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L’économie gabonaise traverse une zone de fortes turbulences

Ali Bongo Ondimba, le président gabonais récemment réélu dans le bruit et la fureur, rêvait que la zone économique spéciale de Nkok soit le reflet de l’économie nationale : créatrice d’emplois industriels et de services, innovante, technologique, écologique… Hélas, à ce jour, ce n’est qu’un îlot de dynamisme posé au milieu d’un océan économique déprimé par l’effondrement des cours de l’or noir dans ce pays qui s’est trop longtemps reposé sur ses rentes pétrolières.

Créée en 2012, la Gabon Special Economic Zone de Nkok (GSEZ) ne fut, pendant ses trois premières années d’existence, qu’une vaste friche installée à 27 km à l’est de la capitale Libreville. Une friche de 1 600 hectares gagnés sur la forêt secondaire qui recouvre l’essentiel du territoire de ce pays d’Afrique centrale riverain de l’océan Atlantique. L’opposition raillait cet énième grand chantier sorti de la tête du président Ali Bongo. Ce fan de courses automobiles avait été élu pour un premier septennat en 2009 sur la promesse de conduire à toute vitesse sur le chemin de l’émergence un pays dont le développement a lambiné durant les quarante-deux années de pouvoir de son père. « Omar Bongo Ondimba dirigeait le pays en chef de village, Ali rêve de le gérer comme un chef d’entreprise », résume un de ses proches.

Avantages fiscaux et douaniers

Aujourd’hui, contrairement à d’autres grands projets dans les limbes, la GSEZ affiche un bilan dont le chef de l’Etat n’a pas à rougir sur un continent handicapé par sa sous-industrialisation. Soixante-cinq investisseurs ont acquis des parcelles pour y installer des sites de production tournés vers l’exportation et actifs dans le secteur de la transformation du bois, de la sidérurgie, de la chimie, de l’agro-industrie, des matériaux de construction. On y trouve aussi de la haute technologie avec l’Agence gabonaise d’études et d’observations spatiales (Ageos), partenaire du Centre national d’études spatiales français (CNES) et de la Nasa américaine, entre autres.

Sans doute que les avantages fiscaux et douaniers ne sont pas étrangers à leur installation sur le site. Mais pas seulement. La GSEZ offre d’autres atours. Dans un pays encore soumis au délestage électrique, la zone de Nkok est énergétiquement autonome, y compris pour l’alimentation en eau et en gaz. Elle est branchée sur la fibre optique garantissant des connexions à haut débit. Elle est directement reliée aux axes de communication routiers, fluviaux et ferroviaires. Un rêve inaccessible à la plupart des Gabonais vivant hors des centres de Libreville ou de Port-Gentil, la capitale économique, soumis aux aléas boueux de la saison des pluies. Sanscompter « un guichet unique rassemblant des représentants des principaux ministères qui facilite la vie des entrepreneurs dans un pays qui a hérité de la lourdeur administrative de l’ancienne puissance coloniale [la France] », explique Armel Mensah, administrateur de la zone. En résumé, la GSEZ, c’est un peu le film négatif d’une photographie du Gabon.

La genèse du projet partait d’ailleurs du constat que l’on ne pouvaitenvisager le développement du pays en continuant comme avant. C’est-à-dire en se reposant, pour l’essentiel, sur les revenus tirés de l’exploitation pétrolière, portés par une conjoncture favorable mais redistribués de façon opaque par un système clientéliste entretenu, alimenté, manipulé par Omar Bongo Ondimba. Son fils Ali, longtemps ministre durant la présidence de « papa », avait donc promis de rompre avec cela. A l’instar de Paul Malekou, pourtant un cacique de l’ancien système, « beaucoup pensèrent qu’Ali [Bongo Ondimba] était le seul à pouvoir nettoyer les écuries d’Augias, à mettre un terme à la gabegie financière, à la corruption et qu’il allait enfinchanger et développer le pays après des années d’inaction. Mais il n’a rien fait », juge-t-il sévèrement.

Le président, lui, défend « un bilan globalement positif » en mettant en avant un début de diversification économique, « des investissements dans les infrastructures et les technologies comme jamais il n’y en avait eu auparavant ». « Ce n’est pas en sept ans que l’on peut changer un pays », défend Arnauld Engandji-Alandji, qui dirige la Gabon Oil Company, opérateur public et gérant des participations de l’Etat dans tous les gisements du pays.

« Timides réformes »

Il n’en demeure pas mois que le Gabon est encore « quasi entièrement dépendant du secteur pétrolier qui représente près de 80 % des exportations, 60 % des recettes budgétaires et 40 % du PIB », écrit Benjamin Augé dans une note de l’Institut français de relations internationales (IFRI). « Les timides réformes engagées pour conduire [la]diversification n’ont pas encore payé », ajoute-t-il. D’autant que le pays a été frappé de plein fouet par l’effondrement des cours du brut et la chute de la production – passée de 365 000 barils jour en 1996 à 235 000 vingt ans plus tard – consécutive à l’essoufflement des gisements et à l’absence de découvertes significatives ces dix dernières années. « Les nouveaux gisements potentiels sont dans des eaux profondes ou très profondes qui induisent des coûts très élevés », reconnaît Arnauld Engandji-Alandji.

Conséquence immédiate de cette déprime pétrolière, Port-Gentil, la capitale économique, souffre. Selon les chiffres de l’Organisation nationale des employés du pétrole (ONEP), plus de 2 500 emplois y ont été supprimés, essentiellement par les entreprises sous-traitantes des exploitants pétroliers.

A cette crise des cours mondiaux se superpose dorénavant unenvironnement national incertain depuis l’explosion de violence qui a accompagné l’annonce de la réélection d’Ali Bongo, début septembre, au terme d’un processus électoral entaché de suspicions de fraudes. La société française d’assurance-crédit Euler Hermes s’inquiète ainsi des conséquences du « tumulte politique qui agite actuellement le Gabon et qui représente, à terme, un réel danger pour la stratégie de diversification entamée par le gouvernement. L’incertitude politique n’est guère appréciée par les investisseurs, et joue négativement sur leur confiance. Or, sans ces investisseurs, il sera difficile pour le Gabon de financer la diversification de l’économie nationale. D’ailleurs, les Investissements directs étrangers (IDE) ont déjà diminué de 38 % en 2015 ». Rien ne dit que le nouveau gouvernement, nommé début octobre et issu de ce scrutin contesté, disposera de la légitimité suffisante pour relever ce double défi : rétablir la confiance auprès de ses partenaires étrangers et de sa population.

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