Cet article est publié en correctif de la version en anglais publié le 30 mars 2016 disponible ici
Avertissement
Cette présentation contient des indications chiffrées sur les performances des opérateurs. Bien que nous estimions qu’elles reposent sur des chiffres officiels, elles sont soumises à de nombreuses variations dues à la convertibilité de la monnaie à l’heure de la publication des rapports et l’heure des analyses.
Contexte Globale
L’année 2015 dans plusieurs secteurs économiques a été généralement difficile pour des acteurs séculaires dans plusieurs secteurs de l’activité économique, notamment les télécommunications, l’agro-industrie et les hydrocarbures. Cela s’est exprimé par une variation de GDP de l’ordre de 5,5 (2014) à 5,2(2015), couplée à une variation du taux d’inflation à 0.8%, ce qui a impacté la consommation de façon globale. En outre, l’économie de guerre due aux troubles au Nord du Cameroun a sérieusement impacté les industries de consommation qui, pour certaines, ont perdu près de 40% des parts de marché.
Télécommunication : avant-garde de son évolution au Cameroun
Chez les opérateurs de télécommunications de façon globale, il y’a eu une variation de 4% au moins du chiffre d’affaires cumulés des deux opérateurs entre 2014 et 2015, ce qui confirme une année difficile malgré l’entrée de la Technologie 3G qui a contribué chez MTN à près de 14,2% du revenu total, soit près de 32 milliards. De façon spécifique, l’année des télécommunications au Cameroun a été marquée par plusieurs défis :
- Double lancement des technologies 3 & 4 G et renouvellement des concessions qui ont de fait induit de nouveaux métiers et modèles d’affaires.
- Fortes pressions concurrentielles du troisième opérateur qui amène les autres à réinvestir dans la couverture et la qualité du réseau urbain et rural.
- Gestion de la transition de l’externalisation des métiers techniques engagée par les opérateurs pour mieux se concentrer sur leur cœur de métier.
MTN reste le leader du marché
MTN est resté le Leader dans la part de marché tout en connaissant une baisse de 6,5 % sur son chiffre d’affaires, puis d’une baisse de 5% sur le nombre d’abonnés. Par ailleurs, MTN enregistre également une baisse de 12 points sur la part de marché selon l’échelle de Media Intelligence sur 2014 – 2015. Aussi, malgré la baisse d’EBITA (revenu avant intérêts, imports datations aux amortissements) de 42,8 à 36,2%, MTN Cameroun reste extrêmement important dans le dispositif africain du Group. En outre, cela s’explique aussi par le contexte d’investissements sur l’extension qualitative et quantitative sur le réseau, ainsi que le développement de nouvelles technologies.
Orange accroît sa base d’abonnés
Orange a renoué avec la croissance (base clientèle). Cela s’est matérialisé sur la « base d’abonnés » qui a connu une croissance de 14% gagnant ainsi 3 Pts de part de marché selon l’échelle Media Intelligence. Son chiffre d’affaires de 2015 a connu une quasi stabilisation (- 0,4% soit près de – 655 960 000 CFA). Par contre, les 3 et 4 trimestres ont sérieusement impacté la croissance sur une perte sèche au 4Q15 (- 6, 55% en abonnées et – 2, 78 % ARPU), ce qui était presque similaire chez MTN correspondant aussi au lancement des technologies 4G huit mois après le lancement de la 3G.
Nexttel, meilleure Couverture Réseau et meilleure Qualité 3G
Nexttel, quant à lui, n’a pas affiché d’indices permettant d’affirmer une tendance contraire à l’ensemble des opérateurs. Celui-ci a affiché un résultat non confirmé de 3 000 000 d’abonnés au 4Q15, ce qui était attendu selon les prévisions internes au 2Q15. Il est tout de même important de signaler la meilleure couverture et qualité 3G de cet opérateur au Cameroun.
Notons que 96% des abonnés de Nexttel ont plus de deux cartes SIM. Avec 1/6 abonnés ayant trois cartes SIM (une pour MTN, une pour ORANGE, et la dernière pour NEXTTEL) ? Cela rend le marché très installable surtout sur le prepaid.
Enseignements
Data: Point litigieux chez MTN
Chez MTN, l’on aurait noté une croissance de 66% dans les Data (mobil money, internet mobil etc.), qui est partie de 8,2% (soit 19,60 milliards) de contribution au revenu total en 2014 pour 14,2% (soit 32 milliards), malgré la couverture limitée en 3G. Par contre une baisse sur la voix sortant de l’ordre de 12 ,5% qui selon MTN, est due à la qualité du réseau. Pourtant, la performance de 2014 était basée sur la voix et Data appuyés par des offres segmentées, ciblant les jeunes et High-Values-Consumers. Cela illustre bien les effets du changement des modèles économiques. Remarquons que, malgré les baisses considérables des nombres d’abonnés (5%), ARPU (1 ,25%) et 12 % sur les appels sortants, la baisse du chiffre d’affaires est restée dans les proportions raisonnables soit 6,25% par rapport à 2014. Nous pensons que cette conversion du modèle d’affaires et des métiers qui est le développement de la Data a toujours une incidence sur la voix, partant du fait que les fournisseurs (OTT) qui font référence à WhatsApp, Viber et Facebook, donnent la possibilité au client d’appeler directement par ces services. Cela impacte sérieusement sur la voix dans les pays africains. De plus, l’opérateur avait pour modèle de croissance, l’augmentation de la base clientèle pour espérer avoir plus d’appels par son réseau ou dans son réseau.
Orange, Leader dans la data
Chez Orange, près de 10% des clients ont des terminaux Data compatibles en 2015. En outre, Orange était leader en 2015 au Cameroun sur le marché de la data avec 55% des parts de marché. Sa stratégie était de coloniser les zones Anglophones (Sud-Ouest et au Nord-Ouest) avec des offres d’appels gratuites pour de nouveaux clients. Cette stratégie a eu beaucoup d’impact sur l’ARPU qui pour une première fois, a atteint une baisse de 4,5% soit 2300 XFA/mois due au coup d’acquisitions. Seulement, on note les changements sur les modèles d’affaires qui n’exigent plus seulement le développement quantitatif des abonnés mais surtout aussi le développement des services liés aux nouveaux services créés par la Data.
Et Pourquoi Absolument la 4G !
Orange annonce dans son rapport annuel près de 700 000 abonnés utilisant les terminaux data compatibles (3G et 4G) soit 10% de sa base clientèle et une évolution de 5 Pts par rapport à l’an passé. L’on pourrait estimer à 30% le ratio des 4G compatibles dans ces 10%. Cette situation, qui est légèrement à la baisse chez MTN, traduit un peu la réalité de ce segment au Cameroun. Seulement, ce segment représentant à lui seul une minorité en nombre, capable de produire pratiquement 50% du chiffre d’affaires.
Donc, il est plus facile d’appliquer un traitement différencié et d’apprendre à connaître ces clients de plus près. L’objectif est de maximiser la satisfaction et d’éliminer le taux de désabonnement (ceux-ci constituent la majeure partie des profits et l’on ne peut se permettre de les perdre ou de les faire prendre!). Si nous nous référons au cas de MTN Cameroon, qui malgré la couverture limitée de la 3G, a réussi à avoir une contribution de près de 32 milliards provenant des datas sur son revenu global en 2015 dans un contexte où il n’était pas leader, cela peut permettre de comprendre les motivations réelles pour MTN de passer absolument à la 4G juste quelques mois après le lancement de la 3G :
- D’abord, cela lui permettrait d’attaquer le leader de la Data (Orange) sur son segment favori, les clients High-Income-Revenu, question de déstabiliser son leadership sur le segment data. Faut préciser que cet avantage permet à Orange de jouer sur le segment à bas revenu et intermédiaire avec des offres et plans tarifaires (offres permanentes sur les segments du prepaid et recrutements promotionnels) assez concurrentiels dans les zones anglophones avec une croissance de près de 14% de base clientèle sur 2015 (le modèle de croissance utilisé par MTN durant les années 2010-2014)
- Propulser la croissance qui semble désormais basé sur les Data comme éléments indispensables à tous offres commerciales et surtout se positionner, confirmer son leadership et fidéliser sur le marché des télécoms au Cameroun.
Dès lors, la réaction d’Orange ne pouvait pas se faire attendre car se sentant menacé dans sa zone de confort et d’acquis stratégique.
Les menaces dans les télécoms
Le marché des télécommunications au Cameroun dans les deux années à venir, comporte plusieurs variables indéterminées. Nous pouvons déjà identifier trois grosses menaces qui pèsent sur les leaders du marché des télécommunications en 2016.
- L’effectivité de la portabilité des numéros, inscrit comme objectif du dernier conseil d’administration de l’ART, dont la gestion de la base de données sera attribuée à Huawei
- La deuxième menace est celle de deux nouveaux opérateurs 4G et LTE annoncés pour 2016 sur le marché camerounais. S’il est vrai que l’entrée de Nexttel a déstructuré le marché, amenant les opérateurs à une réorganisation structurelle de leurs modèles économiques sur le marché camerounais (augmentation du capital social chez Orange, sous-traitance des intrants techniques -Nexttel, Orange et MTN-, de la gestion des serveurs d’abonnées chez MTN l’extension et renforcement de la couverture et qualité réseau urbaine et rurale etc.), cela pourrait aussi dire que le marché reste extrêmement risqué. Ceci se justifie dans la mesure où la menace du Churn est grandissante, MTN passe de 10 363 000 au 2Q2015 à 9 178 000 au 4Q15, soit une perte sèche de près de 12% des abonnés sur 6 mois. Contre 7 576 000 au 3Q15 à 7080 000 abonnés au 4Q15 soit une perte de près de 7% chez Orange en 3 mois. Bien évidemment, cela peut aussi s’expliquer par la pression d’identification des abonnées du régulateur.
- Le chemin de l’outsourcing engagé brutalement par les opérateurs pour se concentrer sur leurs corebusiness (Marketing et Distribution), pour rechercher l’efficacité et si possible réduire les coûts opérationnels risque, si mal maîtrisée, apporter plus de problèmes de la transition. Cependant, nous sommes en présence de plusieurs variables incertaines dans le marché actuel qui nécessitent une prudence extrême.
Cette situation nous permet aussi de réexaminer une menace commune entre les deux opérateurs : la fidélisation. Aujourd’hui le seul élément de fidélisation reste le numéro de téléphone caractéristique des marchés oligopoles. Pour les opérateurs, la fidélisation a consisté à proposer des facilités et réductions dans certains magasins sans véritablement créer une relation de long terme avec leurs clients du High-Value Consumer.
Quelques pistes de développement
Pour nous, le succès résidera :
D’abord à la capacité pour l’operateur de comprendre déjà le changement de son nouveau modèle d’affaire basé désormais sur le Data comme élément central à toute nouvelle stratégie, cela ne veut pas dire vendre des volumes ou de la vitesse aux clients mais créer de la valeur par des contenus dans l’usage et surtout adaptés aux besoins réelles des clients.
On ne peut concevoir une stratégie de fidélisation clientèle sans parler de la satisfaction clientèle, même avec les outils marketing extensifs. L’expérience consommateur est basée sur des variables opérationnelles telles que l’Expérience consommateur (la qualité de service, le support commercial, le point de vente, l’assistance en ligne, le prix, et le service/produit), ce qui induit la satisfaction puis la fidélisation. Cela peut également passer par une relation émotionnelle entre la marque et le client. Depuis les années, tapis dans les marchés oligopoles les opérateurs n’ont pas fait beaucoup d’efforts dans ce sens.
Aujourd’hui, il sera question « d’investir plus et gagner peu », dans une stratégie claire
Sources: Rapports annuels opérateurs, TELECOMS COMPETITION IN AFRICA & THE MIDDLE EAST: Learnings from business analytics
Média Intelligence, Mars 2016.
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