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lundi, avril 29, 2024
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Kenya : l’élection présidentielle confrontée à la propagande des « fake news »

Un torrent de publicités parfois extrêmement négatives a commencé à se déverser sur internet à quelques semaines de l’élection présidentielle du 8 août au Kenya, suscitant l’inquiétude dans un pays où politique et appartenance ethnique sont étroitement liées.

La semaine dernière a été diffusée une vidéo de 90 secondes, à l’atmosphère lugubre, imaginant l’avenir apocalyptique qui attend le Kenya en cas de victoire de Raila Odinga, le candidat de l’opposition.

Suite à son élection, une violente et inepte dictature dirige le pays, dont l’économie est en ruine. Les heurts entre tribus sont continuels, les islamistes shebab somaliens font régner la terreur.

« Ne laissez pas ceci arriver au Kenya. Stoppez Raila, sauvez le Kenya. L’avenir du Kenya est entre vos mains », plaide cette vidéo.

Le Kenya élit le 8 août son président, ses députés et ses gouverneurs, dix ans après les violences électorales de 2007-2008, qui avaient fait quelque 1.100 victimes et plusieurs centaines de milliers de déplacés.

Raila Odinga
Raila Odinga

Cette vidéo a été diffusée par un obscur groupe pro-gouvernemental « The Real Raila ». Mais il est bien difficile de savoir qui exactement se cache derrière.

Selon certains internautes kényans, elle serait l’oeuvre de Cambridge Analytica (CA), une société britannique créditée d’avoir influencé les dernières campagnes électorales aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, avec ses analyses de données et ses modèles mathématiques.

En mai, la presse locale avait rapporté que Jubilee, le parti du président Uhuru Kenyatta, avait engagé CA. Un porte-parole de la compagnie, Nick Fievet, a refusé de commenter sur son possible travail au Kenya, mais affirmé qu’elle n’avait « aucun lien » avec la vidéo.

Profils psychologiques

Avec 7,1 millions d’utilisateurs de Facebook et 30 millions de Kényans connectés à internet, énormément de gens sont susceptibles de laisser filtrer des informations sur leurs peurs ou leurs préférences, qui sont ensuite utilisées pour influencer leur vote.

« Ici, ça peut mener à la guerre », souligne l’activiste anti-corruption kényan John Githongo. « La mauvaise vidéo, la mauvaise information et ça peut devenir hors de contrôle ».

Pour M. Githongo, le gouvernement comme l’opposition mobilisent ces nouvelles techniques. Mais le pouvoir se montre plus habile à ce jeu. « Jubilee a été très en avance dès le tout début », assure-t-il.

Uhuru Kenyatta (à droite), son colistier William Ruto
Uhuru Kenyatta (à droite), son colistier William Ruto

CA avait déjà travaillé sur la campagne 2013 de M. Kenyatta, conçue par la société britannique de relations publiques BTP Advisers, pour le dépeindre, avec son co-listier William Ruto, comme les victimes d’un complot occidental visant à les juger devant la Cour pénale internationale (CPI) pour leur rôle présumé dans les violences de 2007-2008.

« Nous avons fait en sorte que le choix lors de cette élection se fasse entre savoir si les Kényans allaient décider de leur propre avenir, ou s’il serait dicté par quelqu’un d’autre », a reconnu dans un communiqué BTP, qui travaillerait à nouveau avec les deux hommes cette année.

Selon son site internet, CA avait « conçu et mis en oeuvre le plus grand projet de recherche politique jamais conduit en Afrique de l’Est », avant l’élection de 2013.

Maintenant, la crainte est que ces données soient utilisées pour créer des profils psychologiques d’électeurs, afin que des messages spécifiques soient préparés à leur attention.

Fausses informations

Frederike Kaltheuner, une experte de l’ONG Privacy International, s’inquiète de « l’absence de tout cadre de protection des données » au Kenya.

« Il y a des inquiétudes concernant l’intégrité des données au Kenya », estime-t-elle. « Qui y aurait accès? Qui les stocke? Est-ce que les gens savent ce qui est collecté à leur sujet? On ne répond à aucune de ces questions. »

D’autres se demandent ce qui se passe lorsqu’on cherche à segmenter la société à des fins électorales, quand les hommes politiques ont déjà l’habitude de s’adresser en priorité aux électeurs issus de leur propre groupe ethnique.

Dans un pays comme le Kenya, il est facile d' »encourager différentes discussions sur l’élection dans différentes sous-communautés », juge Paul-Olivier Dehaye, un mathématicien suisse qui a étudié les méthodes de CA.

« Nous l’avons vu avec le Brexit et avec l’élection aux États-Unis, et on peut faire la même chose au Kenya, ou partout ailleurs où il y a déjà une forte fragmentation », explique-t-il.

Les « fake news » (fausses nouvelles), un terme qui domine le débat aux États-Unis, se font déjà sentir dans l’élection kényane.

Jeffrey Smith, le directeur exécutif de Vanguard Africa, une organisation américaine cherchant à promouvoir des élections libres et transparentes, est harcelé depuis qu’il a invité Raila Odinga aux États-Unis en mars pour y rencontrer des parlementaires.

« Au moins une fois par semaine, je me réveille et j’ai des centaines de notifications sur Twitter venant de comptes qui sont clairement des +bots+ (robots) ou des +trolls+ (internautes cherchant à initier des controverses) twittant de manière coordonnée, postant et repostant les mêmes informations absolument fausses », raconte-t-il.

Avec AFP

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