Recycler des déchets plastiques pour en faire un liant qui remplace le ciment dans la production de pavés : tel est le nouveau défi que s’est lancé la légende vivante du football camerounais Roger Milla. Après avoir cumulé les récompenses (Ballon d’or africain, footballeur africain du siècle…), celui qui fut en 1994 le plus vieux buteur en Coupe du monde, à 42 ans, veut désormais se battre contre le fléau des déchets plastiques à Yaoundé.
« Nous avons lancé ce projet pour lutter contre la pollution, mais aussi pour créer des emplois pour des jeunes désœuvrés », explique Roger Milla, qui expérimente ce procédé depuis juin 2015. Au Cameroun, la gestion de déchets plastiques est devenue un problème majeur. Les sachets et les bouteilles systématiquement jetés dans la nature bouchent les caniveaux et encombrent les rivières.
Pour tenter d’atténuer ce fléau, Roger Milla a créé l’association Cœur d’Afrique qui défend la protection de l’environnement et la promotion du développement durable. A terme, elle ambitionne deformer 2 500 jeunes à la collecte, au tri des déchets plastiques, ainsi qu’à leur transformation en matière première pour la fabrication de pavés.
Des pavés « imperméables »
« Nous avons sélectionné 25 jeunes à qui nous avons dispensé une formation complète » afin qu’ils forment plus tard d’autres personnes, explique le secrétaire exécutif de l’association, Pancrace Fegue. Ces pionniers ont déjà produit des milliers de pièces de pavés, qui ont été utilisés notamment pour le revêtement de la cour de la Fédération camerounaise de handball. « Ce projet peut m’aider à mieux m’en sortir », espère un des jeunes du projet, Elvis Kake. Enfant de la rue, celui-ci rêve de la quitter grâce à l’association Cœur d’Afrique.
Ces jeunes qui collectent les déchets utilisent donc le plastique comme un liant qui remplace le ciment. Après avoir procédé à un tri sélectif, la phase de transformation se déroule en plusieurs étapes. Le plastique contenant du chlore est éliminé, car toxique lors de sa transformation, explique le directeur technique du projet, Pierre Kamssouloum. La production se poursuit par la fonte des matières plastiques placées dans une cuve posée sur du feu de bois. Une fois la matière plastique fondue, « on y ajoute du sable avant de disposer le tout dans des moules, à chaud ». L’eau ne rentre pas dans la production et le produit sèche à l’air ambiant. Le séchage prend généralement « quinze minutes » indique M. Kamssouloum, alors que pour un pavé à base de ciment et de sable cette opération peut nécessiter vingt-quatre heures.
Selon le directeur technique du projet, ces pavés d’un nouveau genre ont d’autres avantages. Ils « sont moins coûteux », vante-t-il. Cela coûte 3 500 francs CFA (environ 5 euros) le mètre carré pour une épaisseur de 5 cm, contre 5 000 francs CFA pour les pavés classiques. Ils « sont imperméables » et peuvent être utilisés « dans les zones marécageuses » ou « pour construire des fosses sceptiques », ajoute-t-il.
D’après le laboratoire national de génie civil (Labogenie), qui est l’organisme officiel d’analyse des matériaux de construction et des travaux publics, les tests sur la qualité de ces pavés ont donné des « résultats encourageants, mais ils doivent être confortés par d’autres tests », renseigne le chef de la division essais et analyses au Labogenie, Paul Mallo Nkongo.
« Une destination finale autre que la poubelle ou la rue »
Fin novembre, l’association a sensibilisé des élèves de deux établissements scolaires de Yaoundé, les invitant à collecter des déchets plastiques dans leurs quartiers. En une semaine, ceux-ci ont ramassé près de trois tonnes de déchets, qui ont été récupérés ensuite par l’association. « Nous voulons amener les élèves et les ménages à comprendre que les plastiques ont une destination finale autre que la poubelle ou la rue », explique le secrétaire de Cœur d’Afrique, M. Fegue.
Mais selon lui, le projet se heurte encore à un certain nombre de difficultés : un manque de véhicules pour ramasser les ordures et un manque de moyens financiers, notamment pour encadrer les jeunes. La ville de Yaoundé a offert un site provisoire pour la production des pavés mais l’association est encore à la recherche d’un lieu définitif. Le ministère de l’environnement a mis à la disposition de l’association les emballages plastiques non biodégradables saisis.
En avril 2014, le gouvernement avait interdit « la fabrication, l’importation, la détention, la commercialisation ou la distribution des emballages plastiques non biodégradables ». Mais certains producteurs font de la résistance. Début janvier, près de 100 tonnes d’emballages plastiques fabriqués illégalement par une entreprise de Douala ont ainsi été saisies.
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