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Déchéance de nationalité: ce que dit Christiane Taubira dans son livre

L’ex-garde des Sceaux défend dans son livre les raisons qui motivent sa forte opposition à la déchéance de nationalité. Elle aborde également ses rapports avec François Hollande et Manuel Valls.

« Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l’exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise ». Ce n’est pas du Christiane Taubira mais du Victor Hugo (Les Misérables). C’est pourtant ainsi que s’ouvre son ouvrage Murmures à la jeunesse (Philippe Rey). Imprimé dans le plus grand secret en Espagne et écrit sous X pour éviter les fuites des libraires, la citation inaugurale résonne de manière forcément particulière aujourd’hui.

« Etre fidèle à soi-même », « tenir bon, tenir tête » ou encore « affronter la puissance injuste ». Autant de formules qui font écho à la démission même de Christiane Taubira. A ces tweets sibyllins d’explications ou encore à sa conférence de presse juste avant son départ de la place Vendôme en vélo.

Le livre est daté du 18 janvier 2016. Des épreuves auraient justement été remises au président de la République le 23 janvier dernier. Et d’évidence, Christiane Taubira ne pouvait rester au gouvernement avec une telle charge envers la déchéance de nationalité, défendue par le gouvernement d’ici quelques jours à l’Assemblée. La sortie du livre est prévue pour le 2 février, mais certains libraires ont déjà été livrés…

Le timing de la sortie de ce livre a été parfaitement orchestré. Pour peser au maximum dans le débat. Mais au-delà de la science de la communication maîtrisée, ce livre intéresse le lecteur par sa forte densité. Une centaine de pages. Et au moins autant de références égrenées au fil de la plume. Voici dans le détail ce que pense Christiane Taubira de la déchéance de nationalité, du terrorisme, de François Hollande, de Manuel Valls, de la droite…

« Ils ne meurent ni Français, ni binationaux mais en morceaux »

Christiane Taubira se questionne avant tout sur l’effet de la déchéance de nationalité. « Ils ne meurent, ni Français, ni binationaux mais en morceaux ». Selon l’ex-garde des Sceaux, la mesure créerait une inégalité manifeste entre les Français et les binationaux pour la commission d’actes similaires. Elle pointe également le risque d’apatridie et met en exergue la « différence entre égalitarisme et égalité. Là, où l’égalité élève en élargissant à tous des droits et des libertés réservé à certains, l’égalitarisme nivelle, par le bas et par le pire ».

Christiane Taubira passe donc en revue les inconvénients évidents de la mesure. « Inefficacité immédiate donc, par des effets nuls en matière de dissuasion. Inefficacité différée aussi car au terme de l’exécution de la peine, si la nationalité alternative est celle d’un pays où se pratiquent des traitements inhumains et dégradants, où la peine de mort est en vigueur, le droit européen s’opposera à l’extradition, comme ce fut le cas ici en 2009 ».

« Un pays doit être capable de se débrouiller avec ses nationaux »

L’ex-ministre de la Justice continue de dénoncer les inconvénients de la déchéance de nationalité. Elle ajoute qu’un « pays doit être capable de se débrouiller avec ses nationaux. Que serait le monde si chaque pays expulsait ses nationaux de naissance considérés comme indésirables? Faudrait-il imaginer une terre-déchetterie où ils seraient regroupés? ».

Christiane Taubira convient alors que la mesure tient bien du symbole. Et là Taubira, cite avec une certaine ironie… « Huysmans (pas fréquentable pour ses préjugés misogynes) définit le symbole comme la «  représentation allégorique d’un principe sous une forme sensible » ».

Et quelques pages plus loin, elle décrypte ce qu’est cette « forme sensible » selon elle: « une conscience de cible chez les personnes concernées, bien que non visées. Une insécurité alarmante pour leurs enfants. […] Un sentiment d’ébranlement de l’essentiel ».

« Une mentalité de forbans, des méthodes de brigands, les moyens d’un Etat »

L’ex-ministre de la Justice revient aussi en détail sur la menace terroriste. « C’est à nous de dire ce que le monde du temps présent recèle de plus périlleux. Et à coup sûr le terrorisme, propulsée depuis une aire géoculturelle durablement instable, constitue le péril le plus errant, au devenir incertain ». Christiane Taubira ne nie pas le danger et se questionne sur l’Etat islamique. « Une mentalité de forbans, des méthodes de brigands et les moyens d’un Etat ».

Dès le début du livre, elle s’oppose aux déclarations du Premier ministre Manuel Valls, pour qui « comprendre, c’est excuser ». « Ne renonçons pas cependant à disséquer la mécanique de cet embrigadement sectaire ni à déceler les insatisfactions qui le servent ». Christiane Taubira rejette l’idée d’un portrait robot du djihadiste: pauvre, venant de banlieue et se radicalisant en prison.

« Dérisoire, saugrenu, excessif »

Christiane Taubira ne lâche aucun coup contre François Hollande dans Murmures de la jeunesse. Elle loue même son action en période de crise post-attentats. Manuel Valls est lui relativement épargné. Reste la droite et l’extrême droite. Marine Le Pen y est qualifié, sans jamais être citée, de « cheffe d’un juteux négoce familial ».

Quant à la droite, elle fait son apparition dans la postface du livre, intitulée « Que s’est-il passé? » où l’ex garde des Sceaux analyse la réaction de l’exécutif aux 2 séries d’attentats en 2015, « l’incroyable, l’indicible, l’innommable ».

Christiane Taubira aborde donc le compromis nécessaire afin de procéder à la révision constitutionnelle suite au discours de François Hollande à Versailles le lundi 16 novembre.  » Une révision constitutionnelle appelle une majorité des trois cinquièmes des voix parlementaires, députés et sénateurs. Elle entraîne à franchir la ligne partisane entre la majorité et l’opposition. L’enjeu et la science du moment peuvent y suffire. Souvent, presque toujours, il faut un compromis. Un pas vers l’autre. Une concession à l’autre. Un effort pour l’autre. Une écoute à l’autre. Une disponibilité à l’autre. L’autre, supposé à la hauteur. Mais si l’autre n’est que dérisoire, saugrenu, excessif? Monter, grimper…mais se hisser? Oh ! combien c’est difficile! Le Président se hisse. La Droite… ? ».

Comme une invitation à l’unité nationale afin de délaisser les querelles partisanes. Le livre de Christiane Taubira se termine avec ces mots.  Le livre, sûrement écrit pendant ses insomnies nocturnes, colle à l’image de ces nombreux discours: le verbe haut, le phrasé percutant et les références nombreuses.

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