Sergio Canavero de l’Université de Harbin (Chine) explique la procédure GEMINI, mise au point pour une future greffe de tête. Il annonce les prochaines étapes de cette opération qui pose de cruciales questions éthiques.
Sciences et Avenir : Vous venez d’annoncer – sans avoir encore fait paraître de publications officielles – avoir réussi une greffe de tête de singe sur le corps d’un autre singe, est-ce une première ?
Sergio Canavero : Cela a déjà été réalisé par le neurochirurgien américain Robert White en 1970, mais nous en avons perfectionné la technique. White avait pratiqué une hypothermie pour préserver le cerveau. Le professeur XiaoPing Ren de l’Université Medicale de Harbin avec qui je collabore, a couplé cette technique avec une circulation sanguine croisée via des canules : cela a permis au cerveau de rester en permanence alimenté en oxygène.
Cela suffit-il pour décréter que la greffe est réussie ?
Il faut ensuite rétablir la fonction de la moelle épinière, sinon l’intervention n’a pas d’intérêt car l’objectif est de rétablir la mobilité du corps (et la moelle épinière, prolongation du cerveau, distribue tous les nerfs au corps, ndlr). Il faut donc mettre en œuvre une procédure, baptisée GEMINI, que nous avons mise au point : la fusion des moelles épinières du donneur et du receveur. C’est la clé de voûte de l’intervention. Pour l’heure, nous ne l’avons pas pratiquée chez le singe, mais uniquement chez la souris.
Comment comptez-vous réaliser cette fusion des moelles épinières ?
Durant la procédure, les chirurgiens coupent la moelle épinière – mise préalablement en hypothermie – avec un scalpel affuté. Ce qui diffère totalement d’une lésion accidentelle où la moelle épinière (le plus souvent écrasée, ndlr) subit des dommages qui entravent la régénération nerveuse. Les fibres nerveuses du donneur et du receveur sont ensuite raboutées puis on y ajoute des fusogènes, des molécules PEG Poly-ethylene glycol [PEG], qui ont la propriété de faire fusionner ensemble les axones des neurones lésés. Avec le professeur Ren, nous avons montré que cette technique GEMINI fonctionne sur les souris qui ont retrouvé une locomotion ! Notre groupe a aussi bénéficié des travaux de Karen Minassian et Ursula Hofstoetter de l’Université Medicale de Vienne, en Autriche, qui ont démontré la capacité de la stimulation électrique de la moelle épinière à soutenir la reprise de la circulation nerveuse.
Allez-vous tester votre méthode sur l’humain ?
Oui. En 2016, nous allons tester la procédure GEMINI sur des humains, donneurs d’organes, décédés, en Chine. Puis nous allons tenter la procédure entière sur un patient, probablement en Russie et d’ici à la fin de 2017. Nous avons déjà un volontaire, un jeune Russe Valery Spriridonov.
Ne craignez-vous pas que cette intervention soit interdite pour des questions éthiques ?
Pour que le jeune patient russe puisse recevoir un nouveau corps, nous aurons besoin d’un engagement de la part des autorités russes. Mais les premières discussions avec des chirurgiens russes sont déjà en cours.
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