Depuis près de deux mois, les deux principaux opérateurs mobiles du Cameroun affichent et continuent d’afficher des annonces dans les rues revendiquant chacun le titre de premier opérateur 4G au Cameroun. Si dans les déclarations des uns et des autres on peut désormais y voir un peu plus clair, il n’en demeure pas moins vrai que jusqu’à ce moment aucun de ces deux opérateurs mobiles ne propose réellement les services 4G.
La directrice d’Orange Cameroun a clairement indiqué récemment comme l’a rapporté TIC Mag que « les fréquences pour émettre la 4G n’ont été attribuées pour le moment à aucun opérateur ». Affirmation récemment confirmée par le régulateur télécoms, l’ART. MTN Cameroon pour sa part continue à travers ses déclarations publiques de revendiquer la possession de cette 4G, notamment grâce aux prouesses techniques de ses ingénieurs en dépit de l’absence de ces fréquences. Comme l’a indiqué toujours sur TIC Mag Georges Mpoudi Ngolle, ex Chief Information officer de MTN Cameroon, et actuel GM de MTN Business. « Nous ne sommes pas en train de parler d’une théorie de lancement. Il y a un opérateur qui fait du bruit, qui fait de la publicité mensongère pour être clair. Ils n’ont pas encore reçu de fréquences. Ils ont un problème de spectre de fréquences. Pendant ce temps, il y a un autre opérateur qui a lancé la 4G, mais le message qui est dit c’est que la bataille se joue simplement sur le terrain de la communication. Ce n’est pas vrai ! », affirmait-il.
A présent donc au Cameroun, seul MTN Cameroon maintient qu’elle offre les services 4G. Son principal argument, qu’importe la technologie utilisée, l’utilisateur final a des débits descendants correspondants aux débits de la 4G. Dans la réalité, ceux qui ont testé la 4G de MTN affirment qu’ils parviennent à lire des vidéos et voir des films sur Internet sans interruptions, même si cela peut varier selon que l’on soit au centre des quatre villes connectées 4G ou dans les quartiers. Car, il arrive qu’en fonction du quartier, cette 4G n’apparaisse plus sur le smartphone laissant place à la 3G. Concernant les débits descendants sur les smartphones, les mobinautes qui l’ont testé avec l’application Speedtest affirment qu’il leur arrive d’avoir, en fonction de l’heure de la journée et du quartier, des débits descendants allant jusqu’à 60 Mbps et des débits montants atteignant près de 23 Mbps.
Si l’on met de côté le volet des fréquences normales de la 4G qu’ils n’ont pas encore été atribuées, et qui en soi met déjà en doute leur 4G, pour nous intéresser aux débits qu’ils proposent, l’on pourrait valablement se poser la question de savoir si avec 60 Mbps l’on est vraiment dans la 4G telle que définie par les experts. Cela nécessite de comprendre ce qu’est la 4G.
Ce qu’est la 4G
Les experts s’accordent à dire que la 4G désigne la quatrième génération du réseau de téléphonie mobile qui a comme spécificité l’introduction du très haut débit via le protocole Internet (IP) pour le transport des communications vocales et des SMS sous forme de paquets de données. Surtout, les débits de la 4G sont définis. Car, la 4G est régie par des normes internationales édictées par l’Union internationale des télécommunications (UIT). Et c’est depuis l’année 2008 que les experts du département de radiocommunication de l’UIT se sont réunis pour définir de commun accord ce qui constituait les caractéristiques de la 4G encore appelée IMT-Advanced ou International Mobile Telecommunications-Advanced. Chaque opérateur mobile qui offre cette technologie se doit donc de satisfaire à plusieurs exigences. Parmi ces exigences, la fourniture sur le smartphone d’un débit de 100 Mbit/s en mobilité rapide et d’un débit d’un Gbit/s en stationnaire. Quand on dit 100 Mbps (Mégabits par seconde) en mobilité rapide cela veut dire que si vous êtes dans un véhicule qui roule à 60 km/h, vous devez être en mesure d’avoir exactement ce débit descendant sur votre smartphone. Ce qui vous permet de télécharger en quelques minutes des gigas de vidéos. Et quand on parle d’un gigabit par seconde en stationnaire, c’est 1 000 Mbps, soit une connexion est ultra rapide. Pour leur part, les débits montants avec la 4G doivent être en moyenne de 500 Mbps.
Aussi, il faut noter qu’avec la 4G, le réseau doit être totalement IP avec commutation de paquets. C’est aussi ce qu’avait préconisé l’Union internationale des télécommunications (UIT) dans sa définition de l’IMT-Advanced en 2008. L’UIT avait indiqué que les systèmes IMT-Advanced sont « des systèmes qui donnent accès à un large éventail de services de télécommunications, y compris les services mobiles avancés, soutenus par des réseaux fixes et mobiles, qui sont de plus en plus basés sur des paquets ». Les groupes d’études de la branche Radiocommunication de l’UIT avaient également défini les principales caractéristiques de la 4G qui sont : « la compatibilité des services de l’IMT et avec les réseaux fixes ; la capacité de l’interfonctionnement avec d’autres systèmes d’accès radio ; les services mobiles de haute qualité ; un équipement approprié pour les utilisateurs pour une utilisation dans le monde entier ; des applications conviviales, des services et des équipements; une capacité de roaming dans le monde entier ; l’amélioration des débits de pointe pour soutenir les services et applications avancés (100 Mbps en mobilité rapide [train, voiture, ndlr] et 1 Gbps en faible mobilité [Au bureau, à domicile ou dans un lieu public, bref en stationnaire, ndlr] ont été mis en place en tant que cibles pour la recherche). » « Ces fonctionnalités permettent aux systèmes IMT-Advanced de répondre à l’évolution des besoins des utilisateurs. Les capacités des systèmes IMT-Advanced sont constamment améliorées en droite ligne avec les tendances des utilisateurs et les développements technologiques », ajoute l’UIT.
La « LTE-Advanced »
Il faut aussi noter qu’en décembre 2010, l’UIT avait décidé que la « LTE-Advanced » et le «WirelessMAN-Advanced » devaient avoir la désignation officielle de l’«IMT-Advanced ». La LTE étant entendue comme Long Term Evolution. « Comme les technologies les plus avancées actuellement définis pour les communications mobiles mondiales sans fil de haut débit, l’IMT-Advanced est considérée comme « 4G », même s’il est reconnu que ce terme peut également être appliquée à des précurseurs de ces technologies, LTE et WiMax et à d’autres technologies 3G évoluées offrant un niveau substantiel d’amélioration de la performance et les capacités en ce qui concerne les systèmes de troisième génération initiales actuellement déployés ».
Aussi important de le mentionner, il existe des technologies similaires à la 4G ou de l’IMT-Advanced. Certains experts citent la LTE, le WiMAX, la LTE Advanced et le Gigabit WiMAX. Ils doivent par contre offrir les débits cités plus haut.
De ce qui précède, il apparaît que la 4G proposée par MTN ne remplit pas toutes ces conditions, notamment en terme de débits. Ce qui ne veut pas dire que nous contestons le fait que des utilisateurs affirment qu’ils voient aisément des vidéos en streaming grâce à l’offre de MTN. Sous d’autres cieux, les opérateurs qui ont les débits similaires revendiquent également la possession de la 4G. Les normes de l’UIT sont des débits théoriques, se défendent-ils indiquant qu’ils ne sont pas obligés de parvenir à ces débits indiqués par l’UIT. Mais, l’UIT ne dit nullement dans le texte présentant la norme que ce sont les débits théoriques. « Les principales caractéristiques des IMT-Advanced sont les suivants : (…) La capacité d’interfonctionnement avec d’autres systèmes d’accès radio ; une amélioration des débits de données de pointe pour soutenir les services et applications avancés (les débits de 100 Mbps lors d’une grande mobilité et d’un Gbps lors d’une faible mobilité ont été établis en tant que cibles pour la recherche). Ces caractéristiques permettent à l’IMT- Advanced de répondre à l’évolution des besoins des utilisateurs. Les capacités des systèmes IMT-Advanced sont constamment améliorées en conformité avec les tendances des utilisateurs et les développements technologiques », écrivent les experts de l’UIT. Ainsi donc, les débits réels de la 4G devraient au fil du temps être revus à la hausse et non à la baisse.
En définitive, Orange et MTN au Cameroun ne possèdent pas encore les débits de la 4G tels que définis par l’UIT. Les promotions en cours en ce moment au Cameroun ne correspondent donc pas à la réalité telle que définie par ceux qui, en premier, ont normalisé la 4G. Comme me confiait encore il y a quelques années Emmanuel Chimi, spécialiste des réseaux, aujourd’hui dans le monde, le concept de la 4G a été tout simplement dénaturé par des annonces empreintes de farces. Acte !
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