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L’Afrique se mobilise contre les pêcheurs chinois illégaux

Les côtes africaines sont les plus pillées au monde et les pêcheurs chinois illégaux sont à la manœuvre. Avec des prises qui dépassent les 3 millions de tonnes par an, les conséquences sont désastreuses. Les deux tiers des prises chinoises à l’étranger se font dans les eaux du continent, ce qui pose plusieurs problèmes.

D’abord, la biodiversité est en danger. La plupart de ces navires sont en effet des chalutiers de fond parmi les plus destructeurs. Des bateaux de plus en plus imposants et qui mettent directement en danger la survie des espèces. En deux décennies, la population de mérous a diminué de plus de 80 % en Afrique de l’Ouest.

La diminution des stocks de poissons explique cette extension des entreprises chinoises vers l’Afrique. Alors que seuls treize navires opéraient dans les eaux africaines en 1985, ils sont plus de cinq cents aujourd’hui à battre pavillon chinois.

24 milliards de dollars par an

Ensuite, les conséquences sur le travail des pêcheurs locaux. Les navires chinois revendent environ un tiers de leur production sur les marchés africains et concurrencent ainsi directement les pêcheurs du continent. Ils exportent un tiers de leur poisson en Europe et le dernier tiers en Chine continentale. On estime qu’en raison du pillage de ses eaux territoriales l’Afrique perd une grande partie des 24 milliards de dollars (22 milliards d’euros) générés par la pêche chaque année. Et ce sont les petits pêcheurs, qui ramènent 46 % de la production, qui pâtissent le plus de la situation.

Comment procède la Chine ? « Des entreprises chinoises peu scrupuleuses profitent de la faible supervision par les autorités locales et chinoises », nous explique Rashid Kang, responsable de la campagne « Océan » pour Greenpeace Asie.

L’ONG démontre, preuves à l’appui, qu’au moins soixante-quatorze navires de pêche détenus et exploités par trois grandes entreprises chinoises sont responsables de ces activités illicites le long des côtes africaines. La plupart de ces chalutiers sont exploités par trois sociétés : Lian Run, Boyuan et, surtout, China National Fisheries Corporation (CNFC), dont le siège est à Pékin. CNFC est une entreprise d’Etat, qui dépend du ministère de l’agriculture et de la pêche. Spécialisée dans la pêche en eaux lointaines, elle exploite plus de 220 navires à travers le monde et a envoyé ses premiers bateaux en Afrique de l’Ouest il y a trente ans.

Responsabilité du gouvernement chinois

Falsification de tonnage brut, détournement des autorisations ou encore pêche dans des eaux interdites : Greenpeace met sur la table l’ensemble des documents récoltés au cours de ces deux années d’enquête.

« Rien qu’en 2014, en Afrique de l’Ouest, nous avons réussi à démontrer seize cas de pêches illicites, nous précise Rashid Kan. Nous avons mené une enquête pointilleuse en dépêchant sur place notre principal navire, en organisant des surveillances avec un hélicoptère et en utilisant des radars et des liaisons radios pour suivre en temps réel les mouvements de ces bateaux. »

Pour Greenpeace, le gouvernement chinois est donc responsable, d’autant que ce sont généralement des officiers chinois qui tiennent la barre. Ils viennent des provinces du Shandong, du Zhejiang et du Liaoning. « L’absence de gestion des pêches efficace dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest a permis aux entreprises chinoises de piller les ressources marines dans une relative impunité. Il est temps que les gouvernements africains renforcent leur gouvernance et corrigent les manquements dans les lois existantes », demande Greenpeace.

L’appel de Yaoundé

La réponse de ces gouvernements est venue en décembre 2015 avec la rencontre au Cameroun de représentants officiels de vingt-quatre pays africains pour s’attaquer à cette pêche illégale. Les ministres ont lancé un appel à la Chine pour qu’elle mette un terme à ces pratiques. Mais la réponse ne doit pas être seulement diplomatique. Le chef de la Commission régionale pour la pêche dans le golfe de Guinée, Emille Essema, explique ainsi que le problème s’aggrave, car « les pays africains n’investissent pas suffisamment pour moderniser le secteur de la pêche. L’Union africaine incite les pays de l’Ouest à investir dans l’aquaculture et l’élevage de poissons, car ce secteur peut générer de nombreux emplois pour les jeunes et aider à nourrir la population ».

Pas moins de 90 millions de personnes sont concernées, mais l’appel de Yaoundé risque de faire plouf auprès de pêcheurs chinois tellement avides de ressources africaines. Certaines espèces parmi les plus rares et les plus recherchées par les gourmets chinois, comme les fameux ormeaux beiges d’Afrique du Sud, des requins ou certains crustacés, sont en effet directement achetés par les mafias de Hongkong. Les triades 14k et Wo Shing Wo font ainsi leur marché auprès des pêcheurs locaux en échangeant parfois contre des drogues de synthèse leurs précieuses cargaisons.

Le journaliste indépendant britannique Ivan Broadhead a enquêté avec les policiers sud-africains sur ce trafic : « Les triades de Hongkong échangent de l’éphédrine contre des ormeaux, nous raconte-t-il. Ce qui a contribué à l’explosion des addictions à la drogue dans le sud de l’Afrique » et à la disparition progressive de ce gastéropode. Quand ce n’est pas contre de la drogue, ces ormeaux s’achètent plus de 30 dollars le kilo. Un trafic très lucratif et qui met en danger l’une des espèces les plus rares des côtes sud-africaines.

 

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