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Maroc : le nouveau gouvernement est enfin connu

Fin d’un long suspense. Après 180 jours de blocage, le roi du Maroc Mohammed VI a nommé l’équipe qui assistera Saadeddine El Othmani. Un casting révélateur du rapport des forces au sein d’une coalition hétéroclite.

Six mois après les législatives, le deuxième gouvernement dirigé par les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) a enfin été nommé. Dans la salle du trône du palais royal de Rabat, Mohammed VI a présidé, le 5 avril, la cérémonie d’investiture du cabinet de Saadeddine El Othmani.

Un exécutif finalement composé de 39 membres, dont des inamovibles, des promus, des rétrogradés, mais aussi de nouvelles figures. Le casting est hétéroclite, à l’image d’une majorité rassemblant six partis : un melting-pot d’islamistes, de libéraux et de socialistes, en cohabitation avec des technocrates du Palais.

Un rôle de figurant pour le PJD

« Le PJD sort perdant de ces tractations gouvernementales. » Le constat est repris en chœur par les éditorialistes, qui considèrent que le parti arrivé en tête aux législatives (125 sièges sur 395) a dû se contenter d’un rôle de figurant. Car si d’un point de vue numérique le parti islamiste améliore sa représentativité – 12 membres, dont 4 secrétaires d’État et 2 ministres délégués –, qualitativement, en revanche, il a perdu des secteurs clés.

Mustapha Ramid, par exemple, promu au rang de ministre d’État, quitte la Justice pour le portefeuille des Droits de l’homme. L’Enseignement supérieur ainsi que la Communication échappent également au PJD. Lahcen Daoudi et Mustapha El Khalfi ont atterri, respectivement, aux Affaires générales et aux Relations avec le Parlement. Mais ils sont passés du statut de ministre de plein exercice à celui de ministre délégué.

Le seul nouveau département significatif que le PJD récupère n’est pas un cadeau. Il s’agit du très épineux ministère de l’Emploi, dont hérite Mohamed Yatim, l’un des hommes forts du parti, qui fait ainsi sa première apparition au sein d’un gouvernement. Les ministères de l’Énergie et de l’Équipement restent sous la tutelle des islamistes, avec une permutation entre Abdelkader Amara et Aziz Rabbah.

La PJDiste Bassima El Hakkaoui a été reconduite dans ses fonctions. Crédit : Hassan Ouazzani
Bassima HAKAOUI ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social. © La PJDiste Bassima El Hakkaoui a été reconduite dans ses fonctions. Crédit : Hassan Ouazzani

Bassima El Hakkaoui, qui demeure la seule femme ministre, a vu l’intitulé de son département, qui couvrait déjà la Famille, la Solidarité et le Développement social, se rallonger d’un mot : l’Égalité. Vaste programme !

Recul du Mouvement Populaire

Autre changement d’appellation : le ministère délégué à l’Environnement est devenu le secrétariat d’État au Développement durable. Il a été confié à une figure féminine islamiste : la députée Nezha El Ouafi. Mais la principale nouveauté dans l’architecture du gouvernement réside dans le regroupement de la Culture et de la Communication dans un seul et même département qui sera dirigé par l’universitaire Mohamed Laaraj, un député du Mouvement populaire (MP).

Le parti de Mohand Laenser est d’ailleurs la seule formation de la coalition sortante à avoir totalement renouvelé ses représentants, mais elle ne compte plus qu’un ministre et deux secrétaires d’État, contre sept membres dans le gouvernement sortant.

Le MP et le Parti du progrès et du socialisme (PPS), qui passe de cinq à trois postes, ont fait les frais de l’ouverture de la coalition à l’Union constitutionnelle (UC) et à l’Union socialiste des forces populaires (USFP), auxquelles ont été accordés cinq maroquins, essentiellement de seconde zone, le seul « ministère plein » du lot étant revenu au zaïm de l’UC, Mohamed Sajid. Ce dernier chapeautera un grand département couvrant le Tourisme, le Transport aérien, l’Artisanat et l’Économie sociale.

 Aziz Akhannouch, c’est le deuxième homme, voire un chef de gouvernement bis.

L’ancien maire de Casablanca peut remercier son cousin du Souss, Aziz Akhannouch, qui a pesé de tout son poids lors des tractations. C’est en effet au nouveau président du Rassemblement national des indépendants (RNI) que l’UC et l’USFP doivent leur retour aux affaires, une condition qui avait été, rappelons-le, à l’origine du blocage ayant conduit à la déposition d’Abdelilah Benkirane par le Palais et à son remplacement par un Saadeddine El Othmani plus conciliant.

Le RNI en force 

« Aziz Akhannouch a beau figurer au neuvième rang dans l’ordre protocolaire du nouveau gouvernement, personne n’est dupe : c’est le deuxième homme, voire un chef de gouvernement bis », commente un politologue sous le couvert de l’anonymat. Dans la nouvelle configuration de l’exécutif, Akhannouch a pris soin d’élargir les prérogatives de son ministère.

Son portefeuille couvre désormais le Développement rural et les Eaux et Forêts, outre l’Agriculture et la Pêche maritime, qu’il dirige pour la troisième fois. Et, côté nombre, le président du RNI n’a presque rien lâché : le parti de la colombe repart avec cinq maroquins (soit autant que le PJD) et deux secrétariats d’État.

Le parti d’Akhannouch s’adjuge même deux départements importants : le ministère de la Justice et celui de la Jeunesse et des Sports, confiés respectivement à deux de ses piliers, Mohamed Aujjar et Rachid Talbi Alami. Le RNI avance également ses pions dans le domaine du tourisme à travers un secrétariat d’État (pour épauler l’allié Sajid), confié à une bleue, Lamia Boutaleb, jusque-là gestionnaire de patrimoine dans le privé et qui est la seule nouvelle figure du parti dans l’exécutif.

La diplomatie est d’ailleurs le seul secteur « concédé » par le RNI, de plein gré évidemment.

Le RNI conserve aussi la haute main sur les Finances, l’Industrie, le Commerce, l’Investissement et l’Économie numérique à travers le duo gagnant Mohamed Boussaïd et Moulay Hafid Elalamy. Leur ancienne collègue Mbarka Bouaïda (atout sahraoui du parti) quitte la fonction de ministre déléguée aux Affaires étrangères pour celle de secrétaire d’État à la Pêche maritime.

La diplomatie est d’ailleurs le seul secteur « concédé » par le RNI, de plein gré évidemment. Après l’ouverture d’une courte parenthèse durant laquelle la diplomatie chérifienne a été confiée à des politiques – Saadeddine El Othmani, justement, en 2012, puis Salaheddine Mezouar une année plus tard –, le ministère des Affaires étrangères est retombé dans l’escarcelle des départements de souveraineté. À sa tête, on retrouve un pur produit de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, élevé récemment au rang de nouvel émissaire de confiance de Mohammed VI, qui l’a nommé en 2016 ministre délégué.

Le clan des technocrates s’agrandit

Un autre homme de confiance du sérail, Mohamed Hassad, passe de l’Intérieur à un ministère crucial rassemblant l’Éducation nationale, la Formation professionnelle, l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique. Pour remplacer Hassad (mais aussi son ministre délégué, Charki Draïss) dans ce qu’on appelle « la mère des ministères », le Palais a fait appel à un nouvel attelage composé d’Abdelouafi Laftit, ancien maire de Rabat, qui a maille à partir avec le PJD, et Noureddine Boutayeb, qui était jusque-là secrétaire général de ce département.

À ce duo de l’Intérieur s’ajoutent trois autres nouveaux venus dans le clan des technocrates, deux ministres délégués et un nouveau secrétaire général du gouvernement pour remplacer Driss Dahak, ménagé pour raisons de santé. Deux figures symboles des technocrates du Palais, Abdellatif Loudiyi et Ahmed Toufiq, elles, ont été maintenues respectivement à la Défense nationale et aux Affaires religieuses. Comme pour rappeler que les gouvernements peuvent bien se succéder, la source du pouvoir, elle, demeure inchangée.


Tensions dans le parti de la Lampe

Gandoura délavée, mine défaite… Abdelilah Benkirane n’avait pas le cœur à sourire sur la photo de famille avec les nouveaux ministres du PJD venus lui rendre visite après leur investiture. « Il aurait préféré qu’ils viennent avant leur nomination et lui demandent symboliquement sa bénédiction. Après tout, il est toujours chef du parti », explique un proche du chef de gouvernement déchu.

Divisions

En tout cas, la scène en dit long sur l’ambiance au sein du parti de la lampe. Les différentes concessions faites par Saadeddine El Othmani lors des négociations passent mal au sein de la base, notamment l’aval donné à la nomination d’Abdelouafi Laftit à la tête du ministère de l’Intérieur. L’ancien wali de Rabat, l’homme par lequel a éclaté le scandale des « serviteurs d’État » (liste de hauts commis bénéficiant de foncier public à prix symbolique), est connu pour ses nombreuses passes d’armes avec les élus locaux du PJD.

Certains militants redoutent déjà les manœuvres potentielles de Laftit contre le parti. D’autant que le PJD n’a jamais été aussi divisé. Plusieurs de ses figures ont renoncé à participer au gouvernement, marquant clairement leur désaccord avec les décisions d’El Othmani, à rebours des bases de négociation défendues par Benkirane.

Certains cadors du parti appellent même à l’organisation d’un Conseil national extraordinaire, qui s’annonce houleux pour Saadeddine El Othmani. « C’est une phase transitoire qui ne menace pas l’unité du parti, tente de rassurer un ancien ministre de Benkirane qui vient de rempiler dans le nouveau gouvernement. Il va juste falloir la gérer avec sagesse. »

Par Fahd Iraqi

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