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Présidentielle en Egypte : le bilan de Abdel Fattah al-Sissi plombé par la crise économique

Le maréchal Abdel Fattah al-Sissi semble assuré d’être réélu lors de la prochaine élection présidentielle en mars 2018. Problème: en dépit de réformes inspirées par le FMI, l’Egypte fait toujours face à une grave crise économique dans laquelle le pays a plongé après la révolte de 2011. Une épine dans le pied du président sortant, qui pourrait l’empêcher d’obtenir un score… de maréchal.

«Tous ceux qui veulent se marier doivent repousser la date car plus personne n’a les moyens d’acheter quoi que ce soit», explique Shaima, une femme au foyer de 30 ans accompagnée de sa mère.

«Les prix ont triplé voire quadruplé alors que la situation des gens se dégrade et qu’il n’y a plus de pouvoir d’achat», précise Sayed Mahmoud, un marchand de tissu et de meubles de 50 ans. Une couverture, vendue 200 livres auparavant, s’achète désormais 800 livres, insiste ce père de cinq enfants. «Auparavant, 3000 livres me suffisaient pour les enfants et les dépenses de la maison. Mais aujourd’hui, 12.000 livres ne me suffiraient pas, sans même parler des loisirs ou des frais médicaux», affirme le commerçant. En 2014, l’inflation était de 10,1%. Elle était de 30% trois ans plus tard.

Comme Shaima et Mahmoud, nombre d’Egyptiens des classes populaires et moyennes sont touchés de plein fouet par la crise qui a commencé après le départ en exil de l’ancien président Hosni Moubarak. Et ils ont du mal à percevoir les effets positifs des réformes engagées par le président Sissi. Lequel avait fait de l’économie l’une de ses priorités lors de son élection en 2014.

Deux ans plus tard, il avait lancé un important programme de réformes. Objectif: mettre fin à un «modèle d’Etat providence hérité de la période nassérienne», résume Le Monde. Un modèle encore marqué, aux dires de certains observateurs, par l’influence soviétique avec des mégaprojets plutôt que des investissements pour des infrastructures.

Aujourd’hui, le déficit public atteint 13% du PIB «avec des dépenses pour la plupart improductives: un cinquième du budget de l’Etat destiné aux subventions à l’énergie et aux biens de première nécessité ; un quart pour les salaires des sept millions de fonctionnaires» (pour une population de 94,7 millions d’habitants en 2017), note le quotidien français. Sans parler de l’armée, véritable Etat dans l’Etat au poids économique considérable, dont le budget reste secret et qui a des intérêts dans de nombreux secteurs d’activité. «L’institution militaire, c’est l’économie dans l’économie», commente un observateur averti.

Des marchands fruits dans souk Caire 12 février 2018
Des marchands de fruits dans le souk du Caire le 12 février 2018. © REUTERS/Mohamed Abd El Ghany

L’aide du FMI
Pour sortir du marasme, le président égyptien avait obtenu fin 2016 du Fonds monétaire international (FMI) un prêt de 12 milliards de dollars sur trois ans. Condition: la mise en place d’un programme de réformes économiques drastiques. Parmi elles, la dévaluation, en novembre 2016, de la devise égyptienne qui a perdu la moitié de sa valeur par rapport à l’euro. Ou encore les coupes dans les subventions publiques, sur l’énergie et les carburants notamment. Toutes ces mesures qui ont conduit à une inflation galopante, même si elle a reculé ces derniers mois.

En janvier, le président s’est malgré tout vanté d’un «essor sans précédent» de l’économie égyptienne durant son premier mandat. Les réserves de change de la Banque centrale sont passées à environ 37 milliards de dollars contre 16 milliards en 2014, a-t-il fait valoir. Le taux de chômage est passé de 13,4% à 11,9%, selon lui. Un chiffre qui laisse certains dubitatifs. D’autant que les 23 millions d’Egyptiens de moins de 30 ans, notamment les diplômés, sont particulièrement touchés par le phénomène: deux millions de jeunes débarqueraient chaque année sur le marché du travail.

«Le gouvernement a réalisé près de 11.000 projets», a affirmé Abdel Fattah al-Sissi. Parmi ceux-ci, l’élargissement du Canal de Suez ou la construction en cours d’une nouvelle capitale administrative pour désengorger Le Caire. Coût de la nouvelle ville: 45 milliards de dollars. Des projets fastueux qui étonnent nombre d’observateurs.

Selon l’ancienne doyenne de la faculté d’économie et de Sciences politiques de l’université du Caire, Alia al-Mahdi, le gouvernement devrait se concentrer sur les secteurs de «l’industrie, de l’agriculture et des services pour réduire le chômage de façon permanente et véritable». Car «les projets nationaux ne génèrent que des emplois temporaires», estime-t-elle.

«La pire réforme qui soit»
L’économiste salue des aspects positifs dans le programme du président Sissi. Mais à ses yeux, la dévaluation de la monnaie représente «la pire (réforme) qui soit dans son application». Et ce en raison de ses effets néfastes sur la population. «Si l’amélioration de l’économie se mesure à la situation et la vie des citoyens, l’objectif du programme de réformes n’a pas été atteint», conclut Mme Mahdi. De fait, l’optimisme du dirigeant sortant n’arrive pas à convaincre M.Mahmoud dans son échoppe du Caire. «Je soutiens Sissi avec le cœur et l’esprit, mais qu’est-ce que cela me rapporte à l’heure actuelle?», s’interroge-t-il.

Militaires égyptiens en faction près d'une mosquée 1er décembre 2017
Militaires égyptiens en faction près d’une mosquée à Al Rawdah (province du Nord-Sinaï) le 1er décembre 2017. © REUTERS/Mohamed Abd El Ghany

Pour le FMI, en revanche, les perspectives économiques de l’Egypte sont «favorables». «Les mesures prises par les autorités ont été audacieuses et nous convenons qu’elles étaient nécessaires pour inverser l’accumulation de déséquilibres qui entravaient une croissance plus élevée et la création d’emplois», expliquait l’institution en septembre.

Optimiste, celle-ci prévoit une croissance de 4,8% pour l’année budgétaire 2017-2018 et une inflation à un seul chiffre. Reste que comme le rapporte Le Monde, «il faut une croissance de 7% (…) pour créer de l’emploi». Minée par la corruption, rongée par le chômage et l’inflation, longtemps soutenue à bout de bras par les pays du Golfe, l’Egypte, «bombe démographique» avec un taux de natalité de 31,5 enfants pour 1000 habitants, est sans doute encore loin d’être sortie de la crise.

Par Laurent Ribadeau Dumas

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