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L’austérité imposée par le FMI en Afrique centrale a-t-elle commencé?

Fragilisés par la chute des cours du pétrole, les États d’Afrique centrale se voient contraints de frapper à nouveau à la porte du FMI. Ajustements structurels, orthodoxie financière…les mauvais souvenirs des années 1980 refont surface. La potion sera-t-elle aussi amère cette fois-ci ?

Deux sommets de chefs d’État en deux mois. Le fait est suffisamment rare au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) pour être relevé. Il témoigne de l’urgence pour ces présidents de trouver une solution à la grave crise économique qui ébranle leur zone. Le 23 décembre 2016 à Yaoundé, en présence de Michel Sapin, ministre français de l’Économie et des Finances – et à ce titre garant de la parité fixe entre le franc CFA et l’euro – et de Christine Lagarde, patronne du Fonds monétaire international (FMI), ils ont accepté d’ouvrir des négociations avec l’institution de Bretton Woods pour conclure « à brève échéance » des programmes d’ajustement destinés à favoriser une relance « vertueuse et durable » de leurs économies, extrêmement dépendantes du pétrole.

Les réductions des dépenses provoqueront sans doute la grogne sociale. Mais, sans elles, le risque de dévaluation sera encore plus élevé

Dans la capitale administrative du Cameroun, ces chefs d’État ont aussi accepté de contraindre les opérateurs économiques (publics ou privés) qui conservent encore des avoirs à l’extérieur de la zone à les rapatrier immédiatement. Par ailleurs, ils se sont engagés à revoir leurs budgets pour 2017 afin d’y supprimer les dépenses considérées comme superflues. Huit semaines plus tard, le 17 février, alors que le FMI a entamé des discussions dans chacun des pays de la zone, les chefs d’État se sont réunis à nouveau à Djibloho, en Guinée équatoriale, pour faire un premier point sur ces négociations et rappeler la « nécessité » de « renforcer la discipline budgétaire » et de « promouvoir la diversification économique ».

Le souvenir des réductions budgétaire des années 80’s

Plus de trente ans après les douloureux programmes d’ajustement structurel qui ont été imposés à l’Afrique, voilà donc les dirigeants de la Cemac – parmi lesquels l’Équato-Guinéen Obiang Nguema Mbasogo, qui soutenait début 2016 dans JA qu’il ne comptait « emprunter de l’argent ni au Fonds monétaire international ni à aucune autre organisation » – contraints de frapper à la porte du FMI.

Une institution dont la simple évocation rappelle les privatisations en série de sociétés publiques, les vagues de licenciements et les réductions drastiques des dépenses publiques consacrées à la santé et à l’éducation survenues sur le continent dans les années 1980. Finalement, à l’exception du Tchad et de la République centrafricaine, les membres de la communauté avaient réussi au fil des années à couper le cordon avec le FMI. La Guinée équatoriale, par exemple, n’avait plus sollicité l’organisation depuis 1996.

La chute des prix du pétrole 

Avec la baisse prolongée des cours du pétrole, les dirigeants de la Cemac se retrouvent au pied du mur. Leurs économies souffrent de déséquilibres devenus intenables. Durant ces deux dernières années, les six pays membres ont été confrontés à des déficits jumeaux (du budget et des comptes courants), conséquences de la chute de leurs recettes fiscales et de l’effondrement des revenus tirés de leurs exportations.

Dans le même temps, les réserves de change de la communauté n’ont cessé de se réduire dangereusement. Selon les données du FMI, elles s’élevaient à 5,9 milliards de dollars seulement en août 2016, contre 15,1 milliards en novembre 2014. Cette baisse s’est accélérée à la mi-2016, la région ayant perdu un peu plus de 1 milliard de dollars entre fin mai et fin août. En décembre, ces réserves pouvaient assurer à peine deux mois d’importations (le niveau minimum requis étant de trois mois).

Cette situation continue de faire planer un sérieux risque de dévaluation sur le franc CFA d’Afrique centrale, en dépit de la déclaration des chefs d’État à Yaoundé en décembre. Par conséquent, les ajustements qui seront demandés aux États peuvent apparaître comme un moindre mal. « Les réductions des dépenses [exigées par le FMI] provoqueront sans doute la grogne sociale. Mais, sans elles, le risque de dévaluation sera encore plus élevé, avec des conséquences politiques et sociales potentiellement plus coûteuses », estime Victor Lopes, économiste spécialiste de l’Afrique subsaharienne à la Standard Chartered Bank.

Négocier collectivement

À la Commission de la Cemac, on se veut rassurant : « Les programmes d’ajustement actuellement en cours de négociation n’auront rien à voir avec ceux qui ont été mis en œuvre dans les années 1980. » « Nous proposons à nos états de négocier collectivement avec le FMI et non plus en rangs dispersés, comme dans le passé, explique Paul Tasong, commissaire du département des politiques économique, monétaire et financière de la Cemac.

Chaque état membre élaborera son programme individuel, mais il le fera dans un cadre de référence prédéfini par la communauté et accepté par tous. » Le 16 janvier, à Brazzaville, les ministres des Finances de la Cemac ont élaboré puis transmis au FMI un document définissant les contours des négociations à venir.

Le FMI est lui-même conscient de son image et sait qu’il faut nous écouter davantage

« Les chefs d’État veulent préserver les acquis sociaux et poursuivre leurs politiques d’émergence. Ils souhaitent que leurs programmes avec le FMI en tiennent compte et ne soient pas juste des documents conçus à Washington pour être appliqués dans nos pays. Le Fonds est lui-même conscient de son image et sait qu’il faut nous écouter davantage », ajoute Paul Tasong, qui espère que les premiers décaissements se feront entre fin mars et début avril.

Des conséquences assassines inévitables

Mais de quelle marge de négociation disposent des États qui ont urgemment besoin de liquidités et se sont engagés à ramener leur déficit budgétaire moyen de 5,1 % en 2016 à environ 3 % dans les cinq prochaines années ? D’autant que le Fonds – après une déconvenue au Mozambique, qui a caché plus de 1 milliard de dollars de dette – sera, de l’avis de plusieurs experts, très vigilant et exigeant.

« Concrètement, les contreparties que nous demanderons vont beaucoup ressembler à ce qui a été mis en œuvre au Cameroun au début de cette année. La pression fiscale a été relevée par le ministère des Finances de 16-17 % à 20-22 %, tempère un responsable du Fonds interrogé par JA. L’intervention du FMI a laissé des stigmates en Afrique, où le ratio entre l’apport financier et les efforts demandés est jugé encore trop important. C’est pour cela que nous réfléchissons à prêter des montants unitaires plus importants aux États. Et les financements qui seront octroyés dans le cadre de ces nouveaux programmes seront hautement concessionnels. »

Des arguments qui laissent certains économistes africains sceptiques. « Il ne faut pas se leurrer. La pilule sera amère, et ce sont surtout les plus pauvres qui vont en pâtir, comme on peut déjà le voir au Tchad. Dans sa perpétuelle quête de l’orthodoxie financière, le FMI traquera par exemple toutes les subventions et certaines dépenses sociales », soutient l’un d’eux. À quoi doivent exactement s’attendre les économies de la zone ? Jeune Afrique passe au crible six pays désormais dans l’expectative.

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