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Dans le nord du Cameroun, Boko Haram entretient le chaos qui lui convient

Fragilisé en apparence, Boko Haram maintient la pression sur le Cameroun et combat sur plusieurs fronts. Dans la soirée du mercredi 29 juin, un kamikaze s’est fait exploser peu après la rupture du jeûne du ramadan, à Djakana, un quartier de la ville de Limani, à la frontière du Nigeria. Repéré par des habitants, le jeune homme d’une vingtaine d’années a pourtant réussi à actionner sa ceinture explosive. Il était 21 h 55. Quand les « comités de vigilance » – informateurs et groupes d’autodéfense encouragés par les autorités – sont arrivés, ils ont trouvé douze morts, dont le kamikaze, et trois blessés.

Cette région déshéritée de l’extrême-nord du pays, frappée par près de 200 attentats depuis la mi-2015 selon un décompte d’Amnesty International, n’a eu que quelques semaines de répit. La dernière attaque kamikaze remonte au 10 mai, à Homaka, à une vingtaine de kilomètres plus au nord, le long de la frontière avec le Nigeria. Les deux femmes porteuses de bombes n’ont tué qu’elles-mêmes mais ont entretenu le climat de terreur. En un an, près de 500 personnes ont trouvé la mort dans des attentats perpétrés par les djihadistes ralliés à l’organisation Etat islamique(EI).

Entre-temps, Boko Haram a mené, début juin, une attaque de grande envergure à Bosso, au sud-ouest du Niger et a fait du lac Tchad, dont les rives se partagent entre le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad, sa zone de repli et de ravitaillement. Selon des sources militaires, les actions au Cameroun du groupe d’Abubakar Shekau, apparu affaibli dans une dernière vidéo, reposeraient sur des « commandants de zone » locaux, qui posent leurs mines à leur guise, mènent leurs raids meurtriers et leurs razzias de subsistance sur des marchés, des boutiques et des cheptels.

Chaque jour ou presque, des villages sont incendiés, pillés, des éleveurs et des pêcheurs assassinés. De quoi renforcer la crise humanitaire. Plus de 65 000 réfugiés nigérians s’entassent dans le camp de Minawao, à 70 kilomètres de Maroua, la capitale régionale, et 190 000 déplacés internes errent dans les villes et villages, selon l’ONU.

« Leur barbarie est pensée »

« En cette fin de ramadan, ils pourraient commettre d’autres attentats, redoute un responsable militaire camerounais basé à Maroua. Nous avions détruit la plupart de leurs unités de fabrication d’explosifs du côté nigérian de la frontière, mais, vu leur résilience, il n’est pas impossible qu’une cellule se soit reconstituée. »

Dans cette zone frontalière, les djihadistes sont traqués par les forces d’élite du bataillon d’intervention rapide (BIR), par les autres unités de l’armée camerounaise dotées de drones et par la Force multinationale mixte composée de soldats du Cameroun, du Nigeria, du Niger, du Tchad et du Bénin.

Depuis mars 2016, l’opération Tentacule est à l’œuvre pour « quadriller toute la frontière par les armées du Cameroun et du Nigeria appuyées par la Force multinationale mixte », selon le général de brigade Jacob Kodji. Et les routes camerounaises prisées par les combattants islamistes et leurs affidés contrebandiers pour acheminer armes et munitions depuis le Soudan via le Tchad sont désormais surveillées de près par les militaires. L’objectif est d’asphyxier les activités du groupe sur cet axe capital pour les échanges commerciaux avec le Tchad.

Cependant, les djihadistes sont habiles. Mobiles, ils feignent de se replier, se fondent parmi une population pauvre et délaissée au sein de laquelle ils comptent de nombreux partisans, adeptes ou simples complices, puis repassent à l’attaque. Boko Haram a démontré sa capacité à muer dans l’adversité. « Leurs opérations peuvent donner l’impression qu’ils sont affaiblis, mais leur barbarie est pensée et leurs attaques sont bien structurées, souligne Raoul Sumo, chercheur au centre d’études stratégiques de Yaoundé. Ces derniers mois, ils entretiennent le chaos sur plusieurs fronts, pour pouvoir se régénérer. »

Plus au nord, depuis une semaine, l’armée mène une opération d’ampleur dans la partie camerounaise du lac Tchad et du côté nigérian. Le groupe y contrôle des villages nécessaires à son approvisionnement en vivres et en armements. « Le lac Tchad peut permettre la survie et le développement du groupe djihadiste. C’est peut-être là que se déroulera le dernier acte de cette guerre », indique un haut gradé camerounais. Là, aussi, que se tiendront sans doute les opérations les plus complexes, tant ce lac, parsemé de nombreuses îles, constitue un défi stratégique. Malgré leur détermination à « casser le sanctuaire de Boko Haram », les militaires admettent disposer de « très peu de renseignements fiables » sur l’évolution des djihadistes dans cet espace lacustre toujours mystérieux.

  • Joan Tilouine

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