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Clubs africains : populaires, pas encore millionnaires

Au sud du Sahara, le ballon rond déchaîne les passions. Mais les clubs manquent d’un solide modèle économique pour se développer et comptent plutôt sur de généreux donateurs.

Ici peut-être un peu plus qu’ailleurs, le football enflamme les cœurs, les rues, les makis et les tribunes des stades. Très regardé et très pratiqué sur le continent, le ballon rond est cependant encore très loin, en dehors des trois pays du Maghreb, de l’Égypte et de l’Afrique du Sud, d’être économiquement à la hauteur des passions qu’il soulève.

« Des pays comme le Soudan, le Sénégal, le Kenya, la Namibie, le Botswana ou l’Ouganda organisent depuis quelques années des championnats de mieux en mieux structurés », observe le consultant Jérôme Champagne, ancien haut responsable à la Fifa. Ces championnats existent depuis sept ans au Sénégal et en Côte d’Ivoire et depuis un an en Guinée. Mais « ils ne se déroulent pas tous régulièrement et peuvent parfois être suspendus pendant un ou deux ans », constate le sélectionneur de l’équipe du Togo, Claude Le Roy.

La priorité donnée aux championnats étrangers 

En cause : un cruel manque de financements. « Le développement du football implique de lourds investissements, et il y a d’autres priorités pour les pouvoirs publics », justifie Augustin Senghor, président de la Fédération sénégalaise de football. « Les États ne se préoccupent que de leur équipe nationale. Que leurs joueurs obtiennent de bons résultats dans les championnats européens leur suffit. Le développement des clubs locaux ne les intéresse pas », observe Loïc Ravenel, chercheur au Centre international d’étude du sport (CIES) de Neuchâtel, en Suisse.

La viabilité du foot africain restera très incertaine tant que la diffusion des matchs n’aura pas été améliorée. « Actuellement, la qualité des images n’est pas bonne. Si on n’arrive pas à distinguer la marque du maillot, quel intérêt pour l’annonceur ? » s’interroge le communicant Guillaume Aoust. Résultat, dans certains pays, seul un court résumé diffusé sur la chaîne nationale rend compte chaque semaine de l’avancée du championnat.

Face à cette pénurie d’images, « il y a le risque que les spectateurs africains se détournent de leurs propres clubs et s’intéressent uniquement aux championnats étrangers », craint Loïc Ravenel. Actuellement, seuls les droits des compétitions officielles de la Confédération africaine de football (CAF), propriété du groupe français Lagardère, attirent les sponsors et parviennent à convaincre les télévisions subsahariennes de mettre la main au portefeuille.

Un modèle économique qui permet au vainqueur de la Ligue des champions de toucher un chèque de 1,5 million de dollars (1,3 million d’euros). Près de trois fois le budget 2015 du club ivoirien AS Tanda lors de son sacre national. Les salaires proposés aux internationaux ghanéens (Latif et Asare) et béninois (Aifami) ne dépassaient alors pas 1600 euros par mois.

En l’absence d’une large couverture médiatique, les clubs ne peuvent pas non plus compter sur des revenus comme le « naming », comme c’est le cas au Maroc, où le championnat s’appelle depuis 2015 Botola Maroc Telecom. Alors que les maigres recettes de billetterie peinent à couvrir les frais d’entretien de l’enceinte, seule la vente de joueurs aux clubs européens permet de rapporter de l’argent.

Les mécènes, planche de salut des clubs locaux

« Il faudrait augmenter le montant des indemnités de formation et faire passer de 5 % à 10 % le montant du mécanisme de solidarité à reverser aux clubs formateurs », plaide Jérôme Champagne.

Faute d’être soutenu par les pouvoirs publics, c’est grâce au mécénat que se développe le foot en Afrique subsaharienne. Avec les hommes d’affaires ivoiriens Séverin Kouabénan Yoboua à l’AS Tanda et Eugène Diomandé pour le Sewé Sport de San Pedro, ou encore le businessman et homme politique congolais Moïse Katumbi, ancien gouverneur de l’ex-riche province du Katanga, propriétaire depuis 1997 du TP Mazembe.

Le club, qui a remporté trois fois sous sa présidence la Ligue des champions de la CAF, dispose depuis 2011 d’un stade de 19 000 places à Lubumbashi, construit avec les propres deniers de Katumbi, et depuis 2012 de son centre de formation, la Katumbi Football Académie, ainsi que d’un lieu de retraite pour les joueurs.

En Guinée, l’homme d’affaires Antonio Souaré, propriétaire du groupe de communication Business Marketing Group et de la société de paris sportifs Guinée Games, préside depuis 2011 le Horoya Athlétique Club, un club de Conakry, qui dispose grâce à lui d’un budget de 5 millions de dollars en 2016. Un centre sportif est également en construction à Yorokoguia (à 40 km au nord de la capitale), qui pourra accueillir jusqu’à 80 apprentis sur 4 terrains d’entraînement aux normes Fifa, ainsi qu’un complexe de loisirs haut de gamme destiné à accueillir des équipes en stage.

Un grand stade d’une capacité de 15 000 places sera livré en 2017. Par ailleurs, Souaré a signé en mai une convention de partenariat public-privé (PPP) sur trente ans avec le gouvernement guinéen en vue de rendre opérationnel le stade de Nongo – 50 000 places –, livré par la Chine à la Guinée mais à l’abandon depuis 2008.

Le potentiel sous-évalué des infrastructures

Mais rares sont les clubs subsahariens à pouvoir présenter de telles installations. De nombreuses enceintes attendent d’être rénovées, comme le stade Léopold-Sédar-Senghor de Dakar (60 000 places) ou le stade des Martyrs de Kinshasa (80 000 places). Et les infrastructures récentes, construites souvent par des entreprises chinoises, avec leurs grandes arches, laissent perplexes sur l’attention accordée au football africain et à son développement.

« Les nouvelles enceintes, comme celles d’Angondjé [Libreville], sont bâties loin des centres-villes, sans liaison de transport, sans loges VIP », déplore Léonard Dubreuil, gérant associé d’Insys, agence désignée pour l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2023 en Guinée. « Les États n’ont pas conscience qu’un stade peut devenir une source de revenus en accueillant des concerts, des boutiques, des restaurants », poursuit-il.

Les compétitions officielles stimulent pourtant le lancement de chantiers d’envergure. C’est ainsi que la CAF en attribue désormais l’organisation à de petits pays démunis en infrastructures, rappelle Suketu Patel, son premier vice-président, qui cite en exemple la Guinée équatoriale et le Gabon, hôtes des CAN 2015 et 2017. « Le football, à travers ces CAN, permet l’aménagement dans les pays d’aéroports, de routes, de villes », défend Léonard Dubreuil.

Alexis Billebault & Rémy Darras

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