Le trafic illégal d’ivoire en Afrique qui menace la survie des éléphants est très concentré géographiquement et contrôlé par quelques barons, ont déterminé des scientifiques avec des analyses ADN des défenses saisies.
« Ce qui nous a tous surpris c’est que ces données génétiques suggèrent que le nombre de barons contrôlant ce trafic est relativement petit car la plus grande partie se concentre dans un endroit », a expliqué dimanche Samuel Wasser, professeur de biologie à l’Université de Washington à la conférence annuelle de l’American Association for the Advancement of Science (AAAS), réunie ce week-end à Washington.
Il a mis au point une nouvelle technique d’analyse d’ADN basée sur une vaste banque de données des troupeaux –objet d’une publication dans la revue Science en 2015–, qui a montré pour la première fois que la plus grande partie du trafic d’ivoire provient ces dernières années du braconnage des éléphants dans deux régions d’Afrique.
Ce chercheur a déterminé que 85% des défenses d’éléphants de forêt interceptées de 2006 à 2014 venaient d’une zone protégée s’étendant entre le Cameroun, le Congo et le Gabon. Et plus de 85% de l’ivoire d’éléphants de savane provenait d’Afrique de l’Est, surtout de Tanzanie.
De plus récentes analyses de 200 échantillons de toutes les saisies importantes depuis 2006, montrent que les trafiquants font sortir leurs prises très rapidement du pays où s’est produit le braconnage. Cette recherche a aussi révélé que dans quatorze cas les défenses provenant du même éléphant avaient été saisies dans deux différents chargements.
Les analyses ADN ont en outre révélé que toutes ces défenses ont transité par Mombasa au Kenya, a précisé le professeur Wasser, notant que ces transferts aidaient à camoufler l’origine des cargaisons.
« Cela signifie que le nombre de barons est assez limité car les points chauds du braconnage sont très réduits et que ce trafic est aussi probablement contrôlé par un ou deux trafiquants qui font transiter tout cet ivoire par Mombasa, la plus grande plaque tournante de ce transit en Afrique actuellement », a-t-il précisé.
Grâce à ces analyses ADN « nos travaux ont déjà permis de neutraliser l’un des plus grands trafiquants d’ivoire d’Afrique de l’Ouest et nous sommes actuellement sur la piste du probablement plus gros trafiquant du continent africain », a ajouté le scientifique. Il a souligné la difficulté de combattre ce crime organisé transnational formé de réseaux sophistiqués et de groupes criminels experts dans la contrebande.
Environ 50.000 éléphants sont tués annuellement en Afrique par des braconniers sur une population restante de seulement 450.000, précise le professeur Wasser.
-Manque de volonté politique en Asie-
Le braconnage et le commerce d’espèces sauvages protégées est la quatrième plus grande activité criminelle internationale juste après le trafic des armes, de drogue et d’êtres humains, a-t-il précisé. Ce commerce illégale pèse 20 milliards de dollars par an dont trois milliards pour l’ivoire, a-t-il indiqué.
Allan Thornton, président de l’ONG, Environmental Invesitagation Agency, relève que « les efforts entrepris pour tenter de contrôler le commerce illicite de l’ivoire se sont soldés par un échec (…) car ce trafic est trop puissant et rentable ».
« La seule mesure efficace de conservation (…) qui a mis fin pendant huit ans à ce trafic a été l’interdiction internationale du commerce de l’ivoire en 1989 » quand 70.000 éléphants étaient tués chaque année et que la moitié de la population avait été décimée pendant la décennie précédente pour passer de 1,3 million à 624.000, a-t-il dit lors de cette même conférence de presse.
Pendant cette interdiction, les éléphants ont commencé à reconstituer leur population, a rappelé l’environnementaliste.
Mais quand elle a été en partie levée en 1997 sous, selon lui, la pression du Japon, le braconnage des éléphants a recommencé.
Il s’est nettement accéléré après que la Convention sur le commerce international des espèces de la faune et de la flore a autorisé en 2008 la vente d’ivoire au Japon et en Chine par trois pays africains du sud du continent.
Le professeur Wasser estime qu’il faut « se concentrer sur les plus grands responsables de ce trafic et que la communauté internationale doit pour cela peser de tout son poids ».
Mais William Clark, un ancien membre d’Interpol dans le service de lutte contre le trafic illégal d’ivoire, a accusé dimanche l’Asie de « manquer de volonté politique ».
Selon lui, « l’Asie n’assume pas ses responsabilités pour se saisir de ce problème, en laissant le fardeau sur les épaules des Africains ».
La Chine représente plus de 70% de la demande mondiale d’ivoire.
Comments
0 comments