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Décès du Dr Hélène Ngo Kana: quelles sanctions après les graves conclusions de l’enquête de l’Ordre des médecins

Tandis que les enquêteurs de l’ordre des médecins relèvent « des défaillances à tous les niveaux du système de prise en charge médicale », ceux de l’administration gouvernementale tentent de minimiser la responsabilité des structures publiques. Faut-il être pessimiste pour les leçons à tirer? Evidemment non. Les citoyens en général doivent rester vigilants afin de pousser à des nécessaires pour le système médico-sanitaire national qui produit de tels drames répétés.

Si l’on en croit les déclarations entendues hier lors de la cérémonie de restitution du rapport de l’enquête technico-professionnelle ordonnée par le Conseil de l’ordre et menée au pas de charge par la Commission nationale présidée par le Président de la société camerounaise de gynécologie obstétrique, Pr Robert Leke « tous les moyens prévus pour prendre en charge un patient n’ont pas été utilisés ni mobilisés comme il se doit ». Aussi bien dans la clinique qui accueilli la jeune médecin de 30 ans que dans les deux hôpitaux de référence où elle a été conduite à la suite des complications. Selon la Commission Leke qui, en plus du travail de base fait par leurs confrères du niveau régionale, a entendu du 31 décembre au 4 février 2016, 11 médecins et rassemblé 12 documents, Hélène Ngo Kana, qui est passée de vie à trépas dans la semaine du 4 au 10 janvier 2016, et sa famille ont vécu un véritable supplice dans le système médical.

« Défaillance à tous niveaux » ! Hôpitaux, clinique et personnel médical responsables!

D’abord de la clinique du Gros Chêne. Elle a procédé dès l’entrée (1) « à une administration irréfléchie de médicaments » sans examen/bilan préalable donc « un diagnostic inapproprié »; (2) puis un transport inadapté vers l’hôpital général alors qu’elle respirait déjà très mal depuis plusieurs jours. Bref dans cette clinique (3) « on n’a jamais pris au sérieux la pathologie de cette patiente ». Résultat de cette méprise, qui dans le domaine s’appelle de « l’incompétence professionnelle  » et erreur médicale », (4) on l’a transférée assez tardivement vers l’un des grands ou hôpitaux spécialisés de Douala (HLD ou HGD OU HGOPD). D’ailleurs, apprendra-t-on, « sur insistance de son mari ». Ce dernier apparemment plus sensible que le personnel soignant, ne cessait de s’inquiéter sur la dégradation perceptible de l’état de santé de sa femme depuis le 4ème jour, au lendemain de la fausse couche (avortement)!
Le choix du transfert à l’HGD malgré apparemment la préférence de la patiente pour l’HLD, aura été plus malheureux encore. La défunte, qui avait fait son stage académique dans l’un (HGD) et travaillé dans l’autre (HLD), avait sans doute de bonnes raisons.
A l’HGD. Finalement choisi par le médecin traitant et référant, cette option s’avérera catastrophique. A en croire les conclusions de la Commission Leke, (1) « une orientation très mal adaptée de la patiente ». Explications desdits spécialistes: au lieu d’être orienté aux urgences telles que le nécessitait son état, l’épouse Nlate Mfomo a été envoyée à la maternité par le service d’accueil de cet hôpital universitaire, pourtant de référence. (2) « Pas d’interrogatoire clinique sérieux » du fait du mauvais accueil. Explications: la priorité étant mis sur l’aspect des obligations administratives et financières, le personnel à l’accueil semble davantage s’y tenir que de prioriser l’aspect médical. (3) « Absence du gynécologue de garde », qui se serait fait suppléer par un autre médecin. Explication: selon les procédures internes de l’HGD, le spécialiste de garde serait seul qualifié pour activer « l’urgence vitale ». Analyse de la commission lors des échanges avec la presse: ce « dysfonctionnement » interne n’aurait pas permis d’échapper aux querelles tragiques liées à l’exigence d’une caution préalable, après le constat à cette première entrée à 20h30 de la suspension par la direction de l’HGD des prises en charge de l’Assureur-vie Ascoma auquel était affilié l’époux. AGA appris que l’assurance de l’époux Nlate Mfomo, qui servait pour la couverture lors des soins et l’hospitalisation en clinique, assure une couverture allant jusqu’à 6 millions de Fcfa. (4) « Agressivité du personnel médical », qui selon la Commission Leke, « a passé son temps à quereller le mari sur la caution au lieu de s’occuper de la patiente ». (5) « Manque d’empathie et de délicatesse de la part du personnel » d’un hôpital pourtant universitaire. Analysant en dernière hypothèse, les spécialistes réunis au sein de la Commission Leke soutiennent que ce sont ces attitudes qui ont obligé la famille (le mari) à opter pour un départ vers l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Douala (HGOPD). « En désespoir de cause », nous confiera le mari désormais veuf, présent lors de cette restitution.

A l’HGOPD: la tuile. La Commission constate qu’ici aussi, il y a eu « d’énormes problèmes ». Bien qu’accueilli par ses collègues, qui ont fait un diagnostic compétent, la patiente s’est retrouvée à nouveau face à d’autres types de dysfonctionnements. Outre (1) « l’absence de service de réanimation » nécessaire pour son état, (2) « l’indisponibilité de l’anesthésiste » ainsi que « l’impossibilité de retrouver le conducteur de l’ambulance médicalisée » pourtant bien en place ont rajouté au désastre systémique. La décision de retourner à l’HGD, dans les conditions de débrouille précédentes, apparaissait dès lors comme un pis-aller. Le retour à l’HGD vers 1h30, suivi de l’activation des moyens médicaux (Dechocage, Urgence Vitale, Réanimation, etc, bref, enfin une prise en charge effective qui étaient pourtant disponibles et possibles à la première entrée vers 20h30), a, comme constaté par l’issue tragique vers 4h du matin, été tardif pour pouvoir sauver cette patiente emblématique de tous les travers d’un système médical qui n’ a pas fini de vampiriser les Camerounais.

Procédures administratives et financières tatillonnes et rigides dans les hôpitaux publics, reléguant les obligations médicales dont le personnel médical, au second plan!

Certes, le président de l’ordre des médecins Dr Guy Sandjon, qui invite les patients victimes de telles négligences voire atrocités de la part des médecins à saisir systématiquement l’ordre comme l’a fait la famille Ngo Kana, afin de leur permettre de prendre les mesures nécessaires, a promis de tirer au plus vite et plus près, en ce qui concerne son institution, les conséquences de ce rapport. C’est-à-dire uniquement les sanctions professionnelles comme le leur autorise la loi. Mais, les journalistes présents à la séance de restitution, ont questionné la volonté voire la détermination des pouvoirs publics (gouvernement) à tirer de leur côté toutes les conséquences légales, administratives et même politiques que cette histoire Ngo Kana révèle violemment. Les sanctions, qui doivent intervenir à l’issue de la convocation et des auditions , à charge et décharge, des médecins identifiés devant l’instance disciplinaire de l’Ordre des médecins, agissant comme première instance, vont de l’avertissement, du blâme, de la suspension à la radiation définitive de l’Ordre. Bien entendu les concernés ont la possibilité de faire appel devant la Cour d’appel de céans.
Prenant la parole au nom du ministère de la santé invité, le Pr Robinson Mbu, Directeur dans ce département ministériel a tenté, sur la base des éléments rassemblés par une commission administrative dont il est membre, de soutenir la thèse selon laquelle « cette patiente qui avait assuré sa garde normalement à l’HGOPD dans la nuit du 2 au 3 janvier 2014 », a été conduite presque mourante à l’HGD et à l’HGOP dans la nuit fatale de samedi 9 au dimanche 10 janvier. Histoire sans doute d’écarter la responsabilité d’un système médical dont les pouvoirs publics, le Minsanté en tête, semble avoir le plus grand mal à remettre sur les rails des principes éthiques et professionnels et humanistes? Voire. Seul espoir: le fait qu’il ait évoqué « un problème systémique » peut être une indication de la claire conscience au niveau gouvernemental du drame de la prise en charge des patients non recommandés dans les hôpitaux publics dits de référence, avec notamment cette histoire d’exigence systématique du dépôt préalable d’une caution avant tout soin mais aussi de comportement du personnel médical.

Comment améliorer ce système ? Pour la réforme de l’accès aux soins, par l’institution de la CMU

Ne faut-il donc pas, comme l’a plaidé le Secrétaire général de l’ordre national des médecins, par ailleurs Directeur de la Fondation Ad-Lucem qui gère un réseau d’une quarantaine d’hôpitaux au Cameroun, aller au plus vite à une couverture médicale universelle (CMU)? Selon les spécialistes, son institution au Cameroun permettrait, tout en assurant un égal accès à tous aux soins essentiels de santé, d’éviter des situations comme celle vécue par le famille Ngo Kana et Nlate Mfomo – dont j’ai été ému aux larmes de voir la belle-mère et son beau-fils venus vers moi et se saluer pour la première fois depuis les obsèques – , et aux quelles sont confrontées au quotidien toutes les familles camerounaises. Espérons que les recommandations de la Commission Leke, attendues et dont le président de l’ordre a dit le ministère avoir promis d’en tenir compte, indiqueront des mesures de réformes conséquentes aux quelles ne peuvent qu’adhérer tous les camerounais de bonne foi.

Alex Gustave Azebaze
Tél:+237-677-528-757
E-mail: agazebaze@gmail.com

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