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Zimbabwe : dans les rues d’Harare, le peuple fête la fin d’une ère

Explosion. La capitale zimbabwéenne a vécu sa plus grosse manifestation depuis l’indépendance pour fêter, en avance, le départ de Mugabe.

Ils sont debout dans les camions, assis sur le rebord des fenêtres des voitures, tassés à l’arrière des pick-up. Ils klaxonnent, soufflent dans des vuvuzelas, agitent des drapeaux. Aujourd’hui, le Zimbabwe a parlé. Enivré, pas seulement par la bière locale, mais aussi par sa liberté nouvelle, enhardi en se voyant uni. «  Oui à la liberté  !  » clament les panneaux faits maison. Pour la première fois, ils ne manifestent pas contre l’inflation ou l’absence d’emplois. Ils marchent contre Robert Mugabe, 93 ans, le plus vieux président du monde, au pouvoir depuis 37 ans.

«  La peur a disparu  », affirme un manifestant

Les affiches, brandies à bout de bras, en témoignent : il y a les respectueux : «  Mugabe doit se reposer maintenant  !  » Les plus élaborés : «  SACD [Southern African Development Community ; en français CDAA, Communauté de développement d’Afrique australe, NDLR] et Union africaine, ne vous mêlez pas de nos affaires, c’est ce que nous voulons, nous, le Zimbabwe  ! Mugabe dehors  !  » Les agressifs : «  Livrez-nous Mugabe, qu’on en termine avec lui !  » Et les macabres, qui se promènent avec un mini-cercueil en carton sur lequel ils ont écrit : «  Repose en paix  ».

La foule se dirigeant vers le palais présidentiel est bloquée par les militaires pour éviter les débordements. © Claire Meynial

Tous, à pied, en voiture qu’ils prennent parfois d’assaut sans demander l’avis du conducteur, ou en bus, se rendent à Highfield, à une dizaine de kilomètres du centre. Au passage, les soldats positionnés en ville les saluent. Le fait que d’autres campent devant la station de Radio Zimbabwe, ZBC, rappelle que, même si elle s’en défend, l’armée a mené ce qui ressemble bel et bien à un coup d’État. Mis sous résidence surveillée depuis la nuit du 13 au 14 novembre, Mugabe a à peine été autorisé à assister, vendredi, à une cérémonie de diplômes à l’université, quelques heures. Peu importe, c’est tout un peuple en liesse qui se dirige vers Zimbabwe Grounds. L’endroit n’est pas neutre. Highfield a vu grandir les figures nationalistes de la Rhodésie du Sud, dont Robert Mugabe. Et les terrains de sport, Zimbabwe Grounds, où la foule s’amasse, ont accueilli le meeting de la campagne présidentielle de 1980 et le discours fondateur de Comrade Bob.

À l’entrée, des bières à la main, quatre gars dansent à côté de leur voiture, musique à fond. Ils travaillent comme ouvriers sur des chantiers, sans contrat. On estime que 90 % de la population est au chômage. Nkosana Runyowa, solide gaillard de 37 ans : «  Nous voulons qu’il parte. Trop, c’est trop. Le vieux doit faire ses bagages. On n’a pas d’éducation, pas de boulot, il n’y a plus d’entreprises.  » Son copain Jenna Wabantu, 38 ans : «  S’il ne veut pas partir, qu’il vienne nous le dire en face. On n’en veut plus. Et on ne veut pas non plus que l’Union africaine intervienne. Qu’on le fasse président de la SADC, mais plus du Zimbabwe. Nous voulons un président à qui nous puissions confier notre avenir. Nous voulons Mnangagwa. Grace is a disgrace. Si Sally était en vie, tout ça ne serait pas arrivé. Quand Mugabe avait 41 ans, Grace avait une semaine, c’est quoi cette relation  ?  »

Ces jeunes veulent le départ de Robert Mugabe. © Claire Meynial

La faute à Grace Mugabe

Pour Jenna comme pour beaucoup, c’est Grace Mugabe, l’ancienne secrétaire, connue pour ses frénésies d’achats, qui a entamé une liaison avec le président alors que Sally Hayfron, sa femme, mourait d’un cancer en 1992, qui est responsable de sa dérive : «  A disgrace, une honte ». Dans le parti du pouvoir, la Zanu-PF, elle a pris assez d’importance pour avoir sa faction, la Generation 40. La rivale, celle d’Emmerson Mnangagwa, 75 ans, est la faction Lacoste, en référence à son chef surnommé «  le crocodile.  » Lorsqu’il est devenu évident que Mnangagwa serait un candidat trop sérieux à la présidentielle de 2018, Grace l’a fait évincer de son poste de vice-président. Pour l’armée, c’en était trop. Destituer un vétéran, pour laisser le champ libre à Grace, a été la faute qui a précipité les événements. Le 14 dans la nuit, le général Constantino Chiwenga, chef d’état-major, annonçait que Mugabe et sa famille étaient «  en sécurité  » et qu’ils visaient «  les criminels  » autour de lui. Depuis, Mugabe refuse de partir. Mais tous, aujourd’hui, fêtent déjà son départ. «  Tout le monde est heureux, la peur a disparu. On a prié pour que ce jour arrive, Dieu a entendu nos prières  !  » s’extasie Jenna Wabantu. Et si Mugabe s’entête  ? «  Nous lancerons une procédure d’impeachment, on va faire ça démocratiquement et on aura une élection pacifique.  » Il retourne danser. La musique  ? C’est Jah Prayzah, qui clame qu’une «  nouvelle ère arrive  ». Cette chanson, dont les partisans de Mnangagwa se sont réclamés, lui a valu des menaces de la G40. On dit que c’est la raison pour laquelle il a été attaqué par des partisans de Grace lors d’un enterrement fin septembre.

Par notre envoyée spéciale à Harare, Claire Meynial

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