’avons pas dans les pays chauds. Au Cameroun, rien ne règlemente vraiment l’organisation des obsèques dans notre pays, ni la mise même à la morgue d’un mort. Le Cameroun a pourtant trois religions dominantes les religions traditionnelles, l’Islam et le Christianisme avec des théologies sur la vie et sur la mort définies et fixées. Il serait peut-être temps de nous y référer.
Améliorer la qualité et l’adéquation des soins distribués par rapport aux besoins en orientant le système de santé vers des résultats à atteindre Selon les autorités publiques, il est essentiel que la population reçoive les services dont elle a besoin. Mais pour y parvenir, il est nécessaire de connaître quels sont ses besoins en services, de contrôler la façon dont les services sont délivrés, et enfin, de pouvoir en évaluer l’efficacité. J’ai consulté les travaux de Fred Ebogo qui travaille sur le sujet au CNRS depuis une quinzaine d’années. Tout n’est pas perdu, nous avons une expertise que nous offrons gracieusement à l’Etat du Cameroun. Oui le moment est venu d’évaluer la place et le rôle de différents intervenants dans le domaine de la santé. Trois types d’intervenants sont directement visés par la réforme des services de santé que nous proposons aujourd’hui en admettant que nous devons absolument sortir les praticiens de la gestion des hôpitaux: les professionnels qui œuvrent à l’intérieur du système de santé, les praticiens qui y sont en marge et le public.
Je voudrais conclure en disant que la médecine au Cameroun est vraiment au plus bas, les médecins sont pris « dans un étau ». D’une part, l’État ou les consommateurs sont largués, sont dans le désarroi et, d’autre part, il y a un manque d’uniformité de pratiques de la médecine et même de la conception de la santé ce qui ajoute du désordre au chaos déjà existant. Aussi, reconnaissons-le, les menaces qui pèsent sur l’avenir de la médecine au Cameroun ne sont pas seulement du côté des patients, mais ces menaces ont déjà atteint les professionnels, la bureaucratie et c’est un véritable cancer.
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