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Afrique centrale : le redressement de Commercial Bank a-t-il une fin ?

Plusieurs années après la reprise des trois banques d’Yves Michel Fotso par les États camerounais, tchadien et centrafricain, les valses-hésitations se poursuivent.

Début août, Urbain Noël Ebang Mvé a fait faux bond aux représentants de la compagnie d’assurances Allianz Cameroun. Le mandataire de l’État camerounais – actionnaire de référence de Commercial Bank Cameroun (CBC) avec 98 % des parts – devait retrouver ce jour-là les co-actionnaires de la banque, détenteurs de 2 % des parts, pour en désigner les futurs administrateurs.

Quelques semaines plus tard, le secrétaire général du ministère des Finances n’a toujours pas donné d’explication sur cette absence, qui a fait capoter l’assemblée générale de la banque fondée par le magnat Victor Fotso, et dont l’un des fils, Yves Michel – aujourd’hui emprisonné -, était devenu l’actionnaire majoritaire. Problème : sans administrateurs, pas de nouveau directeur général ni d’adjoint. Pas de possibilité non plus de lever une administration provisoire qui dure depuis six ans et a fait l’objet de six prorogations. Sans procès-verbal d’assemblée générale, la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) ne peut rien faire.

La situation qui prévaut à CBC, autrefois l’une des principales banques du pays, porte le nom d’une maladie camerounaise : l’inertie. « Depuis l’année dernière, on attend que le gouvernement daigne bouger. Et comme il faut remonter jusqu’au président pour que les choses s’enclenchent, cela prend du temps », peste une source proche du dossier. Alors que plus rien ne fait techniquement obstacle à la sortie de l’administration provisoire, le Palais d’Etoudi n’aurait pas encore trouvé les perles rares qui siégeront en son nom au tour de table de CBC.

Une convalescence encourageante

Pourtant, la banque va un peu mieux. En mars 2015, les actionnaires ont approuvé les comptes de 2014. En prenant à deux reprises la tête du consortium bancaire ayant prêté 72 milliards de F CFA (près de 110 millions d’euros) à la Sodecoton ces deux dernières années, la CBC a repris des couleurs et sa situation financière se redresse progressivement. Entre 2010 et 2013, son total de bilan a timidement progressé, de 183 milliards à pratiquement 190 milliards de F CFA. Ses pertes se sont réduites, passant de 14 milliards à 501 millions de F CFA sur la même période – et elle a même réalisé un bénéfice de 312 millions de F CFA en 2012.

Une convalescence encourageante, produit du plan de restructuration mené sous la houlette de l’administrateur provisoire Martin Luther Njanga Njoh. Pour faire face à un passif net négatif (besoin en fonds propres) de plus de 70 milliards de F CFA, l’État a abandonné des créances fiscales et apporté une garantie aux opérations de restructuration. Il a injecté 11,7 milliards de F CFA – Allianz en apportant 230 millions – pour reconstituer le capital.

Fin 2013, le processus s’est certes heurté à l’opposition des actionnaires historiques (Capital Financial Holdings Luxembourg, Fotso Group Holdings et Dawney Holding) conduits par Yves Michel Fotso, mais leur éviction a laissé les mains libres à l’administrateur provisoire, qui s’est livré à une véritable purge interne. Il a contraint des cadres ayant soutenu la gouvernance antérieure à démissionner ou à prendre leur retraite, tout en redéployant le personnel. L’ensemble du processus de restructuration s’est achevé au premier trimestre de 2014.

Qui pour remplacer l’État dans le capital ?

Reste un élément central : le désengagement de l’État du capital. « La banque ayant acquis de la valeur, le gouvernement camerounais songera certainement à dégager une plus-value importante », commente notre source.

En 2010 déjà, le groupe NSIA et Qatar Islamic Bank avaient manifesté leur intérêt. La liste devrait s’allonger lorsque l’appel d’offres sera lancé, même si une partie non négligeable de la communauté financière africaine y croit de moins en moins. C’est en effet sur cette étape cruciale que bute le Tchad, qui a pris le contrôle il y a quelques années (62 % des parts) de Commercial Bank Tchad (CBT), autre filiale du groupe d’Yves Michel Fotso, en en reprenant les engagements douteux à hauteur de plus de 11 milliards de F CFA et en injectant 5 milliards de F CFA pour recapitaliser la banque.

Lancée en 2012, une première tentative de privatisation de la CBT n’a pas abouti. Elle avait pourtant été largement redressée, aidée il est vrai par des marchés octroyés par l’État. CBT, profitable, est passée de la sixième à la première place ex aequo avec Ecobank Tchad, alors que le réseau est pratiquement resté le même. Dans un paysage où évoluent huit établissements, elle totalise 24 % des ressources et 20 % des emplois du secteur. Et ses fonds propres ont quintuplé.

Les candidats à la reprise n’ont pas manqué : des marocains BMCE et Attijariwafa Bank à la Qatar National Bank, en passant par l’ivoirien NSIA, le groupe né au Cameroun Afriland First Group, le togolais Oragroup, le gabonais BGFI et le burkinabè Coris. « La proposition du groupe ayant fait la meilleure offre était en deçà du prix minimum arrêté par le cabinet Deloitte après évaluation des actions de la banque. Le gouvernement a déclaré infructueux l’appel d’offres international ouvert », indique Bertrand Tognia, secrétaire général de CBT, sans donner plus de précisions sur l’identité du groupe, et encore moins sur la proposition. Des essais pour enchérir ont été entrepris par les postulants, notamment Attijariwafa Bank, mais sans succès.

Entre-temps, PwC a été chargé de procéder à une nouvelle évaluation de la valeur de l’établissement et de proposer un prix plancher. Trois autres groupes bancaires, africain et asiatiques, se sont joints aux prétendants, mais ils ont peu de chances de concourir. N’Djamena a décidé cette fois de lancer un appel d’offres restreint pour ne pas allonger indéfiniment le temps consacré aux due diligences…

À Bangui, où se trouve la troisième Commercial Bank, la situation est tout à fait comparable. Commercial Bank Centrafrique (CBCA) n’est plus sous administration provisoire depuis l’an dernier, après que l’État et le groupe Kamach, l’un des actionnaires historiques, ont porté leurs parts respectives à 57,37 % et 26,23 %. Bangui a investi 7,2 milliards de F CFA et, de la même manière qu’à N’Djamena, a racheté les créances du groupe Fotso, en prenant ses parts en garantie.

Comme au Tchad (mais contrairement au Cameroun), Yves Michel Fotso est donc resté au tour de table, via son holding Capital Financial Holdings Luxembourg (CFH), mais en position minoritaire. D’une situation nette négative de 10 milliards, CBCA est repassée dans le vert et dégage déjà des bénéfices. Seul souci : l’État a lancé une vente aux enchères ouverte pour céder ses parts, mais les repreneurs ne se bousculent pas. Il est vrai que la situation politique du pays n’incite pas à tenter l’aventure pour le moment. Et que tous les investisseurs potentiels n’ont d’yeux que pour un marché : le Cameroun.

 


 

Les 13 milliards de la discorde

Le conflit perdure entre Yves Michel Fotso et la Guinée équatoriale, qui refuse d’accorder son agrément à la branche équato-guinéenne de Commercial Bank. Dernier épisode en date, la saisie le 10 juillet 2015 d’un Boeing 777-200 de Ceiba Intercontinental, la compagnie nationale de la Guinée équatoriale, à l’aéroport de Bâle-Mulhouse, dans l’est de la France.

On croyait pourtant l’entente scellée en 2012, depuis un accord entre les deux parties prévoyant le paiement de 30 millions d’euros, en lieu et place de près de 70 millions d’euros, montant arrêté par la sentence arbitrale de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) en 2009. Mais les péripéties entourant le versement d’une partie de la somme ont relancé le litige.

En parallèle, l’administrateur provisoire de Commercial Bank Cameroun entend bien récupérer au nom de la banque les 13 milliards de F CFA sortis de ses caisses pour financer le tour de table de la Commercial Bank de Guinée équatoriale (CBGE). Sans succès jusqu’à présent.

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