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ENTRETIEN – ALAIN GIRESSE«Demba Ba a craché sur tout le monde»

De retour à la tête du Mali qu’il a conduit à une historique troisième place lors de la CAN 2012, Alain Giresse, ancien sélectionneur du Sénégal, est revenu sans concession sur cette fin de mission, émaillée par des critiques très sévères à son égard. Pour Francefootball.fr, le technicien français, en regroupement à Paris avec sa sélection, apporte également son éclairage sur le dilemme vécu par les joueurs binationaux. Entretien.

«Avez-vous digéré les critiques que vous avez subies après votre élimination avec le Sénégal au premier tour de la CAN 2015 ?

Je ne peux pas dire que j’ai tout digéré, mais tout le monde n’a pas été irrespectueux. Il y a juste quelques personnes. Ceux-là, je ne les oublie pas. Ils ne méritent que le mépris. L’aventure me laisse un goût d’inachevé pour beaucoup de raisons. Au Sénégal, le contexte était difficile.

Est-ce plus une déception humaine que sportive ?

Non, surtout sportive. Humainement, qu’est-ce je pouvais attendre de certaines personnes ? Rien… Ma vie existait sans eux, et elle continuera d’exister. Mais il y a des gens que j’ai envie de revoir au Sénégal. C’est un pays que je n’oublierai pas.

Votre passage à la tête des Lions a été marqué par votre antagonisme avec Demba Ba. Que s’est-il réellement passé ?

Qui a créé cet antagonisme ? Ce n’est pas moi, c’est tout un environnement.

Il s’est exprimé à votre sujet avec véhémence…

Oui, et qu’est-ce qu’il a dit ? Que j’étais une marionnette. En somme, que la décision de ne pas l’appeler ne venait pas de moi. Je peux prendre ça de manière ironique. Cela voudrait dire que si j’avais pu, je l’aurais pris. Ce n’est pas sérieux. Il a craché sur tout le monde, le président, la fédération…

Pourquoi ne l’avez-vous pas retenu pour la CAN en Guinée Equatoriale ?

Pourquoi Didier Deschamps ne prend-il pas Samir Nasri ? Pourquoi dans d’autres pays certains joueurs ne sont pas pris ? Il y a des éléments qui font que le sélectionneur fait ses choix dans une logique de groupe. Et aussi, en raison de complémentarités techniques entre les joueurs que vous avez dans votre effectif. Vous savez très bien qu’un coach ne peut pas toujours se justifier car il y a des choses qui font partie de la vie interne, et qu’on ne dit pas.

Vous êtes parti du Mali en 2012 pour y revenir aujourd’hui. Pourriez-vous de nouveau entraîner le Sénégal ?

(Rires…) Pourquoi pas. Mon regret c’est de ne pas avoir fini mon travail, qui était en train de se mettre en place. On avait bien avancé, et j’y suis quand même pour quelque chose.

Lors du dernier match de poule en Guinée Equatoriale, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné contre l’Algérie (0-2) ?

Attendez, je vous rappelle que si l’on bat l’Afrique du Sud au deuxième match, on est quand même éliminés dans cette poule. Avec six points, on ne passait pas non plus au goal-average. C’est un truc de fou.

Pourtant votre 3-5-2 a été très décrié, notamment par l’ancien attaquant des Lions, Mamadou Niang. Quelle est votre réponse à ces critiques ?

Quand vous perdez, le 3-5-2 est décrié, mais je vous rappelle que la Côte d’Ivoire est devenue championne d’Afrique avec ce système de jeu. Je trouve qu’il y a eu des fautes de placement comme sur le premier but que marque Riyad Mahrez. La vérité c’est qu’il y a eu des fissures dans le groupe, ce qui n’était absolument pas le cas lors des éliminatoires.

C’est-à-dire ?

Des joueurs ont eu du mal à accepter leur statut de remplaçant…

A qui pensez-vous ?

Ceux qui n’ont pas joué, et qui l’ont mal vécu. D’une façon générale, il n’y a pas eu de solidarité entre les joueurs.

Avec le Mali, votre contrat prend effet le premier avril mais vous êtes déjà sur le banc. Cela ressemble à un poisson d’avril non ?

Non, c’est du bon sens, et un gain de temps. C’est bien pour les nouveaux qui me découvrent. Et puis, cela évite le temps de tâtonnement et d’observation.

Quel est le projet sportif avec le Mali ?

C’est de repenser l’équipe. Il y a des choses à mettre en place. Les ingrédients sont là, mais il y a du travail. Il faut installer les jeunes joueurs qui arrivent.

Les binationaux ? « Ce n’est pas moi qui ai inventé ce règlement. Il existe, et je fais avec.»

La France a traversé l’affaire Fekir, et le dilemme du choix de la nationalité sportive. D’un point de vue moral, est-ce difficile pour un ancien international français d’aller convaincre un binational de jouer pour un autre pays ?

Je suis moi-même un binational. Ma mère est espagnole.

Si l’Espagne vous avait sollicité dans les années 80, qu’auriez-vous fait ?

À cette époque là, cela ne se faisait pas, cela aurait été impensable. Maintenant, la société a évolué, et c’est une autre histoire. Le monde bouge. Est-ce bien ou mal ? C’est un autre débat. On m’a souvent dit « Tu es français, en le prenant tu l’empêches de jouer avec les Bleus ». Oui, je suis français, mais je suis aussi un professionnel sénégalais, gabonais ou malien.

Cela ne vous empêche pas de dormir, quoi…

Le cas de conscience, on va le retourner dans l’autre sens. Cela ne vous gêne pas que le Français que je suis travaille à l’étranger ? Ici, je suis dans mon rôle. Ce n’est pas moi qui ai inventé ce règlement. Il existe, et je fais avec. C’est vrai que ce sont des situations complexes, mais cela fait partie de mes prérogatives.

Quel discours comptez-vous tenir pour convaincre Almamy Touré (Monaco) ou N’Golo Kanté (Caen) de vous rejoindre avec les Aigles ?

Je vais leur proposer un challenge à relever. Et leur proposer tout simplement de débuter une carrière internationale, et cela compte dans la vie d’un footballeur. Ce n’est pas à négliger car la vie d’un sportif doit être remplie de compétitions et d’émotions.

La carotte serait une CAN ou un Mondial à jouer…

Oui, vous ne faites pas une Coupe du monde avec votre équipe de quartier. Ce sont des perspectives qu’il faut se donner en tant que footballeur. Un compétiteur doit se donner tous les moyens pour y arriver.

Comment gérez-vous la situation par rapport à ceux qui jouent la montre ?

Là, je suis avec des joueurs qui n’avaient pas voulu venir lors de mon premier passage (2010-2012). Je les retrouve alors qu’ils avaient fait le choix d’attendre. Je respecte leur réflexion.

En général, la France est le choix numéro 1 et lorsqu’ils se rendent compte que c’est compliqué, ils finissent par rejoindre la sélection du pays d’origine. Est-ce toujours le même schéma ?

Pour certains, oui. Mais d’autres savent qu’ils n’ont pas cette perspective et nous rejoignent très vite. Ce sont des questions que j’appréhende de façon normale. Je fais les démarches auprès des joueurs pour qu’ils viennent porter un maillot avec lequel ils ont des origines, qu’on le veuille ou non.

Avez-vous pris en compte la situation sécuritaire que connaît le Nord du Mali avant de vous engager avec les Aigles ?

Oui, bien sûr. D’une façon plus générale, regardez l’évolution de notre monde. Il y a eu récemment des événements malheureux en Tunisie ou en France. Au Mali, il y a le problème du Nord, mais comme à Paris ou Tunis, il peut aussi se passer des choses à Bamako.»

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