Xi Jinping veut faire de son pays une superpuissance du ballon rond. Son objectif : organiser, puis remporter une Coupe du monde. Il en est encore très loin, mais ne ménage pas ses efforts pour y parvenir.
La Chine a beau s’être convertie au libéralisme économique, les directives du tout-puissant Parti communiste ne se discutent pas. Le président Xi Jinping, qui est un grand fan de football, a mis en place une commission dirigée par un vice-Premier ministre (Liu Yandong) dont la mission est on ne peut plus claire : « revitaliser le football » local, « faire de la Chine une grande puissance sportive » et, pour cela, inciter les entreprises à investir massivement dans le secteur. Dès 2011, Xi Jinping, qui n’était encore que vice-président, n’avait pas fait mystère de ses ambitions : faire en sorte que l’équipe nationale se qualifie pour une phase finale de Coupe du monde (elle ne l’a fait qu’une seule fois, en 2002), organiser la compétition à l’horizon 2034 et, si possible, la gagner un jour.
Le foot comme partie intégrante du soft power chinois ? On est encore loin du compte. Dans le classement Fifa, la Chine occupe une peu reluisante 96e place, juste devant Oman ! Et elle ne compte que 137 000 licenciés, ce qui, dans un pays de 1,3 milliard d’habitants, est fort peu. Mais le mouvement est lancé. Pressés par les autorités, les dix plus gros entrepreneurs chinois se sont tous offert un club de la Chinese Super League (CSL), la première division locale. C’est d’autant plus à signaler que le contexte n’est guère favorable. « L’économie chinoise subit un ralentissement que ne traduit pas le chiffre de 6,9 % de croissance en 2015. Les autorités ont actionné le levier de la distribution de crédits pour stimuler l’investissement et donc la croissance. Ce qui se passe dans le football en est une conséquence », analyse Pierre Sabatier, président de PrimeView, un cabinet indépendant de recherche économique et financière.
Les grands clubs chinois ont fait flamber le mercato hivernal
Résultat ? Les grands clubs chinois ont fait flamber le mercato hivernal et investi quelque 331 millions d’euros pour attirer des joueurs africains ou sud-américains qui ne sont pas tous des stars. C’est plus que la richissime Premier League anglaise pendant la même période. L’Ivoirien Gervinho est ainsi passé de l’AS Roma à Hebei China Fortune pour 18 millions d’euros ; Guangzhou Evergrande a déboursé 38,4 millions pour le Colombien Jackson Martinez (ex-Atletico Madrid) ; Shanghai Shenhua, 13 millions pour son compatriote Freddy Guarin ; Jiangsu Suning, 28 millions pour le Brésilien Ramires (ex-Chelsea) et 50 millions pour Alex Teixeira, autre Auriverde en provenance du Shakthar Donetsk (Ukraine).
Et les salaires sont à l’avenant. Teixeira touchera par exemple 12,5 millions par an, un peu moins que l’Argentin Ezequiel Lavezzi, que Hebei China Fortune a acheté au Paris SG pour 6 millions d’euros, mais qui touchera un salaire annuel de 15 millions. « Ces chiffres impressionnants doivent être relativisés, tempère Pierre Frelot, l’agent de Didier Drogba [lequel avait signé en 2012 un contrat, aujourd’hui rompu, de 12 millions par an avec Shanghai Shenhua]. La masse salariale des clubs sera essentiellement absorbée par un ou deux étrangers. Les émoluments des autres joueurs, notamment chinois, sont beaucoup plus modestes. Les propriétaires de club se livrent une concurrence féroce. À mon avis, ça finira par se tasser, car il est difficile de débourser durablement de telles sommes. Attendons de voir si les clubs honorent leurs engagements. »
Investissement risqué
A priori, les problèmes financiers rencontrés par les clubs il y a quelques années ne devraient pas se reproduire. Mais Sabatier reste circonspect : « La rentabilité de ces investissements pourrait être remise en question si les retombées (remplissage des stades, droits télé) ne sont pas à la hauteur. Car son niveau de vie ne permet pas encore à la population de consacrer des sommes trop importantes aux loisirs sportifs. » L’explosion des droits de retransmission – China Media Capital (CMC), le groupe dirigé par Li Ruigang, a consacré 1,12 milliard d’euros à leur acquisition – assure aux clubs un matelas confortable. Mais il faudra beaucoup d’argent pour créer, comme le souhaite l’État, 50 000 écoles de football d’ici à 2025. Pour éviter qu’elle ne souffre des pesanteurs bureaucratiques, Xi Jinping a octroyé son autonomie à la fédération chinoise.
Alexis Billebault
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