Malaise dans la twittosphère. Le plus célèbre – et bavard – salon de conversation du monde va libérer la parole de ses membres. Le PDG de Twitter, Jack Dorsey, a confirmé que son entreprise envisageait desupprimer la sacro-sainte limite de 140 caractères des messages diffusés par les internautes. Levée de boucliers des aficionados, qui assimilent cette décision à une reddition et voient déjà le réseau se remplir de romans entiers et mourir à petit feu sous le poids de son obésité. En perdant sa spécificité, le plus célèbre réseau social du monde après Facebook abandonnerait aussi son âme. « L’art naît de contraintes, vit de luttes et meurt de liberté », rappelait déjà André Gide.
Il y a du vrai là-dedans et l’affaire ne doit pas être prise à la légère. L’impact des informations est d’autant plus grand qu’elles sont brèves. On peut le constater à chaque grande catastrophe, qui consacre Twittercomme le plus réactif des grands médias de masse, des attentats de Paris aux récentes inondations en Grande-Bretagne. L’outil est simple, accessible à tous et redoutablement efficace.
Besoin légitime
Pourtant, la réflexion des dirigeants de la firme part d’une démarche saine et de deux constats. La croissance de Twitter est en panne et les pratiques de ses utilisateurs changent. Voilà quelque temps que les tweetos contournent allègrement ces fameuses contraintes spatiales. Jack Dorsey et ses collègues ont constaté qu’ils le faisaient de plus en plus, soit en postant des photos de textes entiers, soit en envoyant une « tempête de tweets », autrement dit une foultitude de mini-messages liés les uns aux autres et constituant un long texte. Des romans ont même été écrits de la sorte.
S’adapter à ce besoin est donc parfaitement légitime. Surtout si le site veut élargir son audience. Au troisième trimestre de 2015, la base de ses utilisateurs actifs atteignait 320 millions de personnes, soit 1,5 % de plus que le trimestre précédent. A ce train-là, il ne risque pas de rattraper de sitôt Facebook et son milliard et demi de membres.
Surtout, cette croissance en berne laisse planer une menace sur celle de ses revenus publicitaires, même s’ils devraient afficher une croissance annuelle de près de 50 % en 2015. Modifier la longueur des messages utilisés lui permettrait de multiplier les produits, comme il a déjà commencé à le faire en 2015.
Il n’est donc pas anormal que Twitter évolue avec la performance des réseaux, qui autorise toutes les tailles de messages. Après tout, le cinéma s’est converti au parlant, puis à la couleur, ou à la 3D, même si chaque transition a engendré son lot de nostalgiques. Comme ses prédécesseurs, presse et audiovisuel, les médias du XXIe siècle cherchent encore la formule gagnante qui leur permette de conjuguer audience et stabilité économique. Mais ce n’est pas forcément le nombre de caractères qui fera la différence.
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