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Intégration régionale : quelles leçons les États africains devraient-ils tirer du Brexit ?

Ça y est. Le Brexit a eu lieu. Le Royaume-Uni est sorti de l’Union européenne (UE). Au demeurant, il n’y était pas entré entièrement.

En effet, celui-ci ne fait pas partie de l’union monétaire de la zone euro – préférant garder le contrôle de sa monnaie – et bénéficie d’un statut particulier dans l’application des règles de Schengen dans la mesure où il a obtenu de ne participer qu’à une partie des dispositions (clause d’opting-in).

En Afrique, au-delà de quelques pays tels que l’Afrique du Sud, le Kenya, le Nigeria, les effets économiques du Brexit ne seront pas sans doute pas très visibles. En revanche sur le plan politique, le Brexit sera un marqueur pour les politiques d’intégration régionale en Afrique et dans le reste du monde. Au moment de la tenue du sommet de l’Union africaine à Kigali, nous pouvons tenter d’en tirer quelques leçons pour l’intégration africaine.

Quels enseignements?

Une intégration à la carte n’est pas viable. Il faut rappeler que dès le départ, le Royaume-Uni a négocié et obtenu des exceptions dans la ratification de ses traités avec l’UE. À force d’exceptions, le pays ne s’est pas senti complètement membre de l’espace européen. Sentiment sans doute nourri et renforcé par sa situation d’insularité et de relation privilégiée avec les États-Unis. Churchill ne disait-il pas que toutes les fois où il aura le choix entre le continent et le grand large, il choisirait le grand large ? Les discussions des clauses d’exception ont souvent été sources de tensions dans les discussions. Au niveau africain, nous voyons les processus d’intégration freinés du fait des demandes d’exception ainsi que par les débats autour de la question de la souveraineté versus la délégation d’autorité aux communautés économiques régionales. Il est par conséquent important de trouver un point d’équilibre entre les exigences de souveraineté et la flexibilité que requièrent les processus d’intégration.

L’intégration doit être un système qui promeut l’intérêt général et pas une juxtaposition d’intérêts nationaux voulant tirer leur épingle du jeu

L’intégration doit être un système qui promeut l’intérêt général et pas une juxtaposition d’intérêts nationaux voulant tirer leur épingle du jeu. Or l’espace européen semple être bloqué à une étape de transformation des intérêts nationaux en synergies et actions collectives. Rappelons-nous des propos de Margaret Thatcher qui (Déjà !) demandait : « I want my money back ». Les partisans du Brexit ont repris l’esprit de ces propos dans leurs slogans de campagne. Pourtant, en dépit de leurs différences politiques, les pays de l’Union européenne consacrent 62% de leurs échanges commerciaux à la zone euro. En Asie, les pays de l’Asean consacrent 25 % de leurs échanges au niveau régional. Or en Afrique, nous en sommes à 13%. Les pays de la Cedeao consacrent 9% de leurs échanges à l’espace régional tandis que les pays CEEAC y consacrent à peine 2%. Il reste encore du chemin !

Les populations doivent être plus impliquées.

Les populations doivent être plus impliquées. Au lendemain du vote du Brexit certains y ont vu une vengeance des peuples sur leurs élites. Puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple, disait ironiquement Bertold Brecht dans son poème « La solution ». Dans un récent entretien, Christine Lagarde, Directrice générale du FMI, rappelle dans le cas du Brexit que si les populations ne s’approprient pas les réformes qui accompagnent le projet européen, on ne peut pas réussir. Jusqu’à quel point sommes-nous assurés que les peuples africains sont partie prenante des projets d’intégration régionale ? Sans doute devrions-nous réfléchir à une meilleure (ré)organisation des institutions régionales. Le parlement panafricain, par exemple, est-il efficacement positionné pour représenter les citoyens ? Quel est l’impact du MAEP (Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs) dans l’amélioration de la gouvernance ? Au-delà d’un potentiel vote sur la participation des pays, quels seraient les résultats d’un sondage sur la connaissance des institutions régionales ?

Quelles perspectives ?

Dans nos régions, les contraintes économiques sont exacerbées par les risques liés à la fragilité et les conflits. Nous devons pouvoir mieux apprécier la pertinence et l’efficacité des décisions prises par l’Union africaine et les communautés économiques régionales dans la vie courante et dans quelle mesure celles-ci permettent d’améliorer les conditions de vies des citoyens.

Aussi nous faut-il renforcer les institutions et la société civile afin de les rendre plus visibles, réactives pour faire face aux questions de fragilité, de violence et de conflits, d’une part ; et de pouvoir saisir et développer les opportunités pour un continent jeune.

Dans ce contexte, les communautés économiques régionales ont un rôle essentiel à jouer dans leurs espaces respectifs avec un appui plus soutenu des pays dynamiques économiquement qui pourraient jouer le rôle de locomotives. Sur le plan sécuritaire, les institutions régionales auront à redéfinir un nouveau modèle en vue de réponses, de mutualisation, de coordination efficace des efforts du fait de la nature des nouveaux conflits qui désormais dépassent les frontières nationales et se nourrissent de terrorisme et de trafics illicites.

Aujourd’hui, huit monnaies se font concurrence en Afrique de l’Ouest, ce qui représente un véritable handicap pour les performances économiques de la région

D’un autre côté, le développement et l’intégration économiques pourraient être renforcés par la création de monnaies uniques régionales. La Cedeao envisage une intégration monétaire à l’horizon 2020. Ceci permettra notamment de réduire les coûts de transactions et renforcer les échanges au sein des espaces économiques. Rappelons qu’aujourd’hui, huit monnaies se font concurrence en Afrique de l’Ouest, ce qui représente un véritable handicap pour les performances économiques de la région. A moyen terme, ces communautés économiques régionales, une fois intégrées sur le plan monétaire dans leurs espaces respectifs, pourraient piloter un processus de convergence graduel entre elles.

La facilitation des déplacements doit être soutenue par la formation et le développement de centres d’excellence. Dans ce contexte, l’université panafricaine doit être soutenue et renforcée. De l’autre côté, la création d’un passeport africain est plus que bienvenue. Malheureusement, ce dernier reste encore réservé à une élite. Or l’avenir de l’intégration régionale repose sur une jeunesse mobile, formée en quête d’opportunités et d’ouvertures au sein de l’espace régional. Pour répondre à ces impératifs, on pourrait penser un système de bourses africaines sur le modèle Erasmus qui favoriserait les échanges de connaissances et de cultures.

Plus d’inclusion et de synergies que d’exit

Au regard de l’ensemble des priorités du continent et de leurs urgences, l’intégration régionale est une exigence. Plus encore, sa vitesse d’exécution. Pour cela, nos institutions ont besoin de plus d’inclusion et de synergies que d’exit. Dans ce contexte, l’union africaine devra être mieux outillée et structurée pour jouer pleinement son rôle central de stratège, de pilote et de coordonnateur des politiques d’intégration régionale sur le continent. À cet égard, le leadership sera important aussi bien au niveau des structures de l’UA que des communautés économiques, sans oublier une plus grande implication des populations et des sociétés civiles.

Abdoul Salam Bello

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